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Graffitis illégaux : cinq trentenaires accusés d’au moins 300 tags


Qui se cache derrière cette signature? L’enquêteur pense qu’il s’agit d’un des prévenus.

En haut des ponts d’autoroute et de chemins de fer, son nom s’étalait dans tout le pays. Il se voyait déjà en haut de l’affiche, il est accusé de graffitis illégaux avec quatre jeunes.

Ils ont l’air de fils de bonnes familles. Propres sur eux, chemises bleu clair ajustées, pulls gris, blazer bleu marine, cheveux coupés parfaitement… Pourtant, il y a une dizaine d’années, les cinq trentenaires auraient tagué à peu près tous les ponts et murets des autoroutes et des chemins de fer du Luxembourg et des alentours. Même un bus et des wagons. Des centaines et des centaines de tags illégaux et des centaines de milliers d’euros de dégâts.

Leurs œuvres ont été nettoyées et remplacées par d’autres. Celles d’autres jeunes qui ont voulu se faire un nom en l’écrivant partout avec de la peinture en bombe. De préférence dans des endroits difficiles d’accès ou dangereux et toujours sur des supports qu’ils n’avaient pas été autorisés à recouvrir.

Certains diront à salir ou à dégrader. De l’art ou du cochon ? Là n’est pas le débat qui occupe la 7ᵉ chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg toute cette semaine et une partie de la semaine prochaine. Le débat concerne la culpabilité des cinq jeunes hommes et les peines qu’ils pourraient encourir.

Me Penning, Rollinger et Frank ont d’entrée de jeu annoncé la couleur en questionnant la compétence du tribunal, la recevabilité des poursuites, le délai de prescription ainsi que la qualification des faits en délits.

Pour le trio d’avocats de la défense, il s’agirait de contraventions à sanctionner par des peines d’amende par une instance civile. La représentante du parquet est d’un avis contraire : les prévenus ont commis des délits. In fine, ce sera au tribunal de toiser les faits et, le cas échéant, de les requalifier, estime-t-elle. «Des faits peuvent avoir plusieurs qualifications.»

Mais pas les mêmes conséquences. Qui dit délits, dit peines de prison plus ou moins longues, surtout pour le leader de la bande.

Graffiti bombing

Les policiers ont «joué au chat et à la souris» avec l’équipe dans l’espoir de les prendre en flagrant délit, a expliqué un enquêteur qui a dû se familiariser avec la scène et ses codes. «Avant cette équipe, les graffitis illégaux n’étaient pas une de nos priorités.»

Restait à identifier les membres de l’équipe qui se faisait appeler OTC pour «Over the Cops» et BFT pour «Back for Trouble», ainsi que la personne qui se cachait derrière le tag Seck. Une perquisition dans le cadre d’une affaire de stupéfiants chez l’un des prévenus les mettra sur sa piste.

«Seck était à l’époque l’un des graffeurs les plus connus au Luxembourg», précise le policier qui détaille l’enquête. «Il pratiquait le graffiti bombing.» Sa signature se trouvait un peu partout dans le pays. «Deux des prévenus le qualifiaient de king, de roi.»

Le prévenu en question – s’il est bien Seck – ne semble aujourd’hui plus aussi avide de gloire qu’à l’époque des faits puisqu’il conteste être à l’origine des tags réalisés avant 2014. Il se serait contenté de copier le tag. «La police part du principe qu’une seule personne se cache derrière ces lettres», fait remarquer Me Penning, avocat du jeune présenté comme le chef et la tête pensante du groupe.

«Ces signatures sont personnelles. En principe, les graffeurs illégaux doivent les étaler le plus possible pour atteindre la reconnaissance et la gloire», lui répond l’enquêteur. «Une fois qu’un endroit est tagué, les autres groupes n’ont plus le droit d’y toucher.»

Copier un tag n’aurait donc a priori aucun intérêt, selon le policier qui avance que Seck agirait depuis 2010 et aurait rassemblé les quatre autres prévenus autour de lui. Les photos de tags, les vidéos de repérages des lieux de création et des esquisses retrouvées dans des carnets à son domicile, les relieraient aux faits. «Il planifiait leurs actions et s’était même renseigné sur les méthodes d’enquête de la police.»

Celui qui se cacherait également derrière les tags SK, Glock, Rambo, Juicy et Creamy, entre autres, aurait causé pour plus de 380 000 euros de dégradations. L’État s’est pour le moment constitué partie civile et réclame 210 000 euros, auxquels viennent s’ajouter les sommes réclamées par des entreprises et la commune de Differdange (plus de 12 000 euros).

Les CFL ont aussi annoncé leur intention de se porter partie civile, mais leur représentant attend l’avancée du procès pour chiffrer le préjudice subi.

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