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[Handball] Décès de John Scheuren : «Il était un peu l’Ombudsman de Differdange…»


Joueur, entraîneur, dirigeant : John Scheuren, ici en janvier 2018, incarnait à lui seul l'histoire moderne des Red Boys. (Photo : Julien Garroy)

Atteint d’une maladie incurable, John Scheuren s’est éteint lundi soir à l’âge de 58 ans. Il laisse derrière lui l’image d’un homme ouvert, passionné et bienveillant.

Entendez-vous encore sa voix? Sa manière de tout relativiser. Cette pudeur qui consistait à ne pas faire étalage de ses préoccupations. Il ne connaissait qu’une complainte, celle des sans-souci. Au moment de prendre ses nouvelles, on l’entend encore, à l’autre bout du fil, répéter à l’envi cette antienne : «C’est fantastique!»

Il y a un peu plus d’un mois, Charlotte Seil, sa voisine et accessoirement épouse de Gast, son prédécesseur à la présidence des Red Boys, avait eu le droit à un autre refrain : «Ça ne va pas dans le sens que je voudrais…» Lundi, en début de soirée, John Scheuren s’est éteint au Centre hospitalier Émile-Mayrisch des suites d’un myélome multiple, une maladie de la moelle osseuse qu’il savait incurable.

Le 3 mai 2019, ici même dans ces colonnes, il avait accepté de prendre le temps d’évoquer cette épreuve, perdue d’avance mais qu’il combattait avec l’espoir de repousser le plus longtemps l’inéluctable.  «Je ne suis pas un héros, ce que je fais, beaucoup d’autres le font. Mais si je peux donner un message d’optimisme…»

Avec le recul, cette phrase dit beaucoup d’un homme foncièrement modeste, courageux et habité par cet espoir de lendemains heureux. D’ici à ce que ces derniers reviennent, l’atmosphère était mardi au recueillement.

John était comme un deuxième père pour moi (Alen Zekan)

«Je n’ai pas dormi de la nuit.» Au bout du fil, la voix d’Alen Zekan trahit un certain état de fatigue. Et une détresse certaine. «John était comme un deuxième père pour moi, déclare-t-il du haut de ses 31 ans. Il a tout fait pour moi. Si je travaille à la commune (NDLR : de Differdange), c’est grâce à lui.»

Le joueur poursuit : «Quand un nouvel entraîneur débarquait au club, il disait en parlant de moi : lui, c’est mon fils. Quelque part, ça me gênait, pourquoi moi? Pourquoi m’a-t-il pris ainsi sous son aile? Je ne sais pas. Et à vrai dire, je ne lui ai jamais demandé… J’ai toujours fait mon maximum pour ne pas le décevoir. En ai-je fait assez? J’espère, mais je n’en sais rien…»

Durant ses dernières semaines d’hospitalisation, en raison des mesures sanitaires dues au Covid-19, John Scheuren a eu très peu de visiteurs. Samedi, contacté par la famille Scheuren, Alen Zekan s’est rendu au chevet d’un John fidèle à lui-même : «Quand je suis arrivé, il dormait. Quand il s’est réveillé, il m’a montré du doigt et s’est mis à sourire…»

L’arrière differdangeois qui retrouve un bref instant lui aussi le sourire à l’évocation d’une anecdote confiée par John en 2018. «Ah, il vous avait parlé du vélo? Oui, c’était quand il faisait sa chimio. Un jour, il a demandé qu’on lui ramène son home trainer. Alors, avec sa fille Estelle, on le lui a apporté. Je pense que les gens qui nous voyaient dans l’hôpital avec un vélo à la main devaient nous prendre pour des fous… Mais c’était important pour John. Le cyclisme, c’était sa grande passion, il partait deux fois par an avec ses copains à Majorque pour rouler.»

Tourner les jambes, entre quatre murs blancs, lui permettaient d’une certaine manière de s’évader un peu. De croire à une autre belle échappée. «C’était un combattant! Chez les U23, John était mon entraîneur. La première année, on avait remporté le championnat, la seconde la Coupe. C’était un « Meister ». Sur le terrain, on aurait tout donné pour lui parce qu’on savait que la réciproque était vraie.»

Quand la situation était un peu tendue, il se montrait ironique ou sarcastique dans le but de détendre l’atmosphère tout en faisant passer un message. Il était très fort là-dedans (Thierry Wagner)

Moins de deux ans après le décès de Marc Gatti, autre figure emblématique des Red Boys, la disparition de John Scheuren va laisser un grand vide au sein du club. «C’étaient deux personnes importantes», reconnaît Thierry Wagner, vice-président de la FLH, ancien dirigeant des Red Boys et ex-partenaire. Ils travaillaient énormément pour organiser des évènements afin de faire entrer de l’argent dans les caisses du club.»

Gatti-Scheuren : deux personnalités attachantes mais au caractère bien différent. Si le premier était plutôt du genre attachant mais volcanique, le second se démarquait par son humour et sa faculté à prendre du recul. À faire retomber la pression.

«C’est simple, poursuit l’ancien pivot, John n’était pas un homme de conflit. Quand la situation était un peu tendue, il se montrait ironique ou sarcastique dans le but de détendre l’atmosphère tout en faisant passer un message. Il était très fort là-dedans… Avec lui, il y avait toujours une solution. Et même s’il s’est toujours battu pour les intérêts de son club, il voyait plus loin. Plus grand.»

Son but était de faire en sorte que personne ne soit lésé. John était un peu l’Ombudsman de Differdange (il rit). Que ce soit au club ou à la commune, si quelqu’un avait un problème, la réponse qu’on lui faisait était toujours la même : « Mais va voir John! ». Parce que John savait tout. Et, surtout, il ne disait jamais non…»

Au fil des discussions, une phrase est revenue en boucle : «Vous ne trouverez personne pour dire du mal de John. Personne.» L’idée ne nous est même pas venue de chercher. Les Red Boys et le handball luxembourgeois ont perdu lundi soir l’une de leurs plus belles figures qui avait l’élégance de se montrer, peu importe les circonstances, toujours sous son meilleur visage. Un brin fantastique…

Charles Michel

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