L’entreprise française qui a imposé à une salariée de retirer son foulard islamique lors de contacts avec les clients a fait preuve de discrimination directe illicite, a estimé mercredi l’avocate générale de la Cour de justice de l’UE.
La CJUE, basée à Luxembourg, pourra tenir compte de cet avis pour rendre sa décision. Dans cette affaire qui concerne une femme musulmane employée comme ingénieure d’études par la société française Micropole, la CJUE a été questionnée par la Cour de cassation.
Cet avis de l’avocate générale est contradictoire avec celui exprimé fin mai par l’un de ses collègues sur une affaire similaire en Belgique, pour qui une interdiction peut se justifier dans le cadre d’une « politique de neutralité » fixée par l’entreprise. La CJUE devra trancher dans les mois à venir sur le sujet.
Selon une source proche du dossier, la CJUE pourrait décider de joindre les deux affaires dans une décision commune. La plus haute autorité judiciaire française lui avait demandé « si l’interdiction de porter le foulard islamique lors de la fourniture de services de conseil informatique à des clients peut être considérée comme une exigence professionnelle essentielle et déterminante », ce qui permettrait ainsi d’échapper au principe de non-discrimination fondée sur la religion.
L’employée avait été embauchée en juillet 2008 et portait parfois un foulard islamique. Un client s’était plaint et avait exigé qu’il n’y ait « pas de voile la prochaine fois ». Micropole avait alors transmis cette requête à son employée, qui avait refusé. Elle a en conséquence été licenciée en juin 2009. « Du fait de sa religion, Mme Bougnaoui a été traitée de manière moins favorable, puisqu’un autre ingénieur d’études qui n’aurait pas choisi de manifester ses croyances religieuses n’aurait, lui, pas été licencié », estime l’avocate générale Eleanor Sharpston.
« Rien n’indique que le fait de porter un foulard islamique empêchait Mme Bougnaoui d’accomplir ses tâches en tant qu’ingénieure d’études », souligne-t-elle. Sur la question d’une discrimination indirecte, basée sur l’imposition d’un code vestimentaire neutre par le règlement d’une entreprise, l’avocate générale Eleanor Sharpston considère qu’il reviendra à la juridiction nationale de trancher pour savoir s’il s’agit d’une mesure proportionnée dans l’intérêt commercial de l’entreprise.
Le Quotidien/AFP