Luc Holtz a profité du Liechtenstein pour offrir à trois nouveaux joueurs leur première sélection. Trois de plus, même si cela a peut-être coûté en partie cette défaite qui pique contre la 180e nation mondiale.
Quatre par an ! Depuis qu’il a pris les rênes de la sélection nationale en 2010, Luc Holtz a en moyenne incorporé quatre nouveaux joueurs chaque année – presque un tous les deux matches, pour le dire autrement et de façon encore plus saisissante – pour en arriver, mercredi soir, à un total tout rond de 40 nouveaux internationaux propulsés par ses soins. C’est énorme.
Il a atteint ce seuil avec les toutes premières capes de Mica Pinto, pour qui il a dû batailler administrativement, d’Edvin Muratovic, un attaquant de pointe qui s’entend bien humainement et footballistiquement avec Danel Sinani en cette période où les options axiales manquent et Timothé Rupil, son nouveau pari de poche sur l’avenir, défloré hier à seulement 17 ans (qu’il n’a que depuis quatre mois).
Sacré arrivage en paquet, rendu nécessaire par plusieurs absences notables (Chanot, Philipps, C. Martins, Turpel, Da Mota, Mahmutovic) et surtout quand on pense que la cadence, ces derniers temps, avait sérieusement ralenti : aucune nouvelle cape en 2018, seulement deux en 2019 dont une seule semble partie pour durer, celle de Selimovic.
Il n’y a pas si longtemps, Luc Holtz répétait à l’envi que maintenant que cet effectif est en place, qu’il vit bien hors du terrain et qu’il joue bien dessus, il faudrait avoir de sacrées qualités pour y entrer. Ou alors beaucoup d’absences au même moment, visiblement.
56 % de réussite en termes d’intégration
Il est vrai que jusqu’à présent, le taux de réussite de Luc Holtz en la matière n’est pas négligeable. Sur les 37 garçons que le sélectionneur avait promus avant la venue du Liechtenstein, 21 sont parvenus à s’installer durablement dans ce groupe, soit un ratio de 56 %.
Sorti de quelques garçons dont on pouvait très tôt se demander s’ils n’étaient pas des variables d’ajustement ponctuelles dans la logique à long terme de la FLF (Michel Kettenmeyer, Andy May, Ante Bukvic, Kevin Kerger, Billy Bernard…), il n’y a pas énormément de ratages manifestes. En attendant de savoir si la carrière de Jan Ostrowski ne le ramènera pas dans ce groupe un jour, Dwayn Holter, Eric Veiga, Cédric Sacras ou Ricky Delgado constituent sans doute les regrets les plus manifestes.
Aujourd’hui, alors que le sélectionneur fête une décennie à la tête de cette sélection, il n’est plus étonnant de se rendre compte que dans le groupe qui défiera Chypre demain, les seuls Lars Gerson et Stefano Bensi n’ont pas fait leur premiers pas sous ses ordres. Tous les autres lui doivent leurs premières émotions internationales. Et cela crée des obligés. Mercredi soir, Holtz ne s’est donc pas gêné pour leur taper sur les doigts après l’une des prestations les moins abouties depuis très longtemps. Et l’on s’est rendu compte que le staff de cette sélection se retrouve désormais confronté à un nouveau problème : tenter d’harmoniser les niveaux parfois très hétérogènes de tous ces garçons pour que, justement, l’apport de sang neuf ne se remarque pas.
«On s’est comportés comme à la maternelle»
C’est pourtant peut-être ce que dit cette défaite face au Liechtenstein : il y a des groupes dans le groupe et la compétitivité du Grand-Duché ne tient vraisemblablement pour l’heure que sur quelques épaules triées sur le volet. Autrement dit : les Roud Léiwen peuvent se permettre quelques infimes modifications dans leur onze de base, mais pas trop. Pas encore. Pas dans les proportions du Liechtenstein par exemple.
Les reproches sont audibles. Et d’ailleurs on les entend ! Luc Holtz, au-delà du boulot conséquent et porteur qu’il abat depuis plus de dix ans maintenant, en fait-il parfois trop dans sa volonté de toujours se renouveler ? On ne peut ni lui reprocher de façonner en flux continu de la matière première pour sa sélection. On ne peut pas lui reprocher non plus de tester ces garçons quand l’occasion se présente. On peut éventuellement lui suggérer de le faire de façon plus parcimonieuse, puisque ne pas se tenir à cette ligne de conduite un peu trop sage pour son tempérament – il faut en convenir – lui a fait perdre l’amical contre le modeste Liechtenstein et peut-être mis la tête dans le sac à certains de ses joueurs.
Les observateurs avaient à peine eu le temps de se réjouir du fait que le sélectionneur commence à stabiliser un onze de base qui fonctionne au-delà de toute espérance, qu’il nous a en effet sorti une bonne grosse surprise de son chapeau : offrir en cadeau le match contre le Liechtenstein à une sorte d’équipe bis, qui a manqué de confiance et d’automatismes.
Intéressante réflexion stratégique, très mauvais rendu psychologique. Avant Chypre samedi et le Monténégro mardi, le vivier s’est donc agrandi mais comme l’a dit Holtz lui-même, il faudra espérer que le vivier ne sera pas trop marqué : «On s’est comportés comme à la maternelle.» Fragiliser le présent pour bâtir l’avenir, en football, n’est pas forcément un mauvais calcul. Cela fait dix ans et quarante… joueurs que Luc Holtz le fait. En général, il retombe sur ses pattes et c’est demain, contre Chypre, qu’il faudra tenir droit.
Julien Mollereau