Le Luxembourgeois de l’équipe AG2R-Citroën, opéré en juin dernier des jambes au niveau des artères iliaques, a repris l’entraînement avec prudence. Il pourrait recourir sur le Tour de Luxembourg. Confessions.
Bob Jungels sera sans doute bientôt de retour dans les pelotons. Voilà d’abord cette bonne nouvelle qui confirme que le coureur luxembourgeois, opéré en juin dernier à Gand par les docteurs Corten, Stocks et Lauwers, d’éminents spécialistes de cette pathologie cycliste qu’est l’endofibrose illiaque externe, se rétablit parfaitement. L’ancien vainqueur de Liège-Bastogne-Liège n’a que 28 ans (il aura 29 ans le 22 septembre prochain) donc, encore un bel avenir devant lui. Dans cet entretien, il revient sur ses sentiments passés, présents et évoque l’avenir.
Tout d’abord, comment allez-vous?
Bob Jungels : J’ai repris l’entraînement. Car lors du dernier rendez-vous chez mon médecin, tout s’est très bien passé. C’était il y a trois semaines, tout est bien cicatrisé et il n’y a pas de souci au niveau des artères. On m’a donné le feu vert pour reprendre l’entraînement, donc j’ai repris effectivement doucement il y a une dizaine de jours. Voilà, je suis bien motivé. Pour une fois, j’ai pu profiter de l’été. Le moral est bon, la condition physique est moyenne, mais pour le reste, je suis très, très content.
Donc, vous avez repris l’entraînement un peu plus tôt que prévu?
Non, je devais être huit semaines à l’arrêt et je devais faire ce point médical qui est rassurant. J’ai repris, mais vraiment tranquille, hein, d’abord deux heures, puis je suis passé à trois, quatre heures.
Vous disiez que vous aviez pu profiter de l’été…
Oui, je suis parti quelques jours, j’ai vu les amis, fait toutes sortes de choses qu’on ne peut pas faire pendant la saison lorsqu’on court, des promenades. Ces dernières années, je n’en avais pas la possibilité.
On imagine que cela a dû vous faire du bien, non?
Oui, bien sûr, c’était une période importante pour réaliser les conséquences, l’influence du problème que j’ai. Pour digérer tout ça, j’ai eu du temps, des semaines où j’étais justement tranquille à la maison. Il fallait que je réalise, que je mentalise tout ça. Jusqu’à ce sentiment d’avoir de nouveau très envie de faire du vélo, ce qui est mon cas actuellement.
Ces deux dernières années, je n’étais plus le même coureur, c’est déstabilisant. Tu ne dors pas bien. Tu n’es pas toi-même.
Ce break forcé vous a donc permis de revenir en arrière, comme vous le dites, et de comprendre ce qui n’avait pas fonctionné, puisque votre maladie a justement fortement impactée votre rendement ces dernières années?
Oui, bien sûr. Ce problème, cette blessure a eu beaucoup de conséquences, physiques bien sûr, mais aussi mentales. Ce n’était pas très évident. Ces deux dernières années, je n’étais plus le même coureur, c’est déstabilisant. Tu ne dors pas bien. Tu n’es pas toi-même. Pour réaliser et repartir à zéro, ça prend du temps. Je vais recommencer avec un état d’esprit qui est bon pour un athlète. Le plus important pour moi, c’est de regagner un peu de confiance.
On vous sent soulagé…
Oui, c’est ça… Déjà, je l’étais lorsque j’ai eu la confirmation du diagnostic de mes médecins à Gand, où j’étais opéré. Ce sont de bons docteurs. Ils m’ont confirmé le problème que j’avais avec les symptômes. Leurs avis m’a rassuré. Ils m’ont dit que ce problème n’allait plus me gêner pour utiliser à 100 % mes capacités. Cela m’a réconforté.
Vos deux mois de pause forcée vous ont-il permis de suivre l’actualité cycliste?
Pas beaucoup, même si j’ai regardé les premières étapes du Tour pour passer le temps. C’était canapé-lit, lit-canapé tous les jours (il rit), donc je n’avais pas trop le choix. Ensuite, j’ai pris un peu de distance, un peu d’espace pour moi. Quand je dis que c’était important de reprendre un bon état d’esprit, c’est ça. J’ai cette faim, j’ai de nouveau envie de m’entraîner et de reprendre les courses. J’ai cette envie de recommencer à zéro.
Vous étiez déjà avant cette opération un gros travailleur à l’entraînement…
Oui, et là, je suis dans une situation où, pour le moment, je dois être prudent avec l’entraînement, je ne dois pas trop forcer. Je sais aussi que cette saison, il n’y aura pas de miracle. Le plus important est de regagner de la confiance et de recommencer un gros travail cet hiver pour préparer la saison 2022.
On ne vous reverra donc pas en compétition cette saison?
(Silence) On ne sait pas, on ne sait pas… Ce n’est pas encore fixé, mais c’est bien possible!
Une course de fin de saison? Il n’en reste pas beaucoup…
On est en train de discuter avec l’équipe et on devrait annoncer quelque chose ces prochaines semaines…
Le Tour de Luxembourg? On ne sait pas encore. (…) Ce serait pas mal d’avoir quelques compétitions avant la pause hivernale.
Pourrait-il s’agir du Tour de Luxembourg (NDLR : du 14 au 18 septembre)?
(Il rit) On ne sait pas encore. Voilà, de toute façon, si les médecins me donnent le feu vert, alors il n’y aura pas de problème. Bien sûr, ce serait sans ambition, autre que de recourir. Ce serait pas mal d’avoir quelques compétitions avant la pause hivernale.
Si cela était le cas, vous participeriez alors à la tournée d’adieu de Ben Gastauer, votre coéquipier chez AG2R-Citroën…
Oui, c’est ça. Je me suis encore entraîné aujourd’hui (hier) avec lui. Bien sûr, son histoire me fait mal au cœur. Il m’a dit qu’il avait pris sa décision voici quelques semaines. Ce n’est pas évident de terminer sa carrière sur une blessure (NDLR : Ben Gastauer souffre depuis le mois d’avril d’un kyste situé au niveau de la selle et a annoncé que le Tour de Luxembourg serait sa dernière course), en plus sur une blessure où on ne peut pas faire grand-chose. Ben a une famille à la maison, d’autres ambitions professionnelles pour ces prochaines années. C’est un choix. C’est clair que n’avons pas fait beaucoup de courses ensemble et que c’est un peu dommage. Le plus important, c’est qu’il soit satisfait de sa décision.
Le terme est sans doute mal choisi, mais peut-on dire que pour 2022 vous serez revanchard sur le mauvais sort?
Non, je ne le vois pas comme, mais plutôt comme une opportunité. Bien sûr, le diagnostic a été long à établir, mais même les deux ou trois dernières années, je ne les vois pas comme des années perdues. Le plus important est de regarder devant moi et d’être capable pour les années qui viennent d’utiliser mes capacités. Je sais qu’elles sont là et c’est d’ailleurs ça qui m’a poussé à connaître l’origine de mon problème. Ce qui m’anime, c’est la motivation de repartir à l’avant et non un esprit de revanche.
Denis Bastien