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[Cyclisme] «C’était devenu un bon copain»


De Raymond Poulidor, Johny Schleck garde le souvenir d'un coureur de super classe mais un peu trop modeste. (Photo : gerry schmit)

Johny Schleck aimait converser avec Raymond Poulidor qu’il avait eu le bonheur de côtoyer dans le peloton.

Comme tous ceux qui ont longuement côtoyé Raymond Poulidor, Johny Schleck (76 ans) est un homme triste, ce mercredi 13 novembre. Comme Edy Schütz (lire par ailleurs), il a couru avec «Poupou». Professionnel de 1965 à 1974, «John» n’a cessé de croiser et recroiser le champion français. On se souvient notamment de leurs longues discussions dans le village du Tour où Raymond Poulidor restait un personnage central, même le personnage central. Ils se rappelaient «le bon temps d’un cyclisme où on roulait souvent à l’aveugle, loin du cyclisme aujourd’hui où les structures sont heureusement plus fortes», sourit Johny Schleck.

Qu’avez-vous ressenti à l’annonce du décès de Raymond Poulidor?
Johny Schleck : Raymond était plus âgé que moi, je suis très triste pour lui car c’était devenu un bon copain. Il m’a beaucoup conseillé pour mes gamins (NDLR : Frank et Andy). Je le revoyais chaque année sur le Tour à partir du moment où j’étais chauffeur pour la société du Tour (ASO), puis ensuite lorsque je suivais mes enfants. On parlait souvent dans le village où il se trouvait avec son maillot jaune au stand de LCL. Sa disparition est triste, mais c’est le sens de la vie. Bon, 83 ans, c’est encore jeune… C’était aussi un grand ambassadeur du vélo. Il était populaire en France, plus que Jacques Anquetil. Il a fallu que Bernard Hinault arrive pour voir un coureur français susciter un nouvel engouement. Voilà, malheureusement, sa disparition, c’est le cours de la vie.

À quand remontait votre dernière rencontre?
C’était lors du passage du Tour à Mondorf en 2017. On avait discuté un quart d’heure ensemble. C’était mon dernier passage dans le Tour.

Même s’il n’avait jamais remporté le Tour, que représentait-il?
C’était un mythe. Il suffisait de le suivre au moins une fois dans le village du Tour pour comprendre l’attraction qu’il représentait. Il avait un mot pour chacun. Il se laissait prendre en selfie, c’était Raymond Poulidor, oui, un mythe.

Que retenez-vous de ces années où vous avez roulé dans le même peloton?
Ce qui m’a marqué, c’est qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il neige ou qu’il fasse une chaleur écrasante, il restait toujours d’humeur égale. On lui disait : « ça va Raymond? » Il hochait la tête en répondant simplement : « oui, ça va ». Ça allait toujours avec Poupou. La seule chose qu’on pourrait lui reprocher sportivement, c’est peut-être d’avoir été trop modeste. Il venait d’un milieu rural. Il avait une super classe, mais il n’attaquait pas assez. C’était plus un suiveur. Il était du même niveau qu’Anquetil mais Jacques était un autre coursier. Il attaquait tout le temps et Poupou suivait.

La rivalité Poulidor-Anquetil a marqué sa carrière, non?
Bon, les rivalités, vous savez, c’est quelque chose de normal et aussi un truc de journalistes. Lorsque Jacques est mort, je me souviens des larmes de Raymond. Et lorsqu’ils étaient rivaux, cela ne les empêchait pas de faire une belote ensemble. On les voyait jouer ensemble, alors la rivalité…

Il aurait pu gagner deux ou trois Tour de France sans problème

On a l’impression qu’il a traversé les époques en tant que coureur puisqu’il a rivalisé avec (Jacques) Anquetil, (Felice) Gimondi, (Luis) Ocaña, (Eddy) Merckx et d’autres…
Oui, et il est resté longtemps au top, presque jusqu’à la fin. Lorsqu’on lui demandait pourquoi il ne s’arrêtait pas, il répondait simplement : « mais alors qu’est-ce que je vais faire de mes journées? ». C’était un amoureux du vélo, c’est tout. Ce n’était pas un businessman.

On le disait un peu radin…
Il était un peu radin, c’est vrai. C’est simplement qu’il avait l’esprit paysan. Coureur, il avait été placé sous la tutelle d’Antonin Magne, qui était un directeur sportif spécial qui comptait ses sous.

Il vous reste une anecdote particulière?
L’image qui va me rester c’est du temps d’Andy et Frank. Dans l’aire d’arrivée, il se plaçait à côté de moi et comme il était vraiment fan d’Andy, il me demandait toujours si Andy était toujours dans le coup. Et vis-à-vis de moi, lorsque je courais le Tour, il est venu vers moi, dans une étape où je venais d’attaquer deux ou trois fois, pour me dire : « attention gamin, le Tour de France est un seau d’eau, il faut s’économiser pour aller au bout, sinon, il n’y a plus rien dans le seau… »

Qu’avez-vous pensé de son histoire familiale avec aujourd’hui, son petit-fils, Mathieu Van der Poel qui fait des merveilles dans toutes les disciplines du cyclisme qu’il pratique?
C’est incroyable mais on dirait que c’est dans les gènes. C’est deux fois dans les gènes puisque sa fille est mariée à Adrie Van der Poel (NDLR : champion néerlandais des années 80-90). Mais pour en revenir à Poulidor, je pense qu’il aurait pu gagner le Tour deux ou trois fois, sans problème, mais il a préféré rester toute sa carrière dans la même équipe, il était heureux comme ça.

Recueilli par Denis Bastien

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