Manuel Peixoto, ancien coach de Pétange, Beggen, Niederkorn, Hostert ou Grevenmacher, a mis fin à son contrat avec les dames du FC Metz. Il revient sur cette aventure passionnante et exténuante.
Manuel Peixoto, qui a fréquenté rien de moins que cinq clubs au Grand-Duché, est une figure connue qui vient peut-être de tourner la dernière page de sa jolie carrière. À la tête de l’équipe 1 des dames du FC Metz, en D1 française (actuellement lanterne rouge avec un point pris en douze rencontres), il venait de la maintenir dans l’élite pour la première fois de son histoire. On a donc renoué le contact avec le technicien pour qu’il nous explique cette expérience singulière.
Vous venez de mettre un terme à votre aventure avec le FC Metz. Pourquoi?
Manuel Peixoto : J’ai eu pas mal de petits ennuis de santé la saison dernière et il y avait déjà eu une réflexion, mais on m’a demandé de continuer après le maintien. Ces pépins de santé, ce n’était rien de grave mais assez pour m’empêcher d’aller régulièrement aux entraînements. Et puis il y a eu une restructuration, une nouvelle directrice technique est arrivée et après 15 jours, il était évident que cela ne collerait pas au niveau de nos idées. On ne partageait visiblement pas les mêmes. Cela restera quand même une super aventure et personne ne m’enlèvera jamais ça!
Comment cela vous est-il tombé dessus?
J’avais déjà fait très brièvement du foot féminin à Algrange, après mon contrat à Niederkorn. Mais j’avais aussi un peu pris ma retraite par rapport au foot. Et puis Metz a eu besoin d’un coach pour le centre de formation des filles. Il leur manquait quelqu’un pour les U19. Participer au développement du foot féminin dans mon club de cœur, ça ressemblait à un beau et nouveau challenge. J’ai pris le poste en juillet 2018 et en cours de saison, ils ont décidé de changer le coach de l’équipe pro des dames, David Fanzel. On m’a sollicité, je n’avais jamais fait ça, être coach d’une équipe pro. C’est une mission sur laquelle je me suis investi avec entraînement tous les jours, parfois deux fois pour un total de six à sept séances… tout en gardant mon poste de prof de sport au collège. Je faisais le prof le matin et le coach l’après-midi. Pas étonnant, avec autant de surmenage, que j’aie eu des ennuis de santé. Il y a un moment où votre corps vous force à vous reposer un peu. J’avais un boulot en trop. Alors, on a opté pour faire deux demi-boulots. Un demi-poste au foot, un demi-poste au collège.
Est-ce très différent de se retrouver en D1 féminine française que d’être en DN masculine luxembourgeoise?
On est à peu près sur le même nombre de séances et puisque certaines filles avaient encore des projets personnels ou étudiaient, on s’entraînait surtout le soir, à Metz. Mais non, pour le reste, ce n’est pas comparable. Il ne faut d’ailleurs pas chercher à comparer. Ce n’est pas la même puissance, ce n’est pas la même vitesse, ce n’est pas si spectaculaire, même si ça commence à le devenir. Et c’est un management complètement différent.
Complètement?
Ah oui, on ne peut pas du tout faire la même chose! Ah là, oui, il faut s’adapter !
À quoi cela tient-il?
Les filles ne supportent pas l’injustice. Et on ne peut pas ne pas leur expliquer les choses. Dire « ferme ta g…, c’est moi le patron » à un joueur, O. K. Le dire à une joueuse, elle ne comprend pas et ne l’accepte pas. Ce genre de choses, ça ne passe pas. On a beau être dans le monde pro, elles demandent énormément d’explications.
Bref, elles sont plus matures?
Elles sont plus matures, oui. Et leur envie de réussir est très différente. Avec les hommes, j’étais arrivé au bout de ce que je pouvais donner vu leur comportement. Les femmes sont beaucoup plus demandeuses, ont plus envie d’apprendre, c’est très agréable.
Quand Corinne Diacre vous appelle pour prendre des renseignements sur certaines de vos joueuses…
Vous allez donc rester dans le football féminin?
C’était extrêmement riche cette année que je viens de vivre. Quand Corinne Diacre (NDLR : la sélectionneuse de l’équipe de France) vous téléphone pour prendre des renseignements sur certaines de vos joueuses… Ce sont des choses que je n’ai jamais vécues dans le football masculin. Mais je ne suis plus tout jeune. Je ne suis plus à l’âge où on se force et puis dans le secteur, au niveau foot féminin, il n’y a pour ainsi dire rien. Disons que je reste dispo, mais je regrette surtout de ne pas être arrivé dans le foot féminin dix ans plus tôt, parce que ça va avancer…
À quoi ressemble la D1 française, avec ces deux clubs qui comptent parmi les meilleurs d’Europe : Lyon et le PSG?
Le foot féminin, en France, va lentement tourner la page de tous ces petits clubs uniquement féminins comme Fleury ou Soyaux. Question de moyens. Le président Serin soutient énormément les dames, mais il va falloir commencer à y mettre encore plus d’argent. Notre grosse erreur, à Metz, l’été dernier, cela a été de sous-estimer ce que les autres clubs de D1 allaient faire au niveau recrutement. On est allé chercher des joueuses dans des universités américaines en se basant sur le résultat du Mondial en se disant « non mais quel vivier incroyable elles ont! ». On s’est fait avoir par l’effet américain, parce qu’elles n’ont en fait pas le niveau pour la D1 française. En en parlant avec des gens du milieu, j’ai compris qu’on avait fait la même bêtise que Montpellier deux ou trois ans plus tôt.
L’un de vos derniers matches, vous l’avez joué contre Lyon, encaissant un sévère 6-0 avec un triplé d’Ada Hegerberg, l’internationale norvégienne, premier Ballon d’or de l’histoire du foot féminin…
Oui, et là, franchement, c’est un autre monde. On ne se rend pas vraiment compte de la façon dont ça joue à la télé. Il faut être au bord du terrain, à côté des joueuses, sinon on ne comprend pas, physiquement et techniquement, le niveau qu’il y a vraiment. Ce sont des monstres! Ada Hegerberg, Amandine Henry (NDLR : internationale française), elles sont incroyables! Il y a beaucoup de détracteurs du foot féminin, mais les Lyonnaises, c’est phénoménal. Paris, c’est un peu moins impressionnant, ils sont un peu en retard. À Lyon, c’est une institution. Le président Aulas est là à chaque match et Rudy Garcia (NDLR : le coach des hommes) aussi. Les filles font vraiment partie du club. À Metz… aussi. Cela change lentement, même si c’est encore accepté difficilement par les garçons.
Ah oui?
Oui parce qu’elles coûtent de l’argent et n’en rapportent pas encore. Par exemple, Metz n’a reçu aucune indemnité de transfert ou de formation pour Léa Khelifi, quand le PSG est venu la recruter. Voilà, on a travaillé gratuitement pour les autres. Il y a des règlements UEFA, mais ils ont surtout cours chez les hommes, pas encore chez les dames.
Je regrette de ne pas être arrivé dans le foot féminin dix ans plus tôt
Les joueuses luxembourgeoises sont-elles très loin de pouvoir postuler à un tel niveau?
Oui, très loin. Laura Miller, par exemple, a intégré notre formation, à Metz. Et c’est la plus prometteuse du Grand-Duché. Mais quand il lui a fallu passer à une séance par jour, avec une intensité supérieure à ce qu’elle connaissait avant… Pourtant, je comptais beaucoup sur elle. Là, elle rejoue seulement enfin un peu régulièrement. On a suivi Correia aussi. Mais bon, c’est un autre monde quand même. Au niveau tactique et technique. Par exemple, on a joué Bettembourg et on l’a emporté 12 ou 13-0. C’était un non-match et en plus, c’était le premier de notre préparation.
Avez-vous encore le temps de vous intéresser à ce qui se passe au Grand-Duché ?
Un peu, mais plus du bord des terrains. Mais maintenant que j’ai du temps, je vais y revenir. Je suis le duel à distance entre le Titus et le Progrès. Cela ne m’étonne pas de retrouver Pétange là, parce qu’il s’en est donné les moyens, mais c’est un peu plus surprenant venant des autres clubs. Par contre, je ne sais même pas quel type de jeu il produit.
Vous auriez pu imaginer ça, il y a 15 ans, au moment de votre titre en Coupe, de retrouver Pétange en position de jouer le titre?
Sur ce que nous on connaissait du club, oui, ça m’aurait surpris qu’on m’annonce ça. Notre cheval de bataille, à l’époque, c’était les moyens. C’est simple, on n’en avait pas. Mais depuis la fusion, on voit qu’il suffit d’avoir les moyens, après, ils ne sont pas plus bêtes que les autres. C’est le jour et la nuit par rapport à ce que j’ai connu à mon époque…
Vous pourriez ouvrir une section féminine à Pétange…
(Il rit) Ouh là, j’admets que Samy Smaïli commence à bien bosser avec les filles de la sélection nationale et dans leur formation, mais il y a une immense différence et passer de la D1 française à ça… On peut dire ce qu’on veut, mais vivre dans un championnat pro, c’est comme être sur une autre planète.
Entretien avec notre journaliste Julien Mollereau