Etienne Louvrier revient sur cette incroyable saison conclue par une masterclass de Bobby Melcher, remonté comme un coucou par son coach.
Que se passe-t-il dans votre tête quand vous refaites le film de la saison ?
Étienne Louvrier : En fait, il nous manquait juste quelqu’un pour fédérer toute cette équipe. Pour la stabiliser. Et apporter sur scoring extérieur. On a trouvé tout cela avec Jarvis. À partir de là, c’était facile car on a quand même de bons joueurs. La mayonnaise a pris, la confiance est venue de là. On gagne des matches, toute l’équipe est stabilisée. On savait qu’on pouvait battre tout le monde. C’est simple, finalement.
Y a-t-il eu un match qui a été le déclic, un match référence où vous vous êtes dit qu’il y avait moyen d’aller chercher quelque chose cette saison ?
Non. En fait, on a vraiment pris match par match. En tout cas, c’est ce que je faisais. On espérait toujours une victoire, mais il n’y a pas de match où il y a eu un vrai déclic. En revanche, il y a eu un petit relâchement une fois qu’on était assurés d’être en play-offs, on a perdu quatre matches d’affilée.
Mais après, tout s’est bien enchaîné ?
On n’avait pas bien terminé la saison régulière. J’ai poussé une gueulante à l’entraînement. On joue bien le premier tour, on bat Walferdange. La saison était déjà réussie. Ensuite, on fait nos deux meilleurs matches contre Etzella. Pourquoi ? Je ne sais pas, mais toujours est-il que mon basket ne convient pas à celui de Kreso (NDLR : Basic, désormais ex-coach d’Etzella).
C’était déjà le cas il y a quatre ans, je l’avais battu alors que j’étais sur le banc du Racing. On ne sait pas pourquoi, il y a des choses qui s’emboîtent bien. Et c’est vrai qu’on gagne le premier match chez eux, on était presque surpris d’avoir aussi bien joué. On s’est dit qu’on allait faire la même chose au retour et c’est ce qu’on a fait.
Et vous vous êtes retrouvés en finale contre le T71. Qu’est-ce que cela vous inspirait ?
On était plus confiants. Pour nous, affronter Dudelange, qui s’est qualifié in extremis pour les play-offs, c’est plus facile que de jouer Esch. Je suis convaincu que si on les avait affrontés, on aurait pris 0-3. Et quelque part, le fait d’être relativement confiants nous a peut-être coûté le premier match. Mais au deuxième match, on a bien réagi, on s’est réveillés.
Et le troisième a été le tournant de la série ?
Oui. Quand on gagne ce match, le vainqueur a 85 % de chance de l’emporter au final. Sur cette rencontre, c’est un petit concours de circonstances, on n’était pas bien mais on a tenu le choc collectivement. Et on a le bonheur de prendre cet ultime rebond offensif et d’avoir un Tom Konen qui met le panier décisif.
Pour la première balle de match à Dudelange, le T71 était au-dessus et s’impose. Et ensuite, quel a été votre discours pour préparer cette cinquième manche décisive ?
Mardi, j’ai réuni tous les joueurs, je leur ai dit qu’on avait été mauvais, qu’eux avaient été meilleurs partout, plus physiques, plus rapides, avec plus de rebonds, plus de passes. J’ai expliqué aux gars que quand on avait gagné, on avait 16-17 assists alors que quand on perdait on en avait beaucoup moins. Donc, je leur ai dit : « soit vous jouez solo, soit vous jouez en équipe« .
Ensuite, j’ai pris chaque joueur un par un pour lui dire ce qui allait et ce qui n’allait pas. Pas seulement les cinq de base, mais tout le monde, car tous sont importants à l’entraînement. Et quand j’ai vu les yeux de Bobby Melcher faire comme les machines à sous, je me suis dit qu’il avait compris quelque chose. Et j’ai tout de suite dit à Pol Merdernach (NDLR : l’assistant coach) que même si on perdait, Bobby serait le joueur du match.
Effectivement, il a répondu à toutes les attentes. Comment avez-vous vécu cette entame parfaite ?
Avec un grand sourire. Je lui ai dit de continuer comme cela. Dans ces cas-là, il suffit de le laisser jouer. Tout en gardant les autres concentrés et agressifs. J’avais provoqué Bobby, qui a été un leader exceptionnel tout au long de la saison, mais encore fallait-il qu’il en prenne conscience. Et il a été incroyable !
On a pris le T71 à son propre jeu : on a été physiques, durs en défense et on a couru
Comment expliquez-vous ce large succès dans cette cinquième manche ?
On a pris le T71 à son propre jeu. On a été physiques, durs en défense et on a couru. L’objectif était d’avoir une petite avance et j’ai d’ailleurs presque eu peur quand j’ai vu qu’on était à +18 à la mi-temps. Dans ces situations, on a souvent tendance à se relâcher. C’est pour cela que dans les vestiaires, j’ai dit à tout le monde qu’on était à 0-0. Que le match commençait maintenant.
Et comme les gars étaient concentrés depuis le début du match, ils sont restés focus. Je pense que Dudelange ne s’attendait pas à ce qu’on joue comme cela. Peut-être étaient ils un peu trop confiants. Et puis je dois bien avouer que quand j’ai vu que Dino Ceman était absent, j’étais triste pour le gamin mais j’ai poussé un grand ouf de soulagement. Ça nous ôtait une fameuse épine du pied car à chaque fois qu’il entrait en jeu, il apportait quelque chose.
Si on regarde les chiffres, on constate également que Jarvis Williams a mis ses points (NDLR : 37) mais qu’il n’a pas pour autant « bouffé » la feuille comme il a parfois eu tendance à le faire ?
Là encore, on en avait parlé à l’entraînement. On sait qu’il va mettre ses 25 pts, mais on ne veut pas qu’il le fasse avec un 5/20 aux tirs. Je lui ai dit de ne pas hésiter à ressortir les balles : il m’a répondu « O. K., coach !« . Et ça a fonctionné. En seconde période, ce sont ses deux paniers à trois points qui scellent la rencontre.
On m’a demandé pourquoi je n’avais pas fait entrer les jeunes à deux minutes de la fin, mais c’est parce qu’il n’y avait qu’une quinzaine de points d’avance. Et même s’ils n’avaient pas trouvé la solution, les Dudelangeois étaient capables de le faire. On ne rigole pas avec eux !
Finalement tout s’est bien passé. Vous vous imposez avec une nouvelle fois un Joe Kalmes mis sous l’éteignoir comme pendant pratiquement toute la série. Vous l’aviez ciblé ?
Oui. C’était notre tactique. On s’est dit qu’il ne devait pas dépasser les 10 pts. On l’a beaucoup attaqué en un contre un, avec Jarvis, on lui a mis un joueur plus petit sur lui, c’est toujours plus embêtant pour un grand d’avoir un petit. En plus, Jarvis a du répondant physiquement. Donc l’objectif c’était de le gêner et pour les autres, on verrait bien au fil des matches.
Mission parfaitement remplie. Et maintenant, on se projette sur le doublé la saison prochaine ?
Je crois que c’est Michael Jordan qui a dit que le plus dur n’était pas d’atteindre le sommet de la montagne, mais de s’y maintenir. On va tout faire pour.
Vous savez déjà avec quelle équipe ?
On sait qu’Ivor Kuresevic et Lenny Jonsson ne seront pas là. C’est certain que Jordan ne reviendra pas. Après, on espère que Jarvis sera avec nous, on va discuter. La saison dernière, on avait effectué deux transferts, avec Bobby Melcher et Tom Konen et on n’a plus qu’un seul transfert pour cette saison.
Il y a deux ans, on avait été pillés et à cause d’une réglementation archaïque, on ne pouvait prendre qu’un seul joueur. Je trouve cela désespérant. Imaginez que Bobby retourne au Racing, Tom à la Résidence et Jonas au Black Star, on n’aurait malgré tout qu’un seul transfert. En clair, si une équipe veut construire en repartant avec huit joueurs luxembourgeois, elle ne peut pas le faire.
Heureusement, on a désormais une certaine base mais on pourrait donc détruire une équipe mais pas la construire. Après, l’autre difficulté, c’est de trouver un joueur qui accepte de nous rejoindre. On en a contacté plusieurs mais souvent, ils sont bloqués administrativement par leurs clubs. Je trouve cela dommage.