Hermann Paar est un ardent défenseur du basket féminin. Le technicien allemand, grand connaisseur de la question, milite pour que son sport soit traité à l’égal de celui de ces messieurs.
Il y a quelques jours, Kresimir Basic s’est longuement exprimé dans nos colonnes sur la situation du basket luxembourgeois actuel. Une intervention suivie de près par Hermann Paar, qui regrette toutefois un point : dans cette interview, il n’est nulle part fait mention du sport féminin. Effectivement, pas un mot sur ces basketteuses également concernées par les décisions de la FLBB.
L’occasion était donc belle de faire le point avec celui qui connaît peut-être le mieux le basket féminin au Luxembourg, Hermann Paar, ancien entraîneur national, ancien coach de l’équipe de Bundesliga de Sarrelouis et actuel entraîneur de Gréngewald, champion sortant à l’issue de la saison 2018/2019.
Pourquoi avez-vous souhaité vous exprimer ?
Hermann Paar : Parce que les femmes ne sont pas seulement la moitié de l’humanité. Le sport féminin est également de très haut niveau, parfois même de meilleur qualité que son homologue masculin. J’ai vu qu’on discutait énormément des décisions concernant le titre d’Esch, les relégations de l’Amicale et de Steinsel, mais pas un mot sur les dames. Je trouve cela dommage. Pour ne pas dire honteux. Le basket féminin mérite mieux.
Quelle est votre analyse de la situation au championnat, cette saison ?
La décision initiale de sacrer Etzella n’est pas bonne à mes yeux. Mais vu qu’elle n’apparaît pas dans le BIO, elle n’est pas encore officielle et c’est tant mieux. Personne n’a besoin d’un champion dans ces conditions. Surtout que le championnat était très serré et que tout était encore possible dans un sens comme dans l’autre.
Le sport féminin est parfois même de meilleure qualité que son homologue masculin
Que pensez-vous du niveau du championnat féminin ?
Malheureusement il est trop faible, mais il est en progrès ces dernières saisons. À mes yeux, la demi-finale du championnat de l’an passé entre Etzella et le T71 était une très belle pub pour le basket. Et notre finale contre Dudelange, qu’on gagne après prolongations dans le troisième match d’un point devant plus de 1 000 personnes, c’est également une bonne chose.
Que regrettez-vous ?
Selon moi, il aurait été normal que RTL diffuse la finale dames, qui était vraiment de très haut niveau. Je ne demande pas un traitement de faveur, mais que les dames soient considérées comme les messieurs.
Quelles solutions préconisez-vous ?
Si la N1 reste à 10 équipes, il faudrait permettre aux espoirs d’intégrer la Nationale 2. Ça permettrait à des jeunes joueuses d’avoir du temps de jeu et au championnat de gagner en qualité. On aurait plus d’équipes et plus de concurrence. Des filles qui ne peuvent plus jouer en cadettes auraient la possibilité de montrer ce qu’elle savent faire. Je tiens aussi à souligner que la combinaison entre le Sportlycée, le centre de formation de la FLBB et les clubs, c’est l’idéal. Mais pour que ça marche, il faut s’entraîner beaucoup et à haut niveau.
Comment fait-on ?
C’est simple, les joueuses doivent s’entraîner au moins cinq fois par semaine. Mais ça doit monter jusqu’à dix séances hebdomadaires. Et pour augmenter le niveau de l’entraînement, il faut, selon moi, avoir au moins deux joueuses professionnelles par club, afin d’avoir davantage de qualité.
On va vous expliquer que cela coûte de l’argent. Que répondez-vous à cela ?
Que ce n’est pas un argument valable. Les filles sont dans un cercle vicieux. Elles ne sont pas très médiatisées, du coup, les jeunes ne voient pas facilement du basket et ne se dirigent pas naturellement vers le basket. Les sponsors ne sont pas très présents, alors que, justement, les équipes auraient besoin de sponsors. On a vu la finale de l’an passé avec énormément de spectateurs. En 2015, la finale des JPEE, gagnée par le Luxembourg contre l’Islande devant 3 000 personnes, montre qu’il y a du niveau. Et que les femmes méritent, je le répète, d’avoir le même soutien que les hommes. Il n’y a qu’à regarder ce qui se passe chez nos voisins. Les Belges font partie des meilleures au monde et se sont qualifiées pour les JO. C’est le genre de modèle que nous essayons d’avoir à Gréngewald, avec une excellente base, un staff d’entraîneurs professionnels et un bon mix avec des joueuses d’expérience qui encadrent des talents prometteurs.
Vous parlez d’Anne Simon notamment ?
Oui. Il faut aussi choisir les joueuses professionnelles en fonction de ses joueuses luxembourgeoises, pour les mettre dans les meilleures dispositions possibles.
Pour augmenter le niveau du championnat, il faut participer à des compétitions européennes
Les meilleures joueuses nationales évoluent toutes à l’étranger, c’est logique pour vous ?
Oui. Le niveau de notre N1 est trop faible pour des filles comme Magaly (Meynadier), Lisa (Jablonowski) et compagnie. Elles n’auraient pas d’intérêt à y évoluer et ont donc décidé de jouer à l’étranger. J’adorerais que ces joueuses reviennent au Grand-Duché, mais pour l’heure, cela ne leur servirait à rien.
Comment faire pour faire progresser le niveau du championnat ?
Là encore, il n’y a pas trente-six solutions : il faut simplement participer à des compétitions européennes. Bien sûr, cela ne peut pas se faire du jour au lendemain, mais c’est possible. On voit la Belgique, l’Islande qui marchent bien, ça fonctionne pour les petits pays. Maintenant, c’est vrai qu’on n’est pas le foot et qu’on ne touche pas d’argent de l’UEFA, c’est à nous de payer. Maintenant, Kreso a expliqué dans son interview qu’en Autriche la fédération participait pour permettre à ses équipes de s’engager dans des Coupes européennes. Pourquoi ne pas imaginer un tel concept au Luxembourg. Il faudrait peut-être demander à la FLBB ce qu’elle en pense.
Entretien avec Romain Haas