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[BGL Ligue] Carlos Fangueiro : « On avait fini en pleurs avec Leonardo Jardim… »


L'ancien joueur pro portugais est allé puiser chez les entraîneurs qui l'ont guidé en tant que joueur pour devenir le technicien assez bouillonnant que l'on voit le long de la ligne de touche du stade de Pétange. (photo Wildson Alves)

Champion d’automne avec son équipe «surprise» de Pétange, Carlos Fangueiro (42 ans) impressionne sur le banc depuis l’entame de cette campagne. Celui qui, en tant que joueur, a bossé sous les ordres de Leonardo Jardim ou Jorge Jesus est parvenu à insuffler le souffle nécessaire à ses joueurs. Rebelote en 2020 ?

Maintenant que vous êtes champion d’automne avec Pétange, tout le monde se demande si vous pouvez aller au bout…

On a effectué la moitié du chemin et il faut avouer que ça n’a pas été simple. Parce que l’évolution a été énorme au niveau de la BGL Ligue. Dans le passé, lors de certains championnats, parfois seules deux équipes pouvaient être sacrées. Ici, il en reste cinq ou six à mi-parcours. C’est bien plus compétitif. Il y a plus de surprises aussi. Tu vois que des clubs, même situés plus bas dans la hiérarchie, travaillent plus leur stratégie. Que tactiquement, c’est plus compliqué de trouver les solutions…

Et la partie qu’il nous reste à vivre dans ce championnat risque d’être encore plus difficile. Je ne peux pas vous dire aujourd’hui qu’on sera champions en fin d’exercice. Maintenant, j’espère que vous pourrez me reposer cette question dans quelques mois (il sourit).

Si on remonte douze mois en arrière, on revoit la Jeunesse en tête à la mi-saison. Avant qu’elle ne s’écroule après avoir notamment perdu Toni Luisi sur blessure. Quand on y repense, on se demande s’il ne pourrait pas vous arriver la même chose si vous veniez à perdre Artur Abreu, non ?

On ne va pas le cacher, tout le monde sait qu’Artur est une machine ! Et j’espère bien évidemment qu’il ne lui arrivera pas de petits bobos sur la deuxième moitié de saison. Si ça devait arriver, sans lui, on serait peut-être un peu moins forts. Mais, vous savez, chaque week-end, je suis obligé de laisser en tribunes des gars qui sont des titulaires potentiels. Donc j’ai une totale confiance en ce groupe pour suppléer à l’absence d’un tel ou un tel. La semaine dernière, on a ainsi appris lors de la toute dernière séance que notre défenseur Jules Diouf était forfait. Et on l’a remplacé face au Progrès, qui n’est pas n’importe qui dans ce championnat, par un Nathan Rodes qui s’en est très bien sorti. Les joueurs qui ne sont pas sur le terrain savent aussi bien que les titulaires ce qu’ils doivent faire. D’ailleurs, lorsqu’on effectue une séance, on tourne à chaque poste afin que tout le monde sache quoi faire s’il est amené à jouer.

Souvent, c’est notre gardien qui enclenche la phase de jeu que nous voulons appliquer

On peut quand même se demander ce qu’il adviendrait si vous commenciez à avoir quelques blessés. Vous avez quand même connu une première partie de saison sans trop de soucis parmi vos titulaires…

C’est vrai et je ne peux qu’en être satisfait. Mais je le répète, c’est souvent très compliqué de devoir mettre certains sur le banc ou en tribunes le week-end. Car ceux qui ne sont alignés n’ont pas « démissionné », comme on peut le voir parfois ailleurs et ils continuent à pousser ceux qui jouent à donner tout ce qu’ils ont dans le ventre. C’est d’ailleurs une chose sur laquelle j’appuie beaucoup. Je tiens à garder tout le monde en éveil. Parfois même, je fais plus attention à ceux qui ont un petit temps de jeu ou qui n’en ont pas du tout qu’aux autres. Car ils ont encore davantage besoin d’un petit mot, d’une phrase pour garder la motivation. Pour ne pas en arriver à baisser les bras.

On a aussi été marqués par les qualités footballistiques de vos joueurs. En caricaturant à peine, on pourrait dire que, quel que soit votre poste, si vous ne savez pas faire une passe de 30 mètres dans les pieds, vous ne jouez pas dans cette équipe…

Tout le monde sait le faire, en effet (il sourit). On veut des footballeurs de qualité. Des gars qui se sentent concernés par le ballon, qui doivent savoir jouer avec celui-ci. Même le gardien. Après, on travaille vraiment beaucoup l’animation offensive, comme défensive. On a même mis en place une série de codes pour différentes actions. Des phases de jeu travaillées, répétées à l’entraînement qui sont appelées par les joueurs eux-mêmes sur le terrain. Comme au basket ou au volley. Souvent, c’est notre gardien qui enclenche la phase de jeu que nous voulons appliquer. C’est une base de travail. Si notre adversaire nous laisse la place de le faire, alors l’action se passe comme on l’a répétée. Si à un moment nous sommes bloqués, alors on change, on improvise. Et à ce niveau-là, j’ai également la chance de posséder des joueurs avec une énorme capacité d’improvisation.

Jardim n’a pas son pareil pour gérer la tête de ses joueurs. Parfois, il annulait une séance pour recevoir à la place les joueurs en tête-à-tête

On a parfois un peu de mal à savoir quel type d’entraîneur vous êtes. Comment vous vous définiriez vous-même ?

Je me sens comme un coach offensif, un motivateur aussi. Avec aussi un côté perfectionniste. Je sais que parfois je peux être chiant à faire répéter les choses deux, trois, quatre fois… Autant de fois qu’il le faut pour que cela marche vraiment comme je le voudrais en fait. Et puis, j’essaie aussi de faire en sorte que l’on joue avec beaucoup d’intensité. D’ailleurs, à mon sens, c’est grâce à celle-ci que l’on gagne. À mes yeux, il n’y a pas la compétition d’un côté et les entraînements de l’autre. Non, pour moi, tout n’est qu’une compétition! Et on doit tout effectuer avec cette même intensité!

Et puis, à côté de tout ça, il y a bien évidemment le facteur humain. J’essaie d’être très présent pour mes joueurs, d’être à leur écoute. D’essayer de les mettre dans les meilleures conditions possibles quand ils sont sur le terrain. Mais tout en gardant la franchise nécessaire. Il ne faut pas leur mentir. Je dis toujours ce que je pense mais tout en essayant de mettre en avant le positif, d’appuyer sur celui-ci. De pousser mes gars vers l’excellence.

Quels sont les entraîneurs qui vous ont influencé ?

Ils sont plusieurs. J’ai eu la chance de travailler avec plusieurs très bons techniciens durant ma carrière de joueur pro, dont certains évoluent aujourd’hui au plus haut niveau. À commencer par Leonardo Jardim (Monaco) avec qui j’ai été sacré champion de D2 portugaise à Beira-Mar. Il n’a pas son pareil pour gérer la tête de ses joueurs. Parfois, il annulait une séance pour recevoir à la place les joueurs en tête-à-tête. Afin de voir comment allait chacun, comme peut le faire un véritable ami. Je me souviens d’une entrevue où on avait fini en pleurs, ou du moins avec les yeux bien rouges. Je lui avais parlé de soucis personnels qui me touchaient et ce qu’il m’avait dit, sa façon de l’exprimer, m’avait touché directement au cœur. Quand tu as une telle relation avec un coach, tu ne peux que tout donner pour lui quand tu te retrouves sur le terrain…

Il y a aussi eu Jorge Jesus, l’ancien de Benfica et du Sporting qui est aujourd’hui à Flamengo, au Brésil, avec qui il a remporté la Copa Libertadores. J’ai eu la chance de bosser avec lui à Guimarães. Lui, c’était un monstre tactique. Tu ne pouvais pas quitter le terrain tant que tout n’avait pas été assimilé. Et en plus, il parvenait à prévoir certaines choses. Il te disait : « Tu dois te positionner ici parce que c’est là que la balle va arriver » et le ballon arrivait exactement comme il l’avait prévu. Dingue !

Je n’en suis jamais venu aux mains avec un autre coach ou un arbitre. Ni n’ai fait de geste obscène

D’autres coaches ont été importants à vos yeux ?

Je n’oublie pas non plus Augusto Inacio que j’ai également côtoyé à Guimarães. Un des derniers à avoir ramené le titre au Sporting au Portugal et qui était vraiment très bon au niveau de l’animation. Zoran Filipovic aussi. Et puis l’ancien international Alvaro Magalhaes, qui a été adjoint à Benfica et qui demandait à ses joueurs une intensité de fou. Même lors des séances la veille des matches, il fallait y aller à fond ! Ces trois-là aussi ont influencé ma façon de coacher. Même si j’y ai évidemment ajouté mon petit grain de sel, mon expérience liée à mes 20 années au haut niveau au Portugal, en Angleterre ou en Grèce.

Au bord du terrain, vous avez aussi l’air à certains moments de bouillonner. Vous pouvez parfois sembler excessif, voire agressif. Bien plus en tout cas que votre discours toujours très posé…

Je suis un peu un coach à la Diego Simeone sur ce plan-là. Je vis le match, je suis sur le terrain avec mes joueurs! Après, je suis peut-être agressif mais dans le bon sens. Je n’ai jamais eu l’impression de « franchir la ligne ». Je veux dire, je n’en suis jamais venu aux mains avec un autre coach ou un arbitre. Ni n’ai fait de geste obscène. Je n’ai jamais eu l’impression d’avoir été trop loin. Certes, je bouillonne intérieurement mais j’ai plutôt l’impression de… m’être calmé ces derniers temps. Et que ça va encore aller en s’améliorant. J’étais bien pire voici quelques années, notamment lorsque j’officiais à Bissen.

Après, je ne suis pas le même au bord du terrain que dans la vie de tous les jours. Mais ça, il me semble que c’est le propre de tous les entraîneurs, non? (Il sourit).

Entretien avec Julien Carette