La saison de la ligue féminine américaine professionnelle de basket, la WNBA, qui s’ouvre mardi, marque un tournant avec l’arrivée du phénomène Caitlin Clark, shooteuse diabolique à la popularité jamais vue dans le sport collectif féminin.
Ils étaient plus de 13.000 au Gainbridge Fieldhouse d’Indianapolis, jeudi dernier, pour un match de préparation entre Indiana Fever et Atlanta Dream, soit plus du triple de l’affluence moyenne de l’équipe locale la saison dernière.
À l’approche du début de la saison, mardi, plusieurs franchises ont décidé de déplacer leurs rencontres dans des arènes plus spacieuses ou d’ouvrir, comme à New York, les gradins supérieurs, habituellement fermés. Tout le monde veut voir Caitlin Clark, la meneuse du Fever âgée de 22 ans, à peine débarquée de l’université d’Iowa, avec laquelle elle évoluait encore il y a à peine un mois.
« Elle est comme Steph Curry », a déclaré la légende de la NBA Charles Barkley. Son audace rappelle ainsi à beaucoup le meneur des Golden State Warriors, Stephen Curry, qui a révolutionné le basket moderne. Jamais le basket féminin n’avait vu une joueuse shooter, et marquer, si régulièrement à plus de huit mètres, comme le fait Caitlin Clark.
« Le sport féminin, et le basket féminin, étaient en train de prendre leur envol et nous avions besoin de quelque chose (pour exploser). Et ce quelque chose, c’est Caitlin Clark », a expliqué l’ancienne star de la ligue Sue Bird.
Si Caitlin Clark bénéficie d’un statut à part, la WNBA accueille cette année d’autres joueuses à la fois talentueuses et charismatiques, comme Angel Reese ou Kamilla Cardoso, toutes deux sélectionnées par le Chicago Sky. Toutes veulent succéder aux doubles tenantes du titre, les Las Vegas Aces d’A’ja Wilson.
Pas de pression
Samedi, pour la réception du Fever, le New York Liberty, finaliste en titre, s’attend à battre le record de spectateurs pour un match de WNBA, a indiqué le club à l’AFP. « Nous sommes partis pour augmenter de 70% nos recettes aux guichets par rapport à l’an dernier », a indiqué une porte-parole.
« Au sein des sports qui sont traditionnellement plutôt masculins », c’est-à-dire en excluant notamment des disciplines individuelles comme gymnastique ou tennis, « c’est la plus grande star féminine qu’ont aie jamais vu », ose Michael Leeds, professeur à l’université de Temple et spécialiste de l’économie du sport féminin.
La jeune femme de 1,83 m semble s’accommoder de ce vedettariat. « Je ne ressens pas la pression de devoir porter la WNBA à un niveau qu’elle n’a jamais connu », a-t-elle dit sur la chaîne ESPN. « Je pense qu’elle y va de toutes façons. »
Pour l’universitaire, la WNBA doit, pour partie, son essor à l’évolution des relations entre sexes, qui a changé progressivement le regard posé sur le sport féminin.
En outre, la ligue capitalise, depuis quelques années, sur le développement effréné de l’industrie du sport, qui bénéficie notamment de la multiplication des canaux de diffusion, avec des chaînes et des plateformes sans cesse en recherche de contenus. Pour investisseurs, diffuseurs mais surtout pour les fans, les ligues professionnelles féminines sont un paradis perdu, celui d’un sport accessible.
« Il y a un fossé qui se creuse entre fans et athlètes, chez les hommes », souligne Michael Leeds. « Jadis, un joueur de basket professionnel gagnait 4 ou 5 fois le salaire d’un Américain moyen. Aujourd’hui, c’est 100 fois. C’est impossible de se comparer. »
Selon le cabinet spécialisé, Caitlin Clark a gagné plus de 3 millions de dollars lors de sa dernière saison universitaire, uniquement grâce à des contrats publicitaires.
Mais à Indiana, son salaire, qui dépend d’une grille, ne sera que de 76.535 dollars cette année, soit à peine plus que le salaire moyen aux Etats-Unis (63.795 dollars). Dans le même temps, en NBA, aucun joueur ne gagnera cette année moins de 1,1 million de dollars pour une saison complète, 15 fois le cachet de Caitlin Clark, dont le récent passage en finale universitaire a réalisé une meilleure audience que chez les hommes, une première.
« Même si les salaires doublent ou triplent dans les années à venir », les joueuses WNBA « resteront très loin de la NBA », prévient Michael Leeds, pour qui l’enjeu, à court terme, n’est pas de rivaliser, mais de « gérer la croissance ».