Après des vacances (dont une semaine aux Seychelles) qui lui ont permis de décompresser, Bob Jungels a repris le chemin de l’entraînement. Tour des Flandres, Paris-Roubaix, Tour : le coureur a pris le temps de se confier au Quotidien.
C’est l’heure de la reprise pour vous ?
Bob Jungels : Mes vacances sont terminées, j’ai repris l’entraînement au début de la semaine dernière, assez tranquillement. Je combine course à pied, vélo et rouleau lorsqu’il pleut trop. Je me sens bien reposé. Et motivé pour la saison à venir.
Vous avez déjà la tête à la saison 2020 ?
Non, pour moi, il y a toujours une phase de préparation jusqu’à la première course (il recommencera comme l’an passé par le Tour de Colombie, où il avait d’ailleurs remporté une étape). C’est toujours une phase très agréable de retrouver les coéquipiers pour s’entraîner ensemble et constater beaucoup de progrès. Car on repart, pas de zéro certes, mais nous sommes quand même loin de la meilleure forme. L’entraînement va augmenter, et oui, je suis très motivé pour la nouvelle saison.
Vous avez eu le temps de vous retourner sur la saison écoulée ?
Oui, complètement…
Si vous devez choisir un grand moment et un mauvais moment, vous répondez ?
Le super moment, c’est évidemment la période des classiques flandriennes et mon succès dans Kuurne-Bruxelles-Kuurne. Mais je pense avoir vécu des moments exceptionnels sur toutes les classiques de printemps. Dès le Tour de Colombie, avec mon succès d’étape, jusqu’au Tour des Flandres (16e), c’était bien. Le mauvais moment, c’est clair que c’était le Giro. J’étais au fond du trou.
Le Giro, j’étais au fond du trou
Vous avez appris beaucoup de choses ?
Oui, c’est la saison où j’ai le plus appris sur moi-même. On a vu que tout ne fonctionnait pas ensemble.
Vous-même, votre équipe et la plupart des observateurs souhaitaient vous voir aligné sur les classiques de pavés. Finalement, cela a eu des conséquences sur la suite de votre saison, non ?
Tout à fait, après la réussite, dans ces classiques de pavés, tout le monde était convaincu que je pouvais réaliser un bon Giro. Moi aussi, j’étais convaincu de pouvoir bien faire. J’ai très vite perdu deux à trois kilos, j’étais en forme. Mais après une semaine de Giro, je n’étais plus bien. Moi et mon équipe avons fait la faute de continuer ? Il aurait sans doute mieux valu que je m’arrête et que je regarde pour la suite de ma saison. Au contraire, ma saison s’est arrêtée là. J’étais allé au Giro pour un classement général et à la fin de la course, je ne pouvais même plus suivre les échappés. Il y a une très grande différence entre l’objectif et le résultat. On a regardé ça de près avec l’équipe, les valeurs, on a fait le débriefing.
Il s’agissait de votre première grosse déconvenue ?
Oui, c’est la première fois où j’ai vraiment perdu ma confiance. C’est ça qui a marqué le reste de la saison. C’était très difficile. Au niveau physique, j’étais encore là, on l’a vu dans les dernières courses (NDLR : il s’était notamment échappé sur le final du très difficile Tour de Lombardie), mais au niveau mental, j’étais très loin de ce qu’on avait besoin. Une fois qu’on perd la confiance, on perd la volonté de gagner, or c’est ça qui faisait le coureur que je suis. C’était l’une de mes valeurs habituelles qui n’était plus là. J’étais là sur les courses, sans faire la course.
Quels enseignements tirez-vous de ça pour 2020 ?
Pour moi, c’est clair que je veux refaire les mêmes classiques qu’en 2019 avec peut-être une course en plus, après le Tour des Flandres (Paris-Roubaix)…
Ce monument (que Bob Jungels a remporté dans la catégorie espoirs) doit vous convenir particulièrement…
(Il sourit) Oui, cela doit me convenir. Je vais faire ça, bien me reposer et ensuite je devrais revenir pour le Tour de France.
Je n’écarte pas complètement le classement général
Avec quelles ambitions ?
Pour des étapes, je n’écarte pas complètement le classement général, mais je ne veux plus me fixer là-dessus, juste le garder en tête au cas où. Cette possibilité du général peut rester à certaines conditions, comme par exemple, perdre un peu de temps en première semaine. Le Tour 2020 peut être très intéressant pour des coureurs en bonne forme. Des coureurs du classement général vont devoir rester tranquilles. La possibilité d’un maillot peut aussi exister. Mon premier objectif doit être des étapes, des victoires. Je vais me concerter avec Julian (Alaphilippe) là-dessus et après, on va voir ce qui est possible. Vu le Tour qu’il a fait en 2019…
Et votre entente est parfaite…
Oui, c’est clair, je suis heureux de refaire quelques courses avec lui.
Il vous a surpris l’an passé ?
Oui, quand même, car il a franchi un sacré pas. Il a tellement gagné. C’est surtout la constance qu’il a eue dans sa première partie de la saison qui m’a impressionné. Normalement, il n’a jamais ça. Il a remporté les Strade Bianche, des étapes à Tirreno et en Colombie, Milan-San Remo, la Flèche Wallonne. Cela a duré jusqu’au Tour. Je savais qu’il était bon en chrono par exemple, donc son succès à Pau était moins une surprise, mais on a vu que mentalement il va très loin dans sa tête.
On vous reverra ensemble dans le Tour, mais pas dans les classiques de printemps…
Non, c’est clair, il va rester sur les Ardennaises.
Vous y retournerez un jour ?
Oui, je pense que c’est quelque chose qui restera, des courses que j’aime bien, comme l’Amstel Gold Race que j’aimerais bien remporter un jour. Mais je n’y serai pas en 2020. D’ailleurs, sur les Flandriennes, je ne vais pas m’aligner sur toutes les semi-classiques comme par exemple La Panne.
Votre calendrier est-il défini ?
Pas précisément, mais je sais que je vais reprendre en Colombie. Ensuite, ce sera encore Omloop Het Nieuwsblad, Kuurne-Bruxelles-Kuurne. Tirreno ou Paris-Nice, on ne sait pas encore. Tout dépendra aussi de Julian (Alaphilippe). Et puis les grosses classiques de pavés.
Un stage en Sierra Nevada sera-t-il encore mis en place ?
Avant le Tour, je pense. Et puis, j’aurais la Colombie en janvier. D’expérience, cela m’a toujours fait du bien. On va repartir là-dessus.
Je ne ferai plus 75 kilomètres tout seul
Quelles modifications comptez-vous encore apporter ?
C’est surtout dans ma gestion de l’effort dans les classiques. Je ne ferai plus 75 kilomètres tout seul… (NDLR : Bob Jungels avait attaqué de loin dans Kuurne-Bruxelles-Kuurne mais aussi dans le Grand Prix E3 à Harelbeke (5e)). Seulement 15 kilomètres et un succès, c’est mieux !
Il s’agissait également pour vous de marquer les esprits, non ?
Oui, c’est certain… Avec ma forme de Kuurne ou de Harelbeke, je pense que j’aurais pu jouer la gagne dans le Tour des Flandres. Sur le Ronde, j’étais là, mais je n’avais plus les jambes. Dans notre équipe, nous avons tant de possibilités qu’on peut se permettre de reculer dans l’une ou l’autre classique pour mieux viser une autre.
Votre équipe reste en effet impressionnante…
Il y aura Zdenek Stybar, Yves Lampaert, Kasper Asgreen. Et beaucoup d’équipiers qui sont des spécialistes comme Tim Declercq. L’apport de l’Italien Davide Ballerini, qui vient d’arriver (d’Astana), sera important. Et il y a d’autres coureurs.
Pour finir, le départ de Philippe Gilbert (chez Lotto) va changer quoi ?
Je pense que cela ne va pas trop changer les choses. Philippe est un coureur qui fait son truc, il est très performant sans avoir besoin d’avoir 50 personnes autour de lui.
Quels sont les prochains rendez-vous avec votre équipe ?
Ce lundi, je vais partir en Californie avec Specialized pour faire quelques tests en tunnel (aérodynamique). Ensuite, du 9 au 20 décembre à Calpe, on aura notre premier rassemblement avec l’équipe, cela va commencer vraiment.
Entretien avec Denis Bastien