Curiosité locale à son arrivée en 2020 au Luxembourg, dont il détenait le passeport sans y avoir vécu, Gustavo Hemkemeier régale depuis un an avec Etzella.
Si les coups de fil à sa famille au Brésil sont quasi quotidiens, ceux du dimanche sont «toujours les plus longs», observe Gustavo Hemkemeier. C’est que le milieu offensif d’Etzella en a, des exploits à raconter.
En particulier cette saison, où il a sur la seule phase aller égalé et même battu ses stats de la saison dernière en championnat (8 buts et 4 passes décisives sur les 15 premières journées, contre 7 buts et 4 passes décisives sur l’ensemble de l’exercice 2020/2021), sa toute première en Europe.
Une dynamique que la longue trêve hivernale n’a pas ébranlée, au contraire : depuis la reprise, le numéro 20 ettelbruckois a déjà planté 2 fois et délivré 4 «assists» en cinq journées, ce qui fait de lui le 12e meilleur buteur et surtout le 3e meilleur passeur décisif de DN.
Il y a un an tout pile, à la même période, le Brésilien d’ascendance luxembourgeoise ne comptait qu’un malheureux pion en championnat.
Rien d’étonnant : si ses ancêtres y ont vécu, Hemkemeier n’avait jusqu’ici foulé le sol du Grand-Duché que trois jours, en 2018, le temps d’y faire son passeport luxembourgeois, et a donc logiquement eu besoin d’un certain temps d’adaptation.
Y compris au climat local : si les hivers peuvent être rigoureux dans le sud du Brésil, le natif de Toledo, dans le Paraná, n’avait «jamais eu aussi froid» qu’à Ettelbruck, sa «porte d’entrée vers l’Europe». Comment diable s’est-il retrouvé là, à plus de 10 000 bornes de son État d’origine? L’histoire tient du roman.
Article, vidéo et Messenger
Et elle doit autant au flair de Dan Elvinger, notre confrère du Tageblatt, qu’à celui de Neil Pattison, l’entraîneur d’Etzella. Le premier dresse – avec l’aide d’un ami portugais improvisé traducteur – début 2020 le portrait de Gustavo, dans le cadre d’un dossier consacré aux footballeurs brésiliens ayant obtenu un passeport grand-ducal grâce à la nouvelle loi sur la nationalité de 2017 ?
Ni une ni deux, le second allume son PC, gratte à un agent son identifiant de connexion à la plateforme italienne Wyscout, qui regroupe des milliers de vidéos de joueurs, et applique divers filtres à celles du meneur.
Je n’avais pas le coach dans mes amis Facebook, alors je n’ai vu ses messages qu’un mois après!
«J’ai vu ses passes offensives, ses dribbles, et cela me suffisait déjà. Sa technique, sa vitesse d’exécution… Il m’a immédiatement tapé dans l’œil», confie le technicien, alors en quête d’un successeur à Kevin Holtz, parti au Progrès.
Reste à prendre contact avec le garçon, sur le point de découvrir la D4 brésilienne avec le modeste Toledo Esporte Club. Ce que Pattison fait via Messenger. «Je ne l’avais pas dans mes amis Facebook, alors ses messages n’apparaissaient pas dans ma boîte de réception, se marre Gustavo. Je ne les ai vus qu’un mois après.» L’entraîneur d’Etzella a bien fait de patienter.
Sur le terrain, et en dépit d’une intégration facilitée par la cohorte de lusophones peuplant le vestiaire ettelbruckois et le pays, il a fallu aussi attendre avant de voir Hemkemeier donner sa pleine mesure.
«Les cinq premiers mois ont été un peu difficiles, reconnaît-il. Je découvrais une autre culture, une vision différente du foot et je venais de quitter ma famille et mon pays. J’ai commencé avec des prestations un peu décevantes, mais je ne pouvais pas abandonner, cette équipe en valait la peine, et je devais jouer mon meilleur football.»
Sondé par les cadors, focus sur le maintien
«Il jouait un autre football au Brésil, plus lent, plus technique, moins physique, et il a dû s’adapter à ces transitions plus rapides, comme les joueurs qui arrivent d’Allemagne, de Regionalliga, par exemple, complète Pattison. Mais il a vite appris, parce que c’est un garçon intelligent sur et en dehors du terrain, qui a compris qu’il fallait changer sa mentalité pour progresser. Il a beaucoup amélioré sa reconversion défensive : avant, quand on perdait le ballon, il restait devant. Maintenant, il travaille dans les deux sens.»
Ce qui n’a pas altéré le rendement offensif d’un garçon devenu, qu’il joue à gauche ou en soutien de l’attaquant, ce que Neil Pattison qualifie de «petite garantie de vie», autrement dit la principale arme d’un Etzella en quête de maintien.
Celui contre qui les adversaires échafaudent désormais des plans. Que lui manque-t-il pour passer un cap supplémentaire ? Un peu de constance, suggère son coach, alors que le joueur formé à l’Internacional, l’un des plus gros clubs du Brésil, a encore «tendance, si les choses ne marchent pas bien, à se cacher un peu sur son flanc, pendant cinq-dix minutes».
Les plus grosses écuries de DN n’ont pas attendu cela, en tout cas, pour frapper à la porte d’Etzella. Mais Gustavo et son club ont jugé plus opportun de reporter à cet été un départ dont le Brésilien, pour l’heure, ne veut pas entendre parler. «On verra cet été avec mes agents quelle est la meilleure solution pour moi, au Luxembourg ou à l’étranger, coupe-t-il. Mon objectif, pour l’heure, est d’améliorer mes stats et aider le club à rester en BGL Ligue.»
Une mission qui passe par Wiltz, théâtre demain d’un derby du Nord décisif dans la course au maintien. L’occasion, s’il en fallait une, de laisser définitivement son empreinte à Ettelbruck.