Le capitaine pétangeois a inscrit un but magique qui confirme définitivement son retour au premier plan.
On a encore le droit de tomber amoureux après le 14 février. Et le deuxième but d’Artur Abreu contre le RM Hamm Benfica, dimanche après-midi, est un coup de foudre subtil. Pas un de ces moments gentiment tape-à-l’œil, genre retourné acrobatique ou frappe de trente mètres en lucarne, mais un de ceux qui invitent à faire de la pub pour la concurrence : allez absolument, toutes affaires cessantes, le regarder sur le «replay» de RTL.
On y voit Silaj adresser une merveille d’ouverture dans le dos du défenseur. Abreu la contrôler de l’extérieur, du bout du pied, en funambule, redresser sa course toujours de l’extérieur et piquer au-dessus d’Apollinario encore et toujours de l’extérieur. Il effleure plus le ballon qu’il ne le caresse, c’est gracieux. Et Nicolas Grézault, son coach, en aurait presque l’œil humide au moment d’en parler : «À la mi-temps, on a corrigé les mouvements pour que notre « 6 » se retrouve plus haut sur le terrain. Et là, Silaj lui met cet amour de passe ! Mais elle n’est pas facile, il faut la maîtriser. Et l’emmener, et la piquer. Tout ça avec une seconde seulement pour réfléchir. Au niveau neurocognitif, c’est déjà fort, mais en plus, il faut la technique, derrière, pour le faire. Non, ce but, ça respire le foot ! C’est une marque de respect pour nos principes de jeu !»
Une marque de respect aussi pour un travail entamer auprès de son capitaine depuis le début de la saison. Grézault, échaudé qu’on résume son ailier gauche à sa capacité d’élimination en un contre un ou sur des dédoublements, a voulu le faire grandir encore un peu plus à sa manière. En lui offrant le droit d’exister aussi en éliminant son adversaire direct par de l’intelligence de course plus que balle au pied. «Quand ça arrive, c’est gratifiant», admet Grézault.
Aujourd’hui, Abreu ne dit pas le contraire : «Juste avant qu’il ne reçoive le ballon, Christian et moi, on se voit. Il fait un mouvement de tête. On se comprend immédiatement. Je sais qu’il va la mettre.» Il n’est pourtant pas écrit, alors, que cela se terminera aussi bien. «Après le contrôle, tout se fait à l’instinct, sourit Abreu. Mais c’est de loin mon plus beau but depuis longtemps. Peut-être que face à une équipe du top 4, le gardien sort un peu plus vite, mais je ne pense pas que c’est dû à la qualité de l’adversaire. C’est un but qui donne une confiance folle. J’en avais besoin.»
Pour l’Europe, je peux attendre, mais mes 30 ans arriveront vite
On parle pourtant d’un joueur confirmé de 27 ans à 8 buts et 5 passes décisives au sein d’une équipe à la lutte contre la relégation et qui se pavane au sommet du classement des meilleurs joueurs du championnat. Devant des garçons à largement plus de dix buts. Devant des garçons leaders. Devant des garçons qui, eux, joueront l’Europe la saison prochaine.
D’ici à la fin de la saison, l’ancien Differdangeois aimerait s’offrir des statistiques à deux chiffres tant en nombre de buts qu’en nombre de passes. Il aimerait aussi finir meilleur joueur de BGL Ligue. Cela crédibiliserait encore un peu plus le projet de jeu pétangeois, bâti sur lui, bâti pour lui et auquel il a apporté tout son crédit en signant un contrat de cinq saisons. Cela remettrait aussi sur la table, une fois de plus, la question de sa fidélité infaillible au Titus alors qu’il pourrait œuvrer à se constituer ailleurs un palmarès à la hauteur de son talent.
Abreu doit le concéder, se blesser gravement et ne pas avoir pu jouer l’Europe en août 2020 l’a laissé extrêmement amer. «Je n’ai pas encore joué l’Europe et je veux la jouer. Si possible avec Pétange, en sachant qu’on est partis sur un projet au long terme. Je peux attendre, mais mes 30 ans arriveront vite.» Abreu peut-il se dire qu’il vaut mieux aller chercher son bonheur personnel ailleurs plutôt que de prendre le risque de le construire collectivement à Pétange ? «On n’est pas inquiets, tranche Grézault. On pourra peut-être jouer le haut de classement d’ici un an et demi. Nous, on veut qu’il soit le leader de ce projet. Soit il reste et tire tout le groupe vers le haut, soit il aura le droit d’aller voir ailleurs. On ne peut pas l’empêcher vu tout ce qu’il a déjà fait pour le club.» Abreu se laisse la porte ouverte et se dit qu’en foot, il ne faut «jamais dire oui ou non», et aussi qu’«un accord, ça se trouve vite». On suscite beaucoup plus facilement la convoitise après des buts comme ça, mais il en faudra encore quelques-uns pour éviter que le Titus n’ait à se soucier d’échapper aux barrages.