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Le marathon en moins de 2 heures, le pari fou du Kényan Kipchoge


Le coureur kényan Eliud Kipchoge (à droite), le 17 mars, lors d'un entraînement à Kaptagat. (photo AFP)

Sur les terres rouges des hauts plateaux kényans, un homme s’est lancé dans une mission qualifiée par beaucoup d’impossible mais qui, s’il l’accomplit, aura un retentissement bien au-delà du sport: courir le marathon en moins de deux heures.

L’aube point à peine sur le village de Kaptagat, sur les contreforts de la vallée du Rift, dans l’ouest du Kenya. Mais les semelles d’Eliud Kipchoge et ses compagnons d’entraînement battent déjà, comme chaque jour, les sentiers de latérite ocre. Le Kényan est l’un des trois athlètes – avec l’Ethiopien Lelisa Desisa et l’Erythréen Zersenay Tadese – choisis par l’équipementier américain Nike pour s’attaquer à ce projet fou consistant à franchir l’une des dernières barrières mythiques du sport. S’il est un coureur actuel capable de réussir l’exploit, Kipchoge est celui-là.

À 32 ans, le champion olympique du marathon à Rio en 2016 est le maître incontesté de la discipline. Et il croit dur comme fer en ses chances. « C’est quelque chose d’important dans le monde entier. Aucun être humain n’a jamais couru en moins de deux heures. Je veux être le premier homme à le faire », confie-t-il après sa séance matinale.

Ancien spécialiste du 5.000 m (champion du monde 2003, vice-champion olympique 2008), une distance sur laquelle il s’est souvent heurté à deux légendes, le Marocain Hicham El Guerrouj et l’Ethiopien Kenenisa Bekele, Kipchoge a basculé sur le marathon en 2013. Depuis, le Kényan a gagné sept des huit marathons qu’il a disputés. Il détient le troisième meilleur temps de l’histoire sur les 42,195 km (2h03:05.), un chrono réalisé en défendant avec succès son titre au marathon de Londres en 2016.

Une préparation optimisée

Passer sous la barre des deux heures suppose d’améliorer de plus de 2,5% l’actuel record du monde (2h02:57.), établi par un autre Kényan, Dennis Kimetto, en 2014 à Berlin. Un pas de géant qui ne l’effraie pas. « Je reconnais la liberté (de penser) de ceux qui sont pessimistes », dit-il. « Dans ce monde, il y a trois types de personnes: ceux qui attendent que les choses se fassent, ceux qui suivent les gens qui ont commencé, et ceux qui réfléchissent à comment faire les choses. » « C’est compliqué selon vous (de gagner presque trois minutes, ndlr), mais ça ne l’est pas selon moi », affirme-t-il. « C’est ce que je dis: respectons la manière de penser de l’autre. Je pense que je peux réussir, vous pensez que c’est impossible. »

L’éventualité de voir la barrière des deux heures tomber dès cette année agite les spécialistes. Le magazine Runners World estime, en se basant sur l’évolution du record du monde, qu’elle ne sera pas franchie avant 2075, une prédiction qu’il qualifie toutefois de « pessimiste ». Mais pour d’autres, tout est possible pour peu que les conditions optimales en terme de météo (température, vent…), tracé du parcours (dénivelé, virages…), rythme de course (présence de lièvres), soient réunies.

Et, évidemment, que la préparation des athlètes soit optimisée. C’est ce que Nike s’est attaché à faire avec son projet « Breaking2 », lancé dès 2014. Une quinzaine d’experts en biomécanique, entraînement, conception de chaussures, ingénierie, nutrition ou physiologie ont été sollicités.

Pas de limites

Les échanges sont constants avec les trois athlètes sélectionnés. Des représentants de Nike – qui a conçu une chaussure spéciale pour ce défi – sont venus au Kenya en janvier pour tester des équipements avec Kipchoge. Ce dernier reste discret sur les apports de la marque à la virgule. Il assure que son entraînement n’a pas été révolutionné et que seule son approche mentale a évolué. « Il n’y a pas de différence dans l’entraînement, c’est psychologique », dit-il.

« Je pense à courir en moins de deux heures. Avant les jeux Olympiques, je pensais à la médaille, pas au temps. » Humble et travailleur, Kipchoge imagine le retentissement qu’aurait un passage sous les deux heures. « Si je le fais, et je vais le faire, ça ne bénéficiera pas qu’à moi, ce sera aussi pour vous », argue-t-il. « Ce que j’essaie de faire c’est en fait d’effacer cette pensée dans l’esprit de chacun que l’être humain a des limites », ajoute-t-il. « En courant en moins de deux heures, j’aurai inspiré plus de 5 milliards de gens et chassé cette notion de limites pour l’homme. »

Le Quotidien / AFP

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