Depuis hier, les sportifs de très haut niveau ont accès à la Coque. Retour sur une première journée forcément particulière pour tout le monde. Ce sont les triathlètes qui étaient les premiers sur place.
Lundi matin. La Coque. 7 h 30. L’heure du retour aux affaires pour les deux jeunes pépites du triathlon luxembourgeois : Eva Daniëls et Oliver Gorges. Ce sont en effet eux qui ont été choisis pour être les premiers sportifs à effectuer leur retour dans l’enceinte de la Coque depuis l’annonce, il y a un peu moins de deux semaines, de sa réouverture. Sous conditions. Évidemment.
Pour venir, pas de covoiturage. À l’entrée, prise de température, gel hydroalcoolique et masque mis à disposition pour ceux qui n’en ont pas. Alwin de Prins, le patron du LIPHS, qui a effectué tout le planning avec l’ensemble des fédérations nationales concernées, accueille le petit groupe, ainsi que l’entraîneur national Cyrille Eple pour leur expliquer le mode de fonctionnement. Et les règles mises en place pour cette reprise très spéciale.
Une bonne dizaine de minutes pour savoir exactement ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas. Et notamment, le port du masque obligatoire pour tout le monde jusqu’à l’arrivée aux seules installations mises à disposition. À savoir la salle de musculation, la piscine et la piste d’athlétisme de l’Arena.
«Ils ont tous trouvé que 50 m, c’était long»
Les deux triathlètes prennent directement leurs quartiers en salle de muscu. Enfin leurs quartiers… pas de vestiaires, pas de douche, on fait avec les moyens du bord : «Le LIHPS a bataillé ferme pour cette réouverture, mais on a droit à zéro écart. Il faut absolument jouer le jeu et respecter toutes les consignes, aussi contraignantes soient-elles», explique le technicien.
Pour Oliver et Eva, tout commence par une bonne séance de musculation avec respect de la distanciation sociale et désinfection du matériel après utilisation bien entendu.
Ensuite, le moment tant attendu. Ou redouté. Tout le monde enfile à nouveau son masque, direction… la piscine! «Je peux vous dire qu’ils ont tous trouvé que 50 m, c’était long», sourit Cyrille Eple. Au bord de l’eau, outre Eva et Oliver, on retrouvait Bob Haller, Gregor Payet ainsi que le paratriathlète Joe Kurt.
Comme la piscine principale fait dix lignes d’eau, il est possible de faire en sorte que chacun soit espacé d’une ligne d’eau. C’est donc ce qui s’est passé. Et visiblement, ça a un peu piqué : «Je ne me sentais vraiment pas bien du tout. Je n’avais aucune sensation. C’était un peu comme chercher son équilibre à vélo et rouler en zigzag», confie Eva Daniëls.
«J’avais mal aux bras et aux muscles», ajoute Oliver Gorges. Et d’ajouter immédiatement : «Mais je n’ai jamais été autant heureux de pouvoir plonger dans l’eau!»
«Cela faisait plaisir d’être enfin dans l’eau après huit semaines», abonde Gregor Payet.
«Une immense joie»
Au programme, pour cette reprise, une séance tranquille de 4 000 m. Mais l’essentiel était vraiment ailleurs : «C’était surtout le moment pour tout le monde de se retrouver. De partager un moment ensemble. Normalement, Eva et Oliver auraient dû avoir leur première course de l’année ce week-end. Cela faisait longtemps qu’ils ne s’étaient pas tous vus», souligne encore Cyrille Eple.
Sur le plan physique, le coach a été plutôt satisfait de ce qu’il a vu : «Tous se sont entraînés entre 20 et 25 heures par semaine même pendant le confinement. Et au Luxembourg, ils peuvent courir et rouler. Ce n’est vraiment qu’au niveau de la natation qu’il faut repartir presque de zéro. Mais chacun a réussi à nager un peu durant ces sept dernières semaines, que ce soit Eva, qui s’est achetée une petite piscine et qui prend un élastique, Bob qui a trouvé un voisin qui a une piscine ou Oliver, qui est allé en milieu naturel…»
Même Eva Daniëls s’est donc acheté une petite piscine «pour essayer de garder les sensations et les muscles en action». Mais pour compléter la stabilisation/musculation, la jeune fille, qui a dans le viseur Paris-2024, était surtout contente de se remettre à l’eau : «Quand les piscines ont fermé, je n’étais pas tant triste par rapport à l’entraînement que j’allais perdre mais surtout par le fait que je ne pouvais pas nager, alors que j’aime ça et que j’en ai besoin pour me sentir bien. Pouvoir à nouveau nager, c’est une immense joie!»
Les sourires sur les visages de tous ces triathlètes, qui ne s’étaient pas vus depuis des semaines et des semaines, en dit long sur leur bonheur de pouvoir à nouveau travailler ensemble. Pour Cyrille Eple, c’est un premier pas. Mais il pense également aux autres. «Il y a de jeunes sportifs qui n’ont pas fait de compétitions internationales et qui ne font donc partie d’aucun cadre du COSL qui ont aussi besoin de pouvoir nager. J’espère qu’ils pourront bientôt le faire. Il ne faut pas les oublier.» Le message est passé.
Romain Haas
Petit à petit, on prend ses repères
Les triathlètes ont ouvert le bal. Mais ils n’étaient que les premiers d’une longue série. En manque d’eau depuis plus d’un mois et demi, les nageurs ont enfin pu retrouver leur élément de prédilection. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’expérience a été… particulière, comme le confesse Pit Brandenburger : «Lors du premier 25 m sous l’eau, on s’est bien marrés avec Raphaël (Stacchiotti). En fait, j’étais complètement perdu, je ne savais plus où était le fond, la surface, c’était très spécial», sourit l’Antibois.
Plaisir et douleur également au rendez-vous pour son compère ettelbruckois : «C’était cool de se remettre à l’eau. Même si le bassin avait l’air un peu long. Les 300-400 premiers mètres, je ne sentais rien de spécial, mais, petit à petit, c’est revenu. Et j’ai apprécié les 2 000 derniers mètres. Maintenant, je sais très bien que demain, les épaules vont dire stop, mais c’est comme cela.»
«On se sent en sécurité»
Christophe Audot, l’entraîneur, se montrait satisfait : «Raphaël et Pit sont restés actifs pendant cette phase de confinement et je pense que ça leur servira. Pour ceux qui sont restés sept semaines sans rien faire, ça va piquer sévère», avertit-il.
Et de louer l’organisation mise en place : «Le LIPHS et la Coque font bien leur travail, la circulation est telle que nous ne rencontrons personne. On est bien briefés sur les mesures barrières, on nettoie tous les appareils de muscu. On se sent en sécurité, même si on va devoir ressortir et apprendre à vivre avec le Covid. C’est bien de le faire avec prudence et progressivement.» Le groupe de Christophe Audot a à peine pu croiser celui d’Ingolf Bender, avec Julien Henx, Monique Olivier… et Julie Meynen, de retour des États-Unis.
Si les nageurs ont retrouvé leur élément, d’autres sportifs ont pu regoûter aux installations de la Coque. Les athlètes, notamment. «C’était sympa de faire de la musculation, confie Charel Grethen. Vu qu’on n’a pas de compétition en vue avant longtemps et que c’est traumatisant pour les tendons de faire de la piste indoor, on va éviter pour le moment.»
Porter le masque, «ce n’est pas évident»
Il attend désormais de pouvoir s’entraîner sur une vraie piste d’athlétisme : «N’importe quel stade serait bien», poursuit le spécialiste du 800 m qui faisait équipe avec Patrizia Van der Weken et Charline Mathias, le tout sous la houlette de Camille Schmit. L’après-midi, la sprinteuse luxembourgeoise a elle goûté aux joies de la piste en compagnie d’Arnaud Starck.
Les derniers sportifs à avoir eu droit aux installations de la Coque sont les pongistes. Sarah De Nutte, qui a sa table personnelle, a pu échanger des balles (oui, oui) avec Christian Kill : «Au début, c’est un peu bizarre, car un adversaire réel ne renvoie pas la balle comme un robot. Ce n’est pas le même timing. Mais je sens que mon entraînement avec le robot m’a aidée. Ne serait-ce qu’au niveau du travail de coordination avec les jambes», note-t-elle. Et les joueurs de ping doivent porter le masque… y compris pendant l’entraînement : «Ce n’est pas évident.»
Pour Luka Mladenovic qui, lui, n’a pas la chance de disposer d’une table chez lui, le retour s’est mieux passé que prévu : «Ma condition est très bonne. Pour le touch et le timing, ça manque un peu, mais si je continue, je ne me souviendrai bientôt plus que j’ai passé deux mois sans jouer.»
R. H.