La fédération a officialisé mardi la prolongation pour deux nouvelles saisons de Luc Holtz à la tête de la sélection nationale. Après plus de 11 ans, ça vaut une grosse interview.
Après le remplacement de Joachim Löw à la tête de la Mannschaft, Luc Holtz est, après Koldo Alvarez (Andorre), le deuxième sélectionneur le plus anciennement en poste du continent. Et il compte bien rester encore bien au-delà de sa nouvelle fin de contrat : décembre 2023.
Qu’est-ce qui vous fait encore courir, onze ans après votre prise de fonction ?
Pas la perspective d’un bon tirage pour les prochaines éliminatoires, comme on n’en finit plus de me le suggérer. C’est tout simplement que j’ai une relation de confiance avec les dirigeants, mon staff, les joueurs. Après, c’est vrai que je me tracasse parce que certains pensent qu’il ne faut pas rester trop longtemps en place à un même poste. Moi, je ne suis pas de cet avis. Tant qu’il y a évolution, tant que l’équipe se développe, tant que le feu brûle, pas de raison d’arrêter.
Un sélectionneur du Luxembourg, cela gagne-t-il beaucoup mieux sa vie en 2021 qu’en 2010 ?
Ah mais si je touchais moins qu’à mes débuts, il y aurait un souci ! Mais honnêtement, je ne l’ai pas fait pour l’argent au début de ma carrière et je ne le fais toujours pas pour ça. J’ai eu des sollicitations dans le passé qui font que j’aurais gagné beaucoup plus d’argent et je n’ai pas peur de le dire. Mais derrière, il y a des choses qui ne s’achètent pas et qui sont importantes comme la vie privée, le projet sportif, le fait de prendre du plaisir dans son travail… La question financière s’est réglée en cinq minutes, comme d’habitude. Je commencerai à négocier le salaire si un jour j’ai un autre boulot.
Quels sont les objectifs des deux prochaines saisons ?
Il ne faut pas fixer des objectifs trop hauts ou trop irréalistes aux joueurs. Pas celui d’une qualification en tout cas, car on n’est pas dans ce genre de spirale qui fait que l’on peut se passer de certains joueurs. On veut souvent nous confondre avec l’Islande, mais eux ont une centaine de joueurs pros qui évoluent en Premier League ou en Bundesliga. On n’a ni cette qualité ni cette quantité. Regardez le RFCU qui a récemment joué un club islandais en Conference League (NDLR : Breidablik) : eux avaient 18 Islandais sur la feuille de match et pas les meilleurs du pays, le Racing deux ou trois Luxembourgeois seulement sur le terrain et il s’est fait dominer et éliminer. J’en ai parlé avec Jeff Saibene : on est encore loin de ce niveau-là.
On en est encore à… combien ? Dix années supplémentaires ?
Il faut continuer à travailler. Et ça marche. Rien que dans la catégorie de Mario Mutsch, nous avons sept ou huit garçons qui sont partis faire leur formation dans des clubs étrangers. Ils sont de plus en plus attentifs. Et certains commencent à frapper à la porte de l’équipe A, comme à Mayence… Mais combien de temps cela va-t-il prendre pour se rapprocher de ce qui se fait en Islande, ça, je ne le sais pas.
Il est devenu tellement rare de trouver de telles longévités dans le foot moderne, que je me dis que j’ai quand même dû souvent voir juste
Au moins avez-vous de belles certitudes en ce début de saison, avec les frères Thill notamment, qui effectuent un excellent début d’été dans leurs clubs respectifs…
Ils sont effectivement sur une très belle dynamique et tant mieux. Ce qu’il nous faut développer, là, ce sont des joueurs du gabarit d’un Gerson Rodrigues, d’un Leandro Barreiro ou d’un Christopher Martins ! Leur réussite fait du bien parce qu’il y a de ça une dizaine d’années, quand je suis arrivé, les joueurs avaient peur de ce genre de destinations que sont l’Ukraine, la Moldavie… Ils étaient anxieux. Aujourd’hui, ils y vont en sachant que cela va les aider à arriver en sélection.
Aurez-vous des nouveautés à annoncer dans votre prochaine liste ?
Je ne peux pas encore totalement vous répondre parce qu’il y a encore quelques semaines avant ça. Ce que je sais, c’est que Maxime Chanot ne sera pas là, car suspendu, et que ni Vincent Thill ni Lars Gerson, blessés, ne pourront non plus être là. En pleine possession de leurs moyens, ce sont trois titulaires. Je recherche surtout des profils offensifs en ce moment, vu tous les départs des derniers mois. On va recontacter David Jonathans (NDLR : en équipe de jeunes au Bayern Munich) et son entourage. En juin, il était encore blessé, on va voir où il en est.
Joachim Löw était le sélectionneur le plus anciennement en activité, avec quinze années à la tête de l’Allemagne. Vous voilà deuxième sélectionneur le plus anciennement en place d’Europe. Cela vous vieillit-il ?
Qui est le premier ?
Le sélectionneur andorran Koldo Alvarez.
Cette statistique me fait rigoler et me touche en même temps. Je ne pensais pas rester aussi longtemps en poste, mais cela doit vouloir dire que je n’ai pas tout mal fait. Je ne pense pas qu’on puisse parler de fierté, mais il est devenu tellement rare de trouver de telles longévités dans le foot moderne, qui évolue si vite, que je me dis que j’ai quand même dû souvent voir juste.
Entretien avec Julien Mollereau