Accueil | Sport national | Nabil Dirar : «Quand on est un joueur pro, on n’est pas à 100% heureux»

Nabil Dirar : «Quand on est un joueur pro, on n’est pas à 100% heureux»


Dirar, ravi de venir s’éclater à Schifflange, où il sera là pour le plaisir, pas pour le travail.

BGL LIGUE Nabil Dirar a repris lundi avec Schifflange. Voilà un joueur qui a joué avec ou contre quelques-uns des plus grands joueurs de la dernière décennie et fait assaut d’humilité.

L’histoire retiendra que les dirigeants schifflangeois, s’ils avaient besoin d’être convaincus au-delà des performances sportives attendues d’un garçon qui a joué la demi-finale de la Ligue des champions en 2017 (avec Monaco) et un Mondial en 2018 (avec le Maroc), ont pris la décision de signer Nabil Dirar (notamment) en le voyant, seul, ramasser les plots à l’issue de sa première séance.

Comme s’il n’avait pas une carrière dingue derrière lui. Son grand ami d’enfance, le coach adjoint Randy N’Zita, qui est la raison de sa venue au Grand-Duché (il le lui a proposé quand ils se sont retrouvés pour passer leur diplôme d’entraîneur à Bruxelles), a offert un renfort en or à son club, officialisé hier, dans les locaux de son président. Et qui avait des choses passionnantes à raconter pour son intronisation.

Vous êtes donc venu pour Randy N’Zita, mais vous y êtes resté pour quoi précisément, à 37 ans et après une carrière très impressionnante?

Nabil Dirar : Parce que je reprends du plaisir. Quand on est joueur professionnel, on n’est pas à 100 % heureux. Impossible parce que c’est un travail.

On n’est pas à 100 % heureux?

Dans le monde pro, tu dois jouer à une ou deux touches de balle, il faut beaucoup courir, travailler tactiquement… Demandez de faire tout ça à un jeune de 12 ou 13 ans et il va s’arrêter de jouer au bout de 15 ou 20 minutes.

Il faut dire la vérité, après : on le fait pour l’argent. Mais moi, en cachette, toute ma carrière, je jouais avec des copains à côté. (Il aperçoit son président, Fabien Zuili, dans la salle, et rit). Mais maintenant, mon président est au courant. Je dois dire que désormais, je joue surtout au padel!

À 37 ans, quel est votre état de forme alors que vous avez très peu joué ces deux dernières années?

Ah je suis bien (il rit)! J’ai arrêté il y a un an et demi, mais je joue tous les jours.

Il faut dire la vérité : (pro) on le fait pour l’argent. Mais moi, en cachette, toute ma carrière, je jouais avec des copains à côté

Oui, vous avez une vision un peu « cristiano-ronaldesque«  de ce que doit être la condition physique…

(Il rit) Ah mais avant, je ne travaillais pas! Puis je me suis fait les croisés à Monaco et j’ai eu le déclic de travailler deux fois plus. On venait de faire champion de Ligue 2 avec Monaco sous Claudio Ranieri. Et voilà que le club fait venir James Rodrigues, João Moutinho ou Radamel Falcao…

Le club veut me prêter mais moi, je leur ai demandé de patienter, de me laisser ma chance de faire partie de cette équipe. Heureusement, Ranieri avait de bons préparateurs physiques. Et depuis, je fais de la prévention musculaire, du gainage… tous les jours. Je me fais un petit programme tranquille de deux heures, chaque matin.

Je suis devenu un robot! Et si je devais donner un seul exemple aux jeunes d’aujourd’hui, c’est effectivement CR7, qui mange et dort football. Messi, lui, c’est don. Mais quand j’étais à Monaco, il m’arrivait d’aller même en voiture voir jouer le Barça avec des potes. Je prenais la voiture pour voir jouer cette équipe. J’allais même aux séances d’entraînement!

Mais comment fait-on encore pour exister à 37 ans?

À 27 ou 28 ans, je ne pensais pas que je jouerais encore au football à cet âge. À Monaco, je voyais Ricardo Carvalho être toujours le premier à monter sur le terrain à 34 ans, je le voyais s’amuser à tous les jeux et ça se voyait qu’il aimait ça. Le foot, il faut aimer.

Et je ne suis pas venu ici pour l’argent mais pour mon ami d’enfance, avec qui je passe énormément de temps. Ma femme est restée à Copenhague pour un stage en immobilier. J’avais signé là-bas en mai, mais après un projet qui ne m’a pas plu au Maroc (NDLR : au Chabab Mohammédia), là, c’était surtout pour faire de la publicité pour ce club (NDLR : Ishoj IF).

Il était hors de question que j’y joue. Il fait trop froid au Danemark! Trop pour moi. Au Luxembourg aussi, mais pas à ce point quand même! Je me sens mieux ici.

Heureusement pour moi, Ranieri avait de bons préparateurs physiques

Mais quelle peut être votre motivation? Passer des plus grands stades d’Europe au stade de la rue Denis-Netgen, c’est un  sacré bouleversement pour un footballeur pro.

Le monde pro, pour moi, c’est une page tournée. Mais j’ai commencé le foot dans différents quartiers de Bruxelles, sur de vieux terrains défoncés, pleins de boue, avec des ballons durs. Je n’oublie pas d’où je viens et l’important aujourd’hui, c’est de retrouver le même plaisir que celui que j’ai quand je joue avec mes potes à Bruxelles.

Et c’est ce que j’ai retrouvé ici. Et ça me manquait. Parce que je viens de passer deux ans à beaucoup voyager, à me voir proposer des trucs pour faire agent ou directeur sportif. Mais ce qui m’intéresse, moi, ce n’est pas d’être derrière un bureau mais sur le terrain.

À quel poste risquez-vous d’évoluer? Votre traditionnel couloir droit?

Je préfère éviter de jouer comme défenseur ou attaquant. Mais avec mon expérience et sachant qu’il faut un deuxième coach sur le terrain, pourquoi pas dans l’axe, en faux 9 ou en 10?

J’ai vraiment joué partout tout au long de ma carrière. Alors peu importe. Vous savez, en foot, ce qui compte, c’est d’être connecté entre joueurs. Si c’est pour ne pas faire un pressing tous ensemble et avoir à courir trois fois plus, je dis non.

Avez-vous conscience d’être excessivement attendu, ici, de par ce que vous représentez?

Sérieusement, je ne me mets pas de pression. Ma carrière ne va pas décoller ici, on le sait. Mes belles années sont passées, la condition physique n’est plus la même, les muscles sont plus fragiles. Maintenant, face à des gens qui vont vouloir me rentrer dedans, je vais jouer avec mon expérience, mais je serai prêt.

Vu le niveau auquel vous avez évolué toute votre carrière, est-il envisageable de vous imaginer souffrir en DN?

Je suis confiant : le ballon est rond et je n’ai pas les pieds carrés. Je sais faire une passe et un contrôle et si tu sais faire ça et que tu as la condition…

Vous avez fait souvent la démonstration de votre tempérament intransigeant durant votre carrière. Vous vivez encore dessus?

Les gens qui me connaissent savent que je suis un gentil parfois un peu chiant sur un terrain. Ce que je n’aime pas, par exemple, ce sont les gens qui trichent. Je peux vous dire que si je vois un jeune de 25 ans qui n’y arrive pas alors que moi, à 37, j’y parviens, ça, cela risque de m’énerver. J’espère que ça n’arrivera pas, mais je suis aussi là pour faire bouger les jeunes. Je n’oublie pas que j’intègre une équipe barragiste.

Pour combien de temps avez-vous signé?

Jusqu’en fin de saison. Après, on verra. En fonction de ma condition peut-être.

Et de votre entente avec votre coach algérien, Ismaël Bouzid?

(Il sourit) Le courant est très bien passé. Même si je ne l’ai jamais croisé dans ma carrière, je le connaissais de vue. Il est direct. Comme moi. Quand on n’aime pas quelque chose, on le dit.

Mais quand je vois ses séances, c’est formidable. J’ai connu en pros des coachs qui n’étaient pas très bons et ont fait de grandes carrières. Là, c’est tout le contraire. Je veux apprendre de son expérience et suivre le même chemin que lui.