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F91 : pourquoi tant de mystère sur le départ de Ferrera ?


Limogé, disent certains. «Pas du tout», répond l'intéressé. (Photo Luis Mangorrinha)

Le F91 s’est envolé mardi pour Chypre sans l’homme qui a réussi à le qualifier malgré l’ampleur de la tâche : Emilio Ferrera. Limogé, disent certains. «Pas du tout», répond l’intéressé. Toujours est-il que jeudi, le patron, ce sera Bertrand Crasson.

Stupéfiant moment de flottement, mardi à 11h, à l’aéroport du Findel. Aux ordres d’une logique de communication directement inspirée du «courage, fuyons !», les joueurs dudelangeois ont débarqué au compte-goutte à l’embarquement en esquivant méthodiquement les questions qu’ils savaient que la presse leur poserait. Une heure plus tôt, les sites internet du pays avaient commencé à marteler la nouvelle de la démission (ou du limogeage, à vous de voir), d’Emilio Ferrera.

Imaginez leur position très inconfortable alors qu’eux-mêmes devaient se poser des questions, ces deux derniers jours s’étant passés à effectuer des séances d’entraînement sans le technicien belge. Mehdi Kirch s’arrêtera ainsi brièvement pour avouer, en haussant les épaules : «Sincèrement, je ne sais rien.»

Crasson à la bonne place dans l’avion

Dans son sillage, l’éternel Lehit Zeghdane, pas dupe de tout ce cirque et de la traque à l’information précise, étale son expérience : «On a un chargé de communication non ? Demandez au chargé de communication…» Manou Goergen, puisque c’est de lui qu’il s’agit, n’a pas que ça à faire non plus. Accoudé au desk, ordinateur déplié, il gère le passage des troupes à l’enregistrement des bagages. Et après tout, il n’est pas seul dans la délégation à avoir une partie des clefs du mystère Ferrera, tout simplement pas là où il devrait être, c’est-à-dire avec ses joueurs.

«Je crois qu’on donnera des informations mais après le match», lâche l’un, pas troublé qu’on puisse envisager d’aller jouer un match de phase de poules de l’Europa League sans même connaître officiellement l’identité du remplaçant du technicien belge, même si forcément, il y a des pistes sérieuses. Une plus précisément…

Heureusement, le football vit de rituels immuables. L’un d’eux tient à la place qu’occupe généralement le coach dans les transports en commun. Avant-gauche dans les bus, derrière le chauffeur. Avant-droit dans les avions. Ne demandez pas pourquoi, c’est souvent comme ça. Alors grimper dans le charter réservé pour convoyer l’équipe jusqu’à Chypre et voir Bertrand Crasson, l’ «adjoint» recruté en milieu de semaine dernière et pourtant très discret à l’aéroport (au point qu’il est resté invisible), assis à la place qu’occupait Emilio Ferrera depuis le début de la campagne, réglait le problème aussi sûrement que n’importe quelle conférence de presse.

C’est le moment, d’ailleurs, qu’a choisi Emilio Ferrera pour sortir de son silence et même, pourrait-on dire, de sa disparition des écrans radars. Par téléphone, l’ancien adjoint de Michel Prudhomme au Standard, tenait à indiquer deux choses, juste avant que l’avion ne décolle sans lui vers le grand bain européen : «On ne m’a pas limogé et tout cela n’est pas lié à mes soi-disant mauvaises relations avec le comité ou avec les joueurs.» Pas plus, pas moins, avant la soirée, voire le lendemain et pour cause : il reste des détails contractuels à gérer. D’ailleurs, Flavio Becca, dont on se doute qu’il a dû prendre la décision seul, se fendait lui d’un «no news» lapidaire par SMS.

Flavio Becca était pourtant fan

Confronté la saison passée à la question de savoir s’il se considérait comme un mange-entraîneurs, ou tout le moins à un mécène dont les choix en termes de gestion du staff laissent parfois songeur, Becca avait répondu ainsi : «Je regarde seulement si le coach est juste avec tout le monde et si chacun reçoit la chance qu’il doit recevoir. Je veux que le travail soit bien fait.» C’est bien pour cela, aussi, que même si la nouvelle défaite à Hostert avait fragilisé Ferrera, on ne le pensait pas menacé. Parce que directement après les tirs au but remportés contre Ararat-Armenia, Becca en personne était venu dire tout le bien qu’il pense du bonhomme : «Cette réussite, c’est la sienne ! Vous en connaissez beaucoup, vous, des coaches qui auraient été capables de faire ça ?»

C’est dans cette ambiance un peu surréaliste que les petites phrases ont commencé, lentement, à fleurir. En «off» comme on dit dans le milieu. Sans citer les gens nommément, quoi. Certains joueurs ont déjà trouvé la force de reconnaître que oui, cela semblait bel et bien fini avec le coach. Confronté à cette situation lunaire, un membre du comité a souri : «Non, il n’y a pas de souk chez nous, juste des suites logiques.»

Des suites logiques de quoi ? Du mépris prétendument affiché par Emilio Ferrera pour les dirigeants du club ? On ne saura pas. Ou alors plus tard. «Après le match» peut-être, comme ils disent. Parce que d’ailleurs, tiens, faudrait voir à ne pas l’oublier, il y a un match à disputer, demain. C’est Jonathan Joubert, jeune quarantenaire, qui s’est senti obligé de le rappeler en faisant en même temps œuvre de courage et d’éclaircissement : «Les limogeages ? Ce sont des choses qui arrivent en football. Maintenant, les joueurs vont devoir prendre leurs responsabilités. On doit aussi se dire à un moment qu’on joue les poules de l’Europa League et qu’il faut penser à savourer ce moment.» De toute façon, le siège à l’avant-droit est déjà occupé, même si personne ne l’a dit officiellement…

Officieusement, par contre, on nous a signalé une «possible surprise». Un nouveau coach ? Un retour ? On n’a pas fini de parler d’autre chose que de football, cette semaine…

A Nicosie, Julien Mollereau