Héroïne des «Grenadières», qu’elle a qualifiées pour leur première Coupe du monde, la milieu n’a pas pu mettre les pieds sur son île depuis deux ans.
Prophète en son pays? Melchie Dumornay, 19 ans, est déjà une vedette en Haïti, qu’elle a qualifié pour sa première Coupe du monde féminine, mais elle ne peut actuellement pas retourner dans son pays, en proie aux violences et à l’extrême pauvreté. «Malheureusement, ça ne peut pas se faire pour l’instant» : Melchie Durmornay n’en dira pas beaucoup plus – elle «n’aime pas trop en parler» – mais elle le reconnaît : un peu moins de deux ans après avoir quitté Haïti pour signer en France, au Stade de Reims, elle ne peut plus se rendre sur son île natale.
Le 22 février dernier, c’est pourtant elle qui, par un doublé face au Chili, a qualifié les «Grenadières» pour la première Coupe du monde de leur histoire. Une compétition qu’elles découvriront samedi avec un choc face à l’Angleterre, championne d’Europe en titre. Ce diamant brut, qui fêtera ses 20 ans le 17 août, est déjà la star de la sélection haïtienne, qui dispose pourtant d’une «génération dorée» selon les mots d’Amandine Miquel, coach du Stade de Reims où a évolué la milieu de terrain ces deux dernières saisons.
La meilleure du monde?
Mais ni elle, ni la plupart de ses coéquipières ne peuvent se permettre de retourner chez elles. Le pays des Caraïbes fait face à une crise humanitaire, politique et sécuritaire, avec des gangs qui contrôlent une majorité du territoire de la capitale, terrorisant la population en multipliant assassinats, enlèvements et viols. Actuellement, «la situation du pays ne permet pas» que l’équipe s’entraîne en Haïti lors des rassemblements de la sélection, regrette Melchie Dumornay. Lesquels ont eu lieu, dernièrement, en Turquie ou encore au Portugal, explique-t-elle.
Dans un entretien au média So Foot, en mars, le Français Nicolas Delépine, sélectionneur des «Grenadières», reconnaîssait n’avoir lui-même mis les pieds en Haïti qu’une fois depuis son arrivée à la tête de l’équipe, un an plus tôt. Un passage express, à l’occasion d’une escale d’une heure à l’aéroport de Port-au-Prince.
Son île natale, Dumornay a longtemps rêvé de la quitter. Repérée par Amandine Miquel lors du Mondial U20 qui s’est déroulé à l’été 2018 en Bretagne, alors qu’elle n’avait que 14 ans, la jeune joueuse a dû attendre ses 18 ans pour pouvoir signer à l’étranger, comme le stipule le règlement de la FIFA. Une situation qui a provoqué «beaucoup de frustration» chez la milieu de terrain, désignée début 2022 meilleure jeune joueuse du monde par le média Goal.com, six mois seulement après ses débuts professionnels.
«Ma place n’était plus là»
«C’était dur de devoir rester en Haïti parce que je sentais que ma place n’était plus là-bas, je sentais qu’elle était ailleurs, ajoute celle qui vient de rejoindre l’Olympique lyonnais. Les gens qui me soutenaient, à l’époque, me disaient « Qu’est-ce que tu fais encore là?« ». Mais si elle a quitté Haïti pour des raisons sportives, Melchie Dumornay ne cache pas un certain mal du pays : «Le froid, je ne vais jamais m’adapter au froid!», lâche-t-elle dans un rire. Près de deux ans après son arrivée en France, elle trépigne à l’idée de retrouver son île, la partie de sa famille qui y vit encore et ses ex-coéquipières.
Son visage s’illumine quand elle énumère les beautés d’Haïti : «La culture, la nourriture, la plage, le soleil, la terre, c’est un bon environnement. (…) Quand les étrangers viennent chez nous, ils n’ont pas envie de repartir, et ça se comprend!», sourit-elle. Loin de l’affaiblir, les difficultés que rencontre son pays renforcent son attachement pour la sélection. «On est vraiment fières de représenter notre pays, de porter ce maillot, assure-t-elle. On sait d’où on sort, on sait qu’on a un passé beaucoup plus difficile que tous les autres pays.»
Et, qui sait, un beau parcours des Haïtiennes pourrait réchauffer le cœur de ce pays si durement touché. C’est du moins ce qu’espère Melchie Dumornay : «Forcément, il y a un peu de tristesse parce qu’on voudrait que ça aille un peu mieux. Mais il y a de la joie aussi parce qu’on sait qu’on va mettre le sourire, rendre fiers les gens qui nous regardent jouer», espère-t-elle.