Il y a un peu plus de 18 ans, l’actuel président de la FLF achevait sa carrière de coach du côté de Belgrade. Là où les hommes de Luc Holtz en découdront jeudi, sous ses yeux forcément un brin nostalgiques..
«Je ne savais pas que je reviendrais dans cette ville avec un costume et une cravate…» Paul Philipp va monter dans l’avion, ce matin, avec l’élégance qui sied à un président de fédération. Quinze ans maintenant qu’il s’astreint à ce régime, il a l’habitude. Mais aujourd’hui, il retourne à Belgrade et la dernière fois qu’il s’y est déplacé dans le cadre d’un match des Roud Léiwen, il était en survêtement et il l’avoue, ce déplacement-là «va faire resurgir des souvenirs. Je suis curieux de voir ce que ça va me faire».
Cela va le ramener au 8 octobre 2001. À l’époque, Belgrade, c’est la Yougoslavie. Et Paul Philipp va y écrire le dernier chapitre d’une carrière de sélectionneur national longue de 16 années et 87 matches. Il a pris cette équipe en main à l’âge de 34 ans, il va la quitter pour ses 50 ans. Mais pour l’heure, officiellement, il n’est pas au courant de ce qui se trame. Il arrive en fin de contrat et a convenu avec Henri Roemer, son président depuis janvier 1998, de se revoir un peu avant les fêtes de Noël. «On ne sera jamais arrivés jusque-là, sourit-il, fataliste. Les médias, eux, le savaient déjà! La preuve, cela a été annoncé alors qu’on était dans l’avion du retour. Je pense que cela s’était dessiné de longue date, que ce n’est pas venu d’un jour à l’autre.»
Les rumeurs prétendront en effet avoir vu un mois plus tôt Alan Simonsen, alors entraîneur des Îles Féroé (qui battra deux fois le Grand-Duché dans ces éliminatoires du Mondial-2002), s’exfiltrer de… l’hôtel du Luxembourg au sortir d’une prise de contact avec les dirigeants de la FLF. «Je n’imagine pas un type comme lui faire ça», s’étonne encore aujourd’hui René Peters, alors jeune premier de cette sélection qui galère. Quatre mois plus tard, c’est en tout cas l’ancien Ballon d’or danois qui sera aux commandes contre l’Albanie…
«On se doutait que cela allait arriver»
Belgrade est donc l’histoire d’une fin de règne. Tout cumulé, entre sa carrière de joueur international et celle de sélectionneur, cela fait 30 ans précisément que Paul Philipp est au contact des Roud Léiwen. Il avouera même un jour, à des journalistes éberlués, qu’il ne saurait «pas comment vivre sans». En attendant, il a beau «pressentir» que quelque chose va arriver, le technicien refuse de changer quoi que ce soit. «Mon dernier entraînement a été dirigé comme tous les autres. Je n’y ai pas fait référence avant la partie, je voulais surtout ne rien montrer aux joueurs. Et après, je leur ai dit de surtout bien se concentrer sur ce qui allait venir parce que c’était leur carrière et qu’on sortait d’une campagne ratée. Au coup de sifflet final, j’ai senti que quelque chose se terminait. C’était le droit de la FLF de prendre cette décision. J’aurais juste aimé qu’on en parle.»
C’est drôle, Paul Philipp revient précisément au moment où Luc Holtz vient de le dépasser dans la hiérarchie des sélectionneurs luxembourgeois ayant dirigé le plus de rencontres. L’idée le fait sourire, puis rire : «J’ai appris ça. Je ne le savais pas. C’est juste la preuve qu’on joue beaucoup plus de matches que dans le temps. Ce n’est pas anecdotique, c’est la preuve qu’il fait ça bien. Mais est-ce que lui passera le cap des seize ans à la tête de cette équipe? Je lui souhaite.»
On lui souhaite aussi que ce match à Belgrade se termine mieux que le 6-2 de 2001, sur la pelouse du Partizan, alors que les Roud Léiwen étaient à 1-1 à la pause grâce à un but un peu fou de René Peters («Il voulait centrer», se marre Philipp) et ont même mené 1-2 grâce à Marcel Christophe. «On se doutait que ça allait arriver, cette destitution, se remémore aujourd’hui Peters. Cela faisait une éternité qu’il était là mais quand on en parlait entre joueurs, on ne parvenait pas à s’imaginer cette sélection sans lui.» Sans Philipp et ses manières qui font encore marrer l’actuel coach de Hostert : «Moi, quand j’ai marqué, j’ai fait un signe vers le banc et il m’a crié de ne pas croire que j’avais fait un bon match et de me replacer derrière.»
Mais Peters est d’accord sur un point : l’histoire se serait sûrement écrite tout pareil en cas de victoire à Belgrade, mais elle aurait été plus amère alors pour le sélectionneur national. «J’ai vécu de meilleurs moments qu’à Belgrade, admet Philipp. Parce que c’était la fin de la pièce.» Trente ans au bord des terrains et au chevet du Luxembourg.
Julien Mollereau