BGL LIGUE Mauro Mariani, le président du Fola, a annoncé la semaine passée son départ sur un titre de champion. La conscience (très) tranquille.
Petit coup de tonnerre sur la Division nationale, en fin de semaine dernière : Mauro Mariani, présent dans le comité du club doyen depuis quinze ans, qu’il a ramené avec une bande de potes (dont Gérard Lopez) au sommet du football grand-ducal alors qu’il végétait dans les divisions inférieures depuis un bout de temps, a annoncé qu’il arrêtait. L’occasion de faire un point sur l’avenir du Fola Esch, seule entité à avoir pu contrecarrer les plans des clubs de Flavio Becca ces dix dernières années.
Alors comme ça, les présidents aussi ont désormais le devoir de s’en aller sur un succès?
Mauro Mariani : Absolument! Naturellement, ce n’est pas LA raison pour laquelle je quitte mon poste mais quand on réfléchit déjà à ça depuis un bout de temps, cela devient une question de timing. Je ne l’aurais pas fait si on n’avait pas été champions parce que j’estime qu’il y aurait alors eu plus de boulot. Or je voulais laisser le club dans une situation stable.
On peut faire l’année de trop, en étant président?
Je ne sais pas. Je crois moyennement au concept de l’année de trop de toute façon. Même si c’est usant. Il y a au pays énormément de freins, de choses qui n’avancent pas comme on le souhaiterait. C’est donc bien d’avoir, de temps en temps, du renouvellement, une énergie nouvelle. Mais puisque j’y réfléchissais, juste avant Jeunesse – Fola (NDLR : le derby constituait le dernier match de la saison) que si on gagnait et qu’on devenait champions, ce serait le signe… Du coup, au coup de sifflet final, j’ai eu un sentiment mitigé, entre euphorie et pincement au cœur. J’étais le seul à savoir pendant qu’on faisait la fête.
Qui d’autre que vous l’a su en premier?
Mon comité. Qui a tout de suite compris que ce n’était pas un coup de tête. Ce club est structuré et tout le monde dans l’équipe sait ce qu’il a à faire. Rien ne s’écroulera. On avait commencé un gros boulot sous Gérard Lopez et quand il est parti, le budget a été divisé par deux. Il a fallu trouver une autre organisation, faire des choix. Et la nouvelle politique a porté ses fruits.
Si on veut un jeune joueur que le Swift veut aussi, soyons clairs, on ne l’aura pas. Il nous faut donc être plus créatifs
Vous aviez des certitudes sur le fait que le Fola pourrait assumer une certaine continuité en l’absence de son mécène?
Il y a toujours des variables mais nos choix ont été faits dans un contexte d’engrenage déjà bien rodé. Cela ne pouvait pas partir dans tous les sens.
Vous n’avez jamais regretté les largesses dont vous bénéficiiez sous Gérard Lopez?
Même si à certains moments, on rivalisait avec le F91, on a finalement très vite décidé d’arrêter les enchères. Si on l’a fait au début, c’était surtout pour se donner d’entrée les moyens d’aller plus vite vers le haut, mais après, on est devenus très consciencieux. Le budget dicte ce que tu peux faire sportivement, mais on a prouvé, alors que cinq clubs de DN sont mieux étoffés que nous financièrement, que c’était possible.
Seulement la marge d’erreur est un poil plus grande avec ce genre de politique sportive, non? Il faut avoir un peu de réussite avec ses différentes générations?
Certains parlent de chance, d’autres parlent de planification. On avait Samir Hadji… puis Moussa Seydi a pris la relève. Seydi est parti et Zachary Hadji a repris le flambeau. Tout est dans le fait de donner confiance aux bonnes personnes au bon moment. Zac’, on savait qu’il exploserait cette année! En fait, on l’avait déjà vu en fin de saison passée alors que personne ne s’en doutait.
Le Fola se remettrait-il d’un deuxième exode majeur de joueurs, après celui de 2019?
Euh… À un moment, on a instauré une vraie culture de la gagne. Elle traverse tout le club, c’est une valeur qu’on inculque à tous les échelons et qui imprègne tout le monde. Je ne vous dis pas qu’on sera champion tous les ans, ce sera même compliqué, mais… On a eu encore de gros départs. Les remplaçants de Sinani ou Sacras feront-ils aussi bien? D’après les derniers échos que j’ai eus de nos transferts, on a de bonnes raisons de l’espérer. On aura encore un groupe cohérent. Et puis Sinani et Sacras restent des joueurs qu’on est allés chercher en réserve de Metz ou à Mondorf. Ils avaient encore beaucoup à prouver et on les a amenés à ce niveau. Mais derrière, on ne voulait pas jouer aux enchères pour les garder.
Vous ne pourrez ou voudrez plus jamais retenir des joueurs de ce standing?
Je ne vois pas leurs contrats, mais j’imagine qu’ils ne nous quittent pas pour le même salaire plus un sandwich et un Coca.
Et attirer de jeunes Luxembourgeois, est-ce devenu plus compliqué?
Apparemment non puisqu’on est toujours sur le podium depuis une décennie, qu’on joue toujours l’Europe. Le club qui a la stratégie qui ressemble le plus à la nôtre, c’est le Progrès, mais par rapport aux autres, si on veut un jeune joueur que le Swift veut aussi, soyons clairs, on ne l’aura pas. Il nous faut donc être plus créatifs, aller chercher ceux qui ne sont pas sur les radars des autres grands clubs. Et dans ce domaine, pour le moment, on a très peu de déchets. Le recrutement est bon et après, c’est la machine qui emmène nos joueurs vers les sommets.
Jeff Strasser fait une très belle mariée mais il faut voir si son mari lui offre ce dont il a besoin pour travailler
Cette méthode peut-elle rester de l’ordre du développement durable? Le Swift a maintenant Flavio Becca, le RFCU a Karin Reuter, la Jeunesse a Manthos Poulinakis…
Il y a deux côtés à cette question. Le côté sportif, pour lequel je me fais peu de soucis. Et puis il y a le côté financier. Et ça, c’est un travail de tous les jours, un vrai challenge pour pérenniser le projet. Mais dans le contexte de ce que permet le football luxembourgeois, on est au taquet de ce qu’on peut obtenir en termes d’argent investi et de résultat. Après, si on veut faire évoluer notre football, il faudra des modèles alternatifs. On ne peut pas faire de trading de joueurs parce que notre championnat n’est pas mis en valeur. Tous les clubs des pays des alentours viennent nous voir en pensant récupérer des joueurs à zéro euro. Il faut qu’on parvienne à mettre notre travail en valeur parce que pour l’heure, aucun business model n’est viable. Ici, on investit à perte et il n’y a aucune volonté fédérale de faire en sorte que ça change.
Que diriez-vous si se présentait un candidat style Gérard Lopez, un nouveau mécène?
On a développé des bases très très saines. L’idée serait plutôt de trouver quelqu’un qui œuvre dans la continuité. Pour moi, ce qu’on a développé est le meilleur modèle possible au Luxembourg. Et au niveau du comité, nous sommes d’accord pour ne pas bouleverser notre écosystème, ni se mettre la pression pour trouver un président. Nous pouvons fonctionner sans pendant un temps ou en avoir un faisant fonction.
Sera-t-il difficile de conserver le leadership à Esch ces prochaines saisons?
Je vais répondre différemment. Differdange, Pétange, Progrès… il y en a des clubs qui ont essayé de mettre les moyens. Maintenant, c’est la Jeunesse qui s’y met…
Elle vient de recruter votre ancien homme fort, Jeff Strasser…
C’est dur de mettre en musique quelque chose qui fonctionne. Mais pour Jeff, c’est comme un mariage. Il fait une très belle mariée, mais il faut voir si son mari lui offre ce dont il a besoin pour travailler. Il l’a eu au Fola. Pas au Swift.
Entretien réalisé par Julien Mollereau