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Le portrait du jeudi – Gust Bausch : sacre à la tronçonneuse


GUST BAUSCH, le père de Gusty qui défendra ses chances dimanche dans les championnats nationaux de cyclo-cross, chez lui à Brouch, est un personnage incontournable mais quelquefois encore trop méconnu. Nous l’avons rencontré.

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Gust Bausch en son royaume, chez lui, au restaurant qui servira dimanche de centre névralgique des Nationaux de cyclo-cross. (Photo : Julien Garroy)

Non, non et non, il n’en voulait pas. Pas de photo. Pas de portrait. Pas d’article. « Après le championnat, si Gusty gagne », a-t-il supplié une bonne dizaine de fois. On lui a tenu tête. Il a fini par poser. Et, tant bien que mal, s’est ouvert. Plutôt bien, d’ailleurs. Au fil de son histoire – une histoire vraiment pas banale qui, par bien des côtés, tient du roman – on l’a même surpris en train de verser une larme.

On n’était pourtant pas franchement rassuré. Depuis longtemps déjà, on avait dépassé le premier stade des faux-semblants. Pour le croiser, hiver après hiver, on savait que ses façons d’ours mal léché n’étaient qu’une carapace pour dissimuler une sensibilité à fleur de peau. Il s’agissait d’un passionné, un dur, un vrai, un tatoué du sport. Fou du Brésil et de Pelé, au point de prénommer ainsi son premier fils. Capable de casser la télé lorsque la Seleção perd un match en Coupe du monde. Fou de boxe et de Mohamed Ali aussi.

Allait-il finir par s’ouvrir ? Allait-il nous donner les clés pour retracer son épopée à lui ? Il l’a fait, et bien au-delà de nos espérances. Alors, oui, ça nous fait sourire, cette idée de le voir lire ce portrait ce matin, assis à une table de son restaurant, un café fumant à portée de main, son bonnet vissé jusqu’aux oreilles. Jusque-là, Gust, tout va bien…

> Cap sur le Grand Froid

Reprenons d’abord le fil d’une saga un peu folle. Forcément un peu folle. Il a 20 ans et il vient juste de refermer la page de son propre livre sportif. Le 6 octobre 1976, il fait partie de l’équipe de l’Aris Bonnevoie qui affronte les Carrick Rangers en Coupe d’Europe. Un souvenir impérissable. Son fait de gloire dans le foot, qu’il avait commencé à pratiquer dans son village de… Brouch. Dans le même temps, il vient de terminer sa formation de cuisinier.

Pour passer à la pratique, il décide de partir loin, très loin, presque au plus loin… Il se souvient : « J’avais le choix entre les Bahamas et le Groenland. Entre le chaud et le froid. » Il choisira le froid. Le grand froid. Une grande bouffée d’air frais. Il en repartira deux ans plus tard avec Katrine, sa future et tendre épouse rencontrée sur son lieu de travail. Direction le quartier de la Gare à Luxembourg, où pendant six ans, le jeune couple tient en location un hôtel.

Là, la famille rachète à Brouch l’établissement, route d’Arlon, où elle travaille encore avec acharnement et un amour incommensurable du métier. C’est ici que grandiront dans l’ordre Pelé, 37 ans aujourd’hui, longtemps présent lors de la rencontre, mardi, car c’est aussi le nouveau patron des lieux. « Gust n’est pas facile au travail, c’est un dur. Mais il sait appuyer sur les bons boutons pour que tout se passe au mieux », avoue-t-il sans ciller. On sent néanmoins la fierté de recevoir son savoir en héritage.

> Et la légende prend vie…

Car le cuistot Gust Bausch qui, aujourd’hui, n’intervient plus guère derrière les fourneaux, a acquis une telle réputation que l’on se presse de loin pour festoyer. De jour comme de nuit. « Quand on était jeunes, poursuit Pelé, on détestait le lundi, le jour de fermeture. Car on n’arrivait plus à dormir quand il n’y avait pas de bruit… »

Il dit « on » car Josy (36 ans) et Gusty (34 ans), le petit dernier, vont suivre. Trois enfants. Trois garçons. Tous fiers de leur double origine. De leur histoire si singulière. Chacun aura son parcours. Mais à tous, Gust leur imposera, comme par devoir, le goût de l’effort et de la solidarité. Ils feront du foot, de la course à pied, puis du cyclisme. Mais pourquoi donc le vélo ? « Je ne sais plus, mais je me souviens bien que j’ai demandé à Gusty d’essayer à son tour, comme ses frères. Ce n’était pas gagné d’avance, car il aimait aussi la musique et jouait très bien de l’accordéon », rappelle Gust, visiblement fier d’avoir su guider le fiston.

Depuis, les frangins ont arrêté. Mais Gusty a continué. Continué, et encore continué. Cinq titres de champion national de cyclo-cross plus loin, le restaurant est devenu le siège du club, le fameux Velosfrënn Gusty Bruch.

C’est ici, sous l’impulsion de Gust, que tous les titres de Gusty furent célébrés. Avec faste. Il y eut les feux d’artifice après le premier, ramené de Tétange en 2003, le tour du village en cabriolet dans la Corvette d’un mécène. « Pour chaque titre, dit Gust, on a fait la fiesta. On faisait rentrer des motocross dans le bar. On restait jusqu’au petit matin… »

Et cette légende qui dit qu’au cours de cette fameuse première grande soirée, Gust aurait brandi une tronçonneuse pour scier en deux le bar en bois ? « Tout est vrai, la baraque était pleine de sciure », tonne-t-il.

> Gust Bausch, sous la carapace

Aujourd’hui, forcément, bien de l’eau a coulé sous les ponts. Gust Bausch, 66 ans, est toujours ce passionné qui arpente d’un pas rythmé les parcours de cyclo-cross. « J’ai pourtant dû m’arrêter de courir. Pour m’entretenir, je suis allé jusqu’à participer à des marathons. Et aux 10 kilomètres de Rambrouch, je suis passé sous la barre des 37 minutes. Mais avec le boulot, ce n’était pas simple. Je buvais deux, trois bières le soir, je bossais, je courais. J’ai payé mes excès avec des extrasystoles. Je soufflais sur le feu. Dimanche soir, en cas de succès, je boirai une demi-bière e basta… »

En pareil cas, ses deux iris bleus qui nous scrutent quelquefois avec insistance, sans détour et en toute franchise, laisseront perler quelques gouttes de plus. Ce qui, forcément, finira par en surprendre quelques-uns. Pas les siens. « Il est difficile à comprendre vu de l’extérieur, le décrit Gusty. Il semble sec, très tendu. Mais il est très sensible. Je sais ce que je lui dois. Sans lui, j’aurais peut-être déjà arrêté. C’est d’ailleurs pour me remettre en selle qu’il s’est lancé dans cette idée d’organiser les championnats. Et ce qui n’était jamais arrivé avant est arrivé. Il m’a félicité il y a peu pour mon retour en forme. »

Ses proches racontent toujours la même chose : il faut s’armer de courage pour fendre la cuirasse si l’on veut prendre la mesure du bonhomme. Justin Gloden, l’ancien athlète international, bien connu au pays et au-delà, est l’un de ses amis. Il résume d’un trait son pote d’enfance qui a su le rester. Au point de se faire un devoir de fêter tous les petits et grands évènements de sa vie, au relais Bausch. Toujours au relais Bausch. « Il exagère toujours un peu, dit Justin, mais on ne peut pas faire autrement que de l’aimer. C’est un grand sensible qui veut décider de tout. Lorsque, par commodité, j’ai quitté le club il y a un an, il a pleuré comme un enfant. »

Bien sûr, Gust Bausch a aussi ses détracteurs. Il le sait et depuis longtemps déjà, il a choisi de s’en accommoder. Philosophe, finalement, Gust Bausch ? Sûrement plus qu’on ne le croit. Oui, c’est confirmé, Gust Bausch est décidément un sacré bonhomme. Toujours à la recherche d’une singularité pour s’amuser. Sa dernière coquetterie en tête ? Dimanche, c’est carrément le Premier ministre, le sémillant Xavier Bettel, habitué de l’établissement mais aussi fin amateur de cyclisme, qui donnera le départ. Au même moment, Joël Santer, le curé de la paroisse, bénira les coureurs. « Nous aurons l’État et l’Église ! », pouffe Gust dans un clin d’œil. Ainsi soit-il.

De notre journaliste Denis Bastien

 

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