La saison du cyclisme d’élite (World Tour) a démarré dans la nuit de lundi à mardi aux antipodes, dans la région d’Adélaïde, avec le traditionnel Tour Down Under. Prélude à une année marquée par plusieurs questions.
Chris Froome va-t-il répondre présent ?
Autrement dit, le Britannique, qui doit justifier un contrôle antidopage «anormal» lors de la Vuelta, sera-t-il autorisé à courir le Giro et le Tour, les deux grands tours qui figurent à son programme ? «Sortir de l’obscurité et de l’ambiguïté», demande le directeur du Tour, Christian Prudhomme. Tout comme son homologue du Giro, Mauro Vegni, concerné au premier chef par l’ordre chronologique des courses.
Dans le cyclisme, le ton se durcit au fil des semaines. «Si j’étais contrôlé positif, mon équipe me suspendrait immédiatement», a récemment déclaré le champion du monde du contre-la-montre, le Néerlandais Tom Dumoulin. «S’il y a des règles, elles doivent être respectées», renchérit le patron de l’équipe Quick-Step, Patrick Lefevere.
L’ancien champion américain Greg LeMond a été encore plus direct en qualifiant l’excuse de Froome de «ridicule» : «Il est responsable de ce qu’il ingère dans son organisme.» Bon, presque tout le monde semble d’accord. L’affaire Froome doit être tranchée dans les règles.
Quelle sera la nouvelle hiérarchie du sprint ?
«Je n’ai pas encore montré tout ce que je peux faire», annonce Fernando Gaviria, le plus prometteur de la nouvelle génération (24 ans). Le missile colombien, vainqueur de quatre étapes du Giro, postule à concrétiser dès ses débuts dans le Tour où il va côtoyer un certain Bob Jungels. Face à lui, l’Allemand Marcek Kittel, qui s’est imposé cinq fois en juillet dernier.
Mark Cavendish et André Greipel, sur la pente descendante, n’ont pas dit leur dernier mot. Encore moins le Néerlandais Dylan Groenewegen, en progression, et les Français Arnaud Démare et Nacer Bouhanni. Tous seront désormais surveillés à partir de la vidéo puisqu’un commissaire supplémentaire regardera la course sur écran. L’héritage du sprint tumultueux de Vittel dans le Tour 2017, fatal au champion du monde Peter Sagan (exclusion).
Le cyclisme colombien va-t-il être consacré ?
Esteban Chaves et Miguel Angel Lopez courront le Giro. Nairo Quintana et Rigoberto Uran seront sur le Tour. Avec, pour chacun, de sérieuses chances de monter sur le podium, voire de gagner. Pour le cyclisme colombien, le graal serait la victoire dans le Tour qu’aucun coureur andin n’a remporté.
Quintana, deux fois deuxième, pense que c’est la bonne année. Même si l’arrivée dans son équipe Movistar de Mikel Landa, le coureur espagnol qui s’est classé 4e en juillet dernier tout en travaillant pour Froome, complique la donne. «Il sera d’une grande aide», a sobrement commenté Quintana. L’intéressé n’a que moyennement apprécié de se voir relégué d’emblée dans le rôle de lieutenant.
Denis Bastien
Quels rôles pour les Luxembourgeois ?
Ils sont quatre à évoluer en World Tour. Bob Jungels, Laurent Didier, Ben Gastauer et Jempy Drucker ont tous un rôle différent.
Les choses sont claires. Bob Jungels est le leader de l’équipe Quick-Step Floors en ce qui concerne le classement général du Tour de France et des épreuves préparatoires (Tirreno-Adriatico et Tour de Catalogne). Et il partagera ces responsabilités avec Julian Alaphilippe, voire Petr Vakoc et Laurens De Plus sur les classiques ardennaises. En clair, il est monté en grade chez Quick-Step Floors. Il fait partie des cinq principaux leaders et cela lui plaît. C’est une année passionnante qui s’annonce donc. «Si je confirme, je serai au sommet de la hiérarchie», a-t-il confessé voici une semaine à Calpe lors de la présentation d’équipe.
La situation des trois autres Luxembourgeois engagés dans des équipes de première division est également intéressante. Jempy Drucker peut envisager continuer à progresser dans la catégorie des spécialistes de classiques flandriennes où il a déjà obtenu deux top 10. En soutien à Greg Van Avermaet, il a déjà fait ses preuves et à l’issue de Paris-Roubaix où il s’est montré particulièrement précieux envers son leader, victorieux, «GVA» lui a dédié son succès. «Je ne peux pas prétendre être au niveau d’un leader, mais en fonction du scénario des courses, il faudra être réactif. Je sais que je ne gagnerai jamais le Tour des Flandres, mais les classiques À travers la Flandre ou le Grand Prix E3 peuvent m’aller. Et puis si un jour il pleut sur Paris-Roubaix…», explique Jempy.
Enfin, s’il fait partie des sprinteurs de deuxième rideau, le Luxembourgeois de l’équipe BMC peut envisager récolter des bouquets. Comme ce fut le cas en 2016 sur la Vuelta. Cette année, il sera au départ du Giro et de Paris-Nice, deux épreuves qu’il va découvrir.
Ben Gastauer sur le Tour ?
Laurent Didier est un équipier de base chez Trek-Segafredo. Qui fait parfaitement le job. Et dès qu’il en a l’occasion, il cherche l’ouverture en se glissant dans des échappées. «Je recommencerai», a-t-il prédit en se délectant à l’avance de son vaste programme australien, puisque après le Tour Down Under, il enchaînera avec le Herald Sun Tour. Il est également prévu sur Paris-Nice.
On connaît presque tout sur Ben Gastauer, coéquipier hors pair qui doubla Giro et Tour en 2017 avec la plus grande des efficacités. Il est très apprécié chez AG2R La Mondiale pour sa qualités mentales et physiques hors normes. L’ancien vainqueur du Tour du Haut-Var possède une grande expérience. On le reverra souvent tout au long d’une saison où il cherchera à trouver le bon moment pour penser à lui, même si à ce niveau-là, ce n’est jamais simple. Mais on le sait, il est capable de tout pour peu que la chance l’accompagne. D’ailleurs, sera-t-il à nouveau sur le Tour ? «Avec la réduction du nombre de coureurs, de 9 à 8 par équipes, ça réduit les chances. Mais bon, je me donne quand même 65% de chances», raconte le Schifflangeois.
D. B.
Cinq dates à retenir
1. 17 mars – Milan-Sanremo
Le premier monument (terme qui désigne les cinq grandes classiques de la saison), souvent le plus indécis. Peter Sagan a échoué d’un souffle l’an passé derrière le diabolique polonais Michal Kwiatkowski. Le champion du monde, qui n’a encore jamais gagné la classicissima, s’y essaye à nouveau, tout comme le Belge Philippe Gilbert lui aussi ultramotivé. Tous deux seront encore en lice trois semaines plus tard (8 avril) à Paris-Roubaix, la reine des classiques encore plus difficile à maîtriser à cause de ses aléas qui sont autant de caprices.
2. 22 avril – La Doyenne
Souvent décevante dans son scénario ces dernières années, la plus exigeante des classiques ardennaises reste toujours aussi prisée. Même altérée, la séduction de la Doyenne des classiques opère. Les coureurs de grands tours au profil de grimpeurs (Nibali, Bardet, D. Martin…) en font un point de passage obligé de leur première partie de saison. Bob Jungels également. «Je fais des classiques ardennaises mon premier objectif de la saison», a confessé le champion national. Ils espèrent aussi que l’âge aidant (bientôt 38 ans), l’Espagnol Alejandro Valverde (imparable vainqueur par quatre fois) se montrera moins impitoyable dans l’ultime montée vers Ans, sur les hauteurs de Liège. Julian Alaphilippe, le coéquipier de Bob Jungels chez Quick-Step Floors, également.
3. Mai – procès LA
Le dopé le plus célèbre de l’histoire du cyclisme, banni à vie et privé de la plupart de ses résultats (principalement ses sept victoires dans le Tour de France), comparaît enfin devant la justice de son pays. En cause, le partenariat de son équipe avec US Postal. Le Texan encourt une très lourde sanction financière, des dizaines de millions de dollars. L’affaire rappelle une période très sombre pour le cyclisme, synonyme de tricherie format XXL. Encore plus si les soupçons – étayés – d’utilisation d’un moteur par Armstrong dès 1999, évoqués par un livre récent (Rouler plus vite que la mort, par Philippe Brunel, éditions Grasset), devaient à l’avenir être vérifiés.
4. 25 juillet – 17e étape du Tour
Exemplaire du cyclisme du XXIe siècle, l’étape la plus attractive des Pyrénées se limite à 65 kilomètres. Deux cols de première catégorie et un hors catégorie, digne du Tourmalet, pour finir. À peine plus de deux heures de course. «C’est une étape très particulière et je pense que ce sera très intéressant», a commenté la semaine dernière un certain Bob Jungels. C’est pourtant sur les pentes du Portet que se jouera en partie le Tour 2018 (7 au 29 juillet) pour peu que les pavés du Nord et les cols alpestres aient laissé la hiérarchie encore modulable, surtout si le vainqueur sortant, Chris Froome, se ressent des fatigues du Giro auquel il a décidé de participer. À condition, bien sûr, que le Britannique n’ait pas été sanctionné pour son contrôle antidopage anormal de la dernière Vuelta.
5. 30 septembre – Mondiaux
«Il s’annonce très dur et ça me plaît», affirme le Requin italien Vincenzo Nibali. À son exemple, ils sont nombreux (Bardet, Pinot, Barguil et Alaphilippe côté français) à évoquer d’ores et déjà le tracé du circuit autrichien, l’un des plus sélectifs de l’histoire des Mondiaux. Et à se demander si la Vuelta, dont le parcours dévoilé samedi continue de privilégier les arrivées au sommet (9 sur 21 étapes !), représente la meilleure approche. Pour Sagan, sacré trois fois de suite ces dernières années et candidat à détenir seul le record des victoires, la course risque d’être compliquée.