Accueil | Sport national | [Europa League] En Espagne, le F91 est «débil»

[Europa League] En Espagne, le F91 est «débil»


Brillant à Nicosie, pathétique contre Qarabag, le F91 aborde à Séville le premier de ses deux matches théoriquement injouables du groupe A des poules d'Europa League contre un quintuple vainqueur. (archives Luis Mangorrinha)

Dudelange est pris à la légère en Espagne. Et cela arrange bien Crasson, qui sait que… c’est tout à fait justifié.

«Vous n’avez pas vu l’arbitre ? Parce que j’ai son enveloppe !» Devant quelques membres médusés de la presse, Bertrand Crasson a donné dans le politiquement incorrect pour préfacer mieux que quiconque ce match totalement déséquilibré entre un club structurellement amateur et son hôte au budget 70 fois supérieur.

Dans son édition du jour, le quotidien sévillan a qualifié le F91 d’équipe «débil». Google traduction nous apprend que littéralement, en espagnol, cela signifie «faible». Ouf ! on a eu peur, il ne s’agissait que de ce que les linguistes appellent communément un faux ami. «Débil», donc.

«Ça tombe bien, c’est notre slogan»

À l’échelle d’un quintuple vainqueur de l’Europa League, c’est sans doute vrai, mais de là à l’écrire…

Bertrand Crasson assume qu’on regarde son équipe comme un Petit Poucet absolu puisque ici bien plus qu’à Nicosie ou Bakou, c’est ce qu’il est. Et la presse ibérique, pas tendre dans ses qualificatifs, se retrouve tellement démunie devant la taille de cet adversaire qui n’a pas forcément grand-chose d’autre à proposer que son enthousiasme, qu’elle en vient à poser des questions… sur l’ennemi du Betis, qui avait accueilli Dudelange l’an passé. «Je croyais que c’était interdit de parler du Betis dans ce stade», a rigolé Crasson, détendu comme l’entraîneur d’une équipe qui n’a rien à perdre. «Ça tombe bien, c’est notre slogan.» Et avec Garos suspendu, Pokar blessé, Delgado insuffisamment remis et Muratovic non qualifié, il est même un peu question de «limiter les dégâts».

Mais Crasson ne s’est pas trop attardé sur ce registre de la victime expiatoire. Alors que 22 000 à 25 000 personnes sont attendues ce jeudi soir (21h) au stade Sanchez-Pizjuan, il ne peut pas se permettre de se faire plus petit qu’il n’est, au risque de voir ses gars déjà forcément impressionnés par l’endroit, commencer à se déliter. Le snobisme espagnol ? «Cela fait plaisir d’entendre la presse internationale dire ça de nous. Je pense que Séville considère cette rencontre comme une simple formalité ou un devoir professionnel. Ça motive les gars.» Forcément, être pris pour des pigeons, ça agace.

Une dérogation pour… deux gardiens

L’idée de mettre un bus devant la surface ? «Je ne vais pas vous dire qu’on va gagner, ce serait absurde, mais on veut aussi montrer qu’on sait jouer au foot.»

Il faut dire aussi que Dudelange est tenu à une certaine réalité, celle de ce groupe A, qui n’est pas à sens unique et qui le tiraille un peu dans tous les sens. Car cerner le niveau réel de ce Séville «B» qui devrait leur être servi, est aussi impossible que de savoir ce que vaut le F91 face à cette concurrence disproportionnée : les Andalous ont quand même passé un 0-3 bien tassé à un Qarabag qui a… giflé le champion du Luxembourg chez lui (1-4). Mais les hommes de Lopetegui ont aussi dû se contenter d’un tout petit 1-0 face à l’APOEL Nicosie que… le F91 a largement malmené à Chypre (3-4).

À mi-chemin entre ces enseignements aux antipodes les uns des autres, il y a Crasson pour faire une synthèse dégagée de toute dramatisation de l’instant mais remettre aussi un semblant de logique à ces faits contradictoires qui se bousculent : «J’ai envisagé de demander une dérogation pour jouer avec deux gardiens de but.»

Une centaine de spectateurs dudelangeois ont fait le déplacement en Espagne. Il sera toujours temps, dans quelques jours, de mesurer l’intérêt du reste du pays pour cette rencontre grâce aux clics enregistrés sur la page de la diffusion du match par RTL, mais Crasson, qui s’y connaît dans ce genre de rendez-vous, dans ce genre de stade et dans ce genre d’ambiance, assure que «c’est un grand moment d’émotion d’une vie». «Je vais dire à mes coéquipiers de bien en profiter, de prendre du plaisir», a d’ailleurs glissé Tom Schnell. Le simple plaisir, c’est le refuge des «débil» ?

A Séville, Julien Mollereau