Adrie van der Poel suit le Tour de France avec un grand intérêt. Le père de Mathieu Van der Poel, qui avait aidé à l’organisation des Mondiaux de cyclo-cross de Belvaux, porte un regard intéressant.
Chaque matin, Adrie Van der Poel, qui représente l’équipe Alpecin sur ce Tour de France, prend le temps de boire son café dans le village départ, le nez plongé dans l’Équipe. Le Néerlandais, vainqueur en son temps des grandes classiques (Tour des Flandres, Liège-Bastogne-Liège, Amstel Gold Race, Paris-Tours) et de deux succès d’étapes dans le Tour (il fut aussi sacré une fois champion du monde de cyclo-cross), y lit chaque ligne des pages Tour de France pendant une bonne heure avant de lever le camp. Le père de Mathieu, lequel était venu aider à l’organisation des championnats du monde de cyclo-cross 2017 à Belvaux, se livre avec passion.
Quel regard portez-vous sur ce Tour de France?
Adrie Van der Poel : Globalement, je trouve que certaines étapes sont beaucoup trop dures. Je trouve que le Tour veut faire du spectacle et moi, le col de la Loze, par exemple, je n’ai pas du tout aimé. Lorsque je vois que des coureurs professionnels n’arrivent pas à dépasser le 8 km/h, alors je me pose des questions. Cela pourrait aller pour un contre-la-montre. Pour cette étape courte, ils auraient pu enlever deux difficultés. Le classement nous dit que le deuxième coureur est presque à dix minutes, le vingtième à plus d’une heure. Il faut se poser des questions.
C’est ce que je pense moi, mais je pense que l’équipe Jumbo aime le Tour tel qu’il est. Il y a des gens qui aiment, d’autres qui n’aiment pas. Je fais partie de ceux qui n’aiment pas. J’ai été coureur du Tour, j’ai été suiveur et je pense que c’est le Tour de France le plus dur que j’aie jamais vu. Les coureurs se plaignent. Moi, je préférerais voir des étapes de 220, 230 kilomètres et seulement les deux dernières heures retransmises à la télé. Sans télé, personne n’attaque. Car c’est ça qui a tout changé.
Cela rappelle le cyclisme de votre époque, non?
Oui, mais on aurait eu d’autres classements. Lorsque tu fais une étape de montagne de 240 kilomètres, ce n’est pas le même classement que pour une étape de 180 kilomètres. Même à mon époque, les grimpeurs avaient des avantages par rapport aux autres coureurs. Mais c’est le Tour d’aujourd’hui et tu sais que ce sera comme ça quand tu arrives au départ.
Que pensez-vous de ce scénario du Tour de France?
(Jonas) Vingegaard a fait un beau Tour. Mais il faut être honnête aussi, (Tadej) Pogacar n’a pas eu l’occasion de très bien se préparer après sa blessure survenue dans Liège-Bastogne-Liège. Pogacar est là toute l’année, il participe aux classiques alors qu’on ne voit presque pas Vingegaard de l’année. Mais pour revenir à Pogacar, il lui a manqué un Dauphiné ou un Tour de Suisse pour sa préparation au Tour de France. C’est comme ça.
Pogacar a l’amour du cyclisme. Pour Vingegaard, c’est un travail
Les deux hommes présentent des profils différents. Lequel a votre préférence?
L’un, Pogacar, a l’amour du cyclisme. Pour Vingegaard, c’est un travail. C’est mon point de vue. Il sourit peu, il me fait penser à un homme d’affaires. Après, je dis ça vu de l’extérieur. Je ne sais pas comment il se comporte à l’intérieur de son équipe (il rit). Peut-être que c’est mec très drôle, je ne sais pas.
Il est parti pour remporter beaucoup de Tours de France?
Oh ça, c’est ce qu’on avait dit pour (Egan) Bernal. Pogacar, on l’imaginait aligner six, sept Tours. Et ça fait deux ans qu’il est deuxième. Tout va vite dans le cyclisme. Les coureurs d’aujourd’hui doivent être mentalement beaucoup plus forts qu’à notre époque.
Parlez-nous de votre fils, Mathieu, qui a été jusqu’ici un acteur important dans les succès de Jasper Philipsen…
L’équipe est axée pour les sprinteurs, il suit le mouvement. Il ne lui reste que trois étapes pour penser à lui (NDLR : l’entretien s’est déroulé vendredi matin).
Vous disiez que Vingegaard ne s’amusait pas beaucoup, mais votre fils, vainqueur en début de saison de Milan-Sanremo et de Paris-Roubaix, s’amuse particulièrement sur un vélo…
Il est comme Pogacar, il n’y a pas que le vélo dans la vie pour lui. Mais il sait ce qu’il veut. Quand il veut quelque chose, il va au bout pour réussir.
Quels seront ses futurs grands objectifs?
Après le titre, il visera à Glasgow le titre de champion du monde sur route, puis dans la foulée en VTT. Ici, il ne se met pas à bloc tous les jours. Il a lâché le pied en haute montagne.
Et le cyclo-cross, où il a raflé cinq titres mondiaux en élite, il va continuer?
Oui, l’hiver, il doit s’entraîner. Avant, l’hiver, il enchaînait trente-cinq courses. Désormais, il n’en fait plus que dix.
Vous aviez participé à l’organisation des championnats du monde de cyclo-cross en 2017 à Belvaux. Quels souvenirs en gardez-vous?
C’était un bon championnat et je revois de temps à autre les organisateurs locaux, mais je trouve quand même dommage qu’il n’y ait pas eu de suite. Quand tu organises une fois le championnat, tu devrais aussi t’engager à organiser régulièrement des manches de Coupe du monde, comme c’était le cas dans le passé à Leudelange avec Fernand Conter. Il serait bon d’étendre les organisations de la Coupe du monde. Le Luxembourg est bien placé et a une grande histoire avec le cyclo-cross, mais aujourd’hui, il n’en reste plus grand-chose. Les épreuves de Contern et Pétange existent encore, mais cela fait peu. C’est vrai que la Belgique concentre la plupart des organisations…