La chasse aux sorcières a commencé : aucun dirigeant ne se voit payer des joueurs incapables de jouer.
Le temps de la pédagogie, c’est fini. Toute cette semaine, les coachs, directeurs sportifs et présidents de clubs de l’élite ont réuni leurs joueurs pour les mettre fasse à leurs responsabilités sans plus cacher ce qui aurait dû être évident pour tous, dès le début : désormais, ils n’ont plus le choix. C’est soit le vaccin, soit la porte. Voire la retraite puisqu’il semble difficile d’imaginer les réfractaires pouvoir attendre de longs mois, voire des années, avant que la vaccination ne soit plus une condition pour monter sur un terrain.
Et dans les clubs, staffs et dirigeants ont visiblement usé leur dernière once de patience. Comme si l’imminence du vote de la nouvelle loi avait décomplexé la parole, d’un coup. «Tant pis pour eux», assène ainsi Arno Bonvini, confronté dans son équipe mondorfoise à l’un des plus forts taux de non-vaccination de la BGL Ligue :
«Ça fait des mois qu’on insiste, qu’on leur dit et je ne parviens pas à comprendre. S’ils ne veulent pas entendre, alors ils pourront peut-être encore continuer à jouer au tennis ou alors courir dans les bois, tous seuls. Mais il y a un moment où il leur faut assumer leur responsabilité de citoyen. Ces garçons sont sans doute mal informés et là, je crois qu’on peut remercier les réseaux sociaux. Mais la vérité, moi, je la vois : on a un gamin, il était toujours hyper costaud physiquement. Il a attrapé le covid. Aujourd’hui, il enchaîne des tours de terrain comme un vieillard.»
La tendresse, la compréhension, n’étouffe plus aucun entraîneur de l’élite. Et le respect des choix personnels disparaît lentement derrière les obligations contractuelles. «Certains garçons ne sont tout simplement pas capables de réfléchir par eux-mêmes. Ils n’ont pas été éduqués à réfléchir à ce genre de choses et ne peuvent pas le comprendre», tranche Sébastien Grandjean, au Fola.
Dans son sillage, les clubs prennent donc la main et ne laissent plus d’autres options à leurs «employés», qu’ils soient sous statut professionnel ou dans le cadre de contrats de louage d’ouvrage. Ainsi, le Swift organiserait, selon nos informations, une séance de vaccination obligatoire en début de semaine prochaine pour ses «retardataires».
Au Progrès, Stéphane Léoni annonce que ses garçons «n’auront pas le choix» et à Wiltz, la direction a prévenu les réticents que s’ils ne sont pas vaccinés à la reprise, «ce n’est même pas la peine de se présenter à la reprise».
Ce n’est même pas la peine de se présenter à la reprise
On s’en rend compte aujourd’hui de manière très concrète, et comme on pouvait s’en douter depuis plusieurs semaines déjà, pour toute une génération de footballeurs, c’est la seringue ou la retraite anticipée.
D’ailleurs, pour son activisme contre la vaccination sur les réseaux sociaux, le nom de l’ancien international Aurélien Joachim, était vendredi dans les bouches. D’aucuns lui prêtent la décision de mettre un terme à sa carrière mais au FCD03, ni ses partenaires ni son coach, Pedro Resende, ne confirment :
«Ce n’est pas vrai. Il ne m’a rien dit, à moi. Et quand le président s’est adressé à tout le vestiaire, il n’a pas ouvert la bouche.» Finir de la sorte une telle carrière et pour un tel joueur, serait désolant. Mais aujourd’hui, c’est ce dont il est question. D’anticiper d’éventuelles défections à la reprise de janvier, venant de garçons qui ne souhaitent pas céder à la pression étatique et de leurs clubs.
«C’est une génération qui dit qu’elle agit au nom de convictions, mais il suffit de leur mettre un peu la pression et elles s’envolent vite», tance David Vandenbroeck, à Wiltz, soucieux de se convaincre qu’il n’aura pas trop de soucis. Ils sont pourtant nombreux, ses homologues, à craindre pour leur saison.
À commencer par Carlos Fangueiro, au F91, qui a l’honnêteté intellectuelle de reconnaître qu’il a, lui aussi, été contre la vaccination : «Cette histoire peut nous coûter cher. Sur tous nos non-vaccinés, quatre sont des titulaires indiscutables, des poids lourds du vestiaire, des joueurs décisifs. Si on doit en perdre…» Même angoisse pour Henri Bossi, à Hostert : «Moi, j’ai des doutes sur nos non-vaccinés. Vont-ils nous dire oui? S’ils ne le font pas, notre saison est foutue.» «Nous aussi, ça met notre saison en grand danger», admet Resende, au FCD03.
L’affaire risquant de réorienter les politiques de recrutement, cet hiver, certains ont pris des mesures d’extrême urgence. Differdange a ainsi demandé à ses joueurs posant «problème» de se positionner officiellement la semaine prochaine.
Quoi qu’il en soit, l’urgence est, pour tout le monde, de finir l’année. Et les demandes de report de la 15e journée (lire ci-dessous) se multiplient puisque tout le monde anticipe que le gouvernement bouclera sa loi avant la fin de semaine prochaine.
Selon nos informations, le Progrès aurait tenté de demander une dérogation en son nom propre auprès du gouvernement. Elle a bien entendu été refusée. Comme pour les autres sports, pas de passe-droit pour le football. La fête est finie.
Julien Mollereau
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