Le milieu de terrain du RFCU Julien Humbert a gagné son combat : la FIFA lui a donné raison contre le F91. La semaine prochaine, il aura reçu une licence et le droit de rejouer au foot.
Depuis sa rupture unilatérale de contrat l’été dernier avec le F91, pour s’engager dans la capitale, le joueur français avait dû se lancer dans un bras de fer juridique (lire notre édition du 13 octobre 2017), la FLF refusant de lui délivrer une licence, puisque selon les textes locaux, il «appartient» toujours à Dudelange.
Il avait fait valoir le principe de juste cause sportive, un point de règlement de la FIFA que personne n’avait encore jamais invoqué avant lui où que ce soit dans le monde. Et il a gagné son bras de fer : la FIFA a répondu favorablement et de manière argumentée. Et la FLF s’est pliée au verdict : elle va l’autoriser à jouer.
Vous venez de remporter une bataille juridique de sept mois engagée presque autant contre votre club du F91 que contre la FLF, qui refusait de vous délivrer une licence puisqu’elle s’appuyait sur les règlements locaux. Vous avez débouché le champagne?
Julien Humbert : Le champagne, je l’ouvrirai quand j’aurai pu rejouer mes premières minutes avec le RFCU. Mais pour le moment, que ce soit à la maison ou au club, c’est un vrai soulagement. C’est… cool. Oui, c’est ça, c’est cool.
Il y a quelques mois, alors que vous aviez dit non au F91, qui voulait vous placer à Hamm, vous nous disiez faire ça presque uniquement pour le principe. Et aussi pour le plaisir de rejouer au football à un bon niveau, vous qui veniez de passer une année en réserve dudelangeoise… Mais même pour ces bonnes raisons, sept mois, c’est long non?
C’est très, très long. Mais c’était encore plus insupportable ces dernières semaines, alors qu’on touchait à la fin. On venait d’avoir une réponse positive de la FIFA, début décembre, mais la FLF ne voulait pas bouger tant qu’elle n’avait pas reçu la motivation de la décision.
Or la FIFA est une instance assez particulière : visiblement, il lui faut deux mois pour envoyer ce genre de courrier. La vache : ça fait quand même sept mois que je l’attendais, cette lettre! Sept mois… C’est un petit peu comme si je m’étais fait les ligaments croisés. Des ligaments croisés factices.
Que dit-elle, cette lettre qu’on imagine composée de plusieurs pages?
En gros, que le contrat entre le F91 et moi est bien rompu depuis le mois de juin et qu’il l’a été pour juste cause sportive. Et donc, que j’avais raison.
Les joueurs du F91 avec qui vous avez gardé contact vous ont-ils félicité pour cette victoire juridique?
(Il rit) Ils ne doivent pas avoir le droit de me contacter, je pense. Mais c’est un fait que ceux qui ne jouent pas m’ont déjà appelé parce qu’ils aimeraient savoir comment j’ai fait. Pas qu’eux d’ailleurs. D’autres joueurs issus d’autres clubs m’ont également contacté.
Et je dois dire que je pourrais les tuyauter sur pas mal d’aspects de leurs contrats qui sont carrément illégaux. En me penchant sur cette matière, j’en ai appris long sur les clauses interdites par la FIFA ou le droit du travail, qui permettraient de casser presque chacun des contrats émis ici, au Luxembourg. Comme si ce pays était à part, différent des autres… Non, il ne l’est pas.
Vous appelez à un sursaut des clubs en la matière?
Longtemps, le football luxembourgeois a été considéré comme purement amateur. Or on voit bien, avec les départs de joueurs à l’étranger ou les salaires désormais pratiqués dans certains clubs, qu’il faudra bien, un jour, se mettre au diapason des autres pays.
On ne peut plus rester dans ce système aberrant. Rien que mon cas. Vous imaginez? Si vous décidé de quitter votre travail, mais que votre employeur vous dit « Non, tu restes! ». Moi, c’est un peu ce qu’il était en train de m’arriver…
Si les instances vous avaient débouté malgré tout?
Je n’aurais jamais laissé tomber. Mon épouse (NDLR : qui a une formation juridique et l’a beaucoup assisté dans ses démarches) et moi, on était déterminés et on savait qu’on avait raison.
Oui, enfin, c’est un sacré parcours du combattant quand même, non?
C’est grâce à ma femme. C’est elle qui a trouvé la faille. Elle est comme moi : il y a des choses qu’on ne peut pas accepter. Moi, si je viens gentiment demander qu’on me libère parce que j’ai trouvé quelque chose ailleurs alors que j’ai toujours été correct, je deviens hargneux. Les bras de fer, des fois, c’est nécessaire.
Si on veut des acquis sociaux, des droits, on ne peut pas se satisfaire de vivre à la botte de gens qui ont de l’argent et pensent pouvoir faire ce qu’ils veulent de vous.
Sportivement, le fait de savoir que votre licence est en chemin a-t-il changé votre rapport aux entraînements?
Au début, j’avais l’espoir que cela se solutionne vite. Et puis le temps passant, j’ai forcément baissé de pied. J’étais là juste pour rendre service.
Mais j’avoue que les jours où j’étais tenté de ne pas venir parce que de toute façon, cela ne servait à rien, que je ne jouerais pas le week-end, entendre certains coéquipiers qui me disaient « chapeau de continuer à t’entraîner dans ces conditions », ça m’a aidé.
Et maintenant, voilà, je repars enfin dans l’optique d’une concurrence. Les autres ont pris de l’avance. À moi de montrer que je peux apporter quelque chose.
Ce sera long de retrouver des sensations?
Je n’ai participé pour l’heure qu’à un match amical. Il gelait et c’était sur synthétique. Mais maintenant, je vais profiter de chaque minute. Et prouver aux gens qui m’ont un peu trop vite enterré que je suis toujours là.
Notamment à vos anciens dirigeants dudelangeois?
Par rapport à eux, je suis plus ou moins revanchard. J’ai de très bonnes relations avec 95 % des gens là-bas. Et ce n’est pas pour les 5 % restant que je vais faire du cinéma genre courir jusqu’à la tribune et montrer mon maillot si jamais je marque un but (NDLR : le match retour, au stade Jos-Nosbaum, est programmé le 8 avril).
Mais ça me ferait quand même plaisir de montrer qu’ils ont eu tort de ne pas me faire plus confiance…
Julien Mollereau