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Vote de la réforme du SREL : « Plus jamais ça ! »


Les activités du Service de renseignement de l'État vont désormais être couvertes par un contrôle judiciaire et politique renforcé. (photo archives LQ)

Les députés ont voté jeudi à une large majorité la réforme du Service de renseignement de l’État (SREL). Au nom de la transparence et afin que les dysfonctionnements du passé ne se reproduisent plus.

Le projet de loi, porté par le Premier ministre, Xavier Bettel, a été débattu puis voté, jeudi, à la Chambre des députés, par 55 députés sur 60. Seuls l’ADR et déi Lénk ont voté contre la loi en question.

Dans sa volonté de faire abstraction du passé, ou plutôt de tirer les leçons du passé, le SREL va donc faire peau neuve.

La réforme votée jeudi doit permettre de mettre en place une administration qui devra, à l’avenir, fonctionner selon de nouvelles procédures et respecter davantage la protection des données personnelles des citoyens.

Le scandale lié aux dysfonctionnements du SREL a fait couler beaucoup d’encre entre 2012 et 2013  : affaires d’espionnages illégaux, accusation d’être une «police parallèle», chute du gouvernement Juncker, élections anticipées, opinion publique dégoûtée, etc.

Bref, l’État a pris la ferme décision de tirer un trait sur ce passé encombrant et les parlementaires l’ont suivi, au nom de l’État de droit qu’est le Luxembourg et au nom d’une certaine transparence qui s’impose, quand il s’agit de surveiller des citoyens à leur insu.

Réforme compliquée, nouvelles menaces

Et force est de constater que toutes les parties prenantes se sont particulièrement impliquées dans une réforme pour le moins sensible. Le président du groupe parlementaire du CSV, Claude Wiseler, a parfaitement résumé le dilemme en question  : « Toute la difficulté était de trouver le bon équilibre entre la mise en place d’un service de renseignement efficace et une protection adéquate de la sphère privée. Ce ne fut pas évident », a-t-il concédé. Les menaces terroristes ont, en effet, pris une nouvelle dimension, et les réformateurs du SREL ont forcément dû en tenir compte.

En charge du rapport du projet de loi, le lieutenant de Xavier Bettel au Parlement, Eugène Berger, en a esquissé les principaux axes, au nombre de cinq  : la réforme comprendra, dans ce sens, un renforcement du contrôle du SREL, une précision de ses missions, la description des moyens et des mesures de recherche des renseignements, une meilleure définition de l’accès, de l’échange et de la communication des renseignements, ainsi qu’une clarification des droits et devoirs des agents du SREL.

Dans ce cadre, les contrôles se multiplieront à divers niveaux. Au niveau politique, tout d’abord, où un «comité ministériel» composé de trois membres du gouvernement, dont le Premier ministre, devra définir les lignes directrices de l’action du SREL. Au niveau administratif, ensuite, la réforme prévoit qu’un haut fonctionnaire du ministère d’État, «délégué du SREL», soit en charge de la liaison entre le cabinet du Premier ministre et le Service de renseignement de l’État.

Par ailleurs, au niveau judiciaire, il sera prévu d’instaurer une commission spéciale censée se pencher sur les questions de bon droit relatives aux «méthodes intrusives», dans la vie des personnes privées. Le président de la Cour supérieure de justice en sera, entre autres, responsable. Enfin, le Parlement aura également son mot à dire, les présidents des différentes fractions devant être régulièrement informés des actions du SREL, en recevant, par exemple, le relevé des écoutes téléphoniques effectuées.

De son côté, le rapporteur Berger a encore insisté sur les «missions préventives» du nouveau SREL et évoqué les nouvelles menaces inhérentes à l’air du temps  : « Le terrorisme, l’espionnage, mais aussi l’extrémisme à « propension violente »; comprendre par cette dernière dénomination « des sectes, ou des groupes prêts à mettre en danger la sécurité de l’État ». De même, la prolifération d’armes de destruction massive, a également été évoquée.

Des garanties supplémentaires

Parmi les autres grandes nouveautés comprises dans la nouvelle loi figurent également les «lettres de mission», ayant pour but de « constituer une feuille de route pour les six mois à venir, en fonction des missions des agents du SREL », dixit Eugène Berger.

Au niveau de la sensible question de la protection des données personnelles des citoyens observés ou écoutés, le député libéral a spécifié que le mot d’ordre du SREL réformé serait «d’utiliser les moyens les moins intrusifs possibles, en se basant sur le principe de proportionnalité » entre menace potentielle d’un individu suspect et moyens d’observation ou d’écoutes de ce dernier. Les procédures d’autorisation d’un suspect devront d’ailleurs requérir l’aval du directeur du SREL (NDLR  : actuellement Doris Woltz), de la commission spéciale évoquée et du comité ministériel évoqués plus haut. Une garantie supplémentaire pour que les surveillances soient faites en toute légalité. À l’instar des écoutes téléphoniques par exemple, ou de l’intégration de mouchards ou «chevaux de Troie» dans les ordinateurs de personnes suspectes.

Enfin, Eugène Berger, a salué la volonté de moderniser le Service de renseignement de l’État, mais aussi d’insister sur l’importance des échanges et de la coopération entre les différents services secrets européens et mondiaux. « Never again! » («Plus jamais ça!»), a-t-il conclu, en faisant allusion aux différents scandales mentionnés plus haut.

Claude Damiani

Deux agents très… secrets

La loi prévoit, en outre, l’interdiction, pour tout agent du service de renseignement, «de révéler à toute personne non qualifiée pour en prendre connaissance des contacts, des renseignements, des pièces classifiées ou des informations qui ont un caractère secret de par leur nature et dont ils ont obtenu connaissance dans le cadre de leur activité au sein du SREL».

Par ailleurs, ces dispositions s’appliquent également pendant un délai de vingt ans à partir de leur départ du SREL. Enfin, il leur est interdit «pendant un délai de cinq ans à partir de leur départ du SREL» d’exploiter les contacts et les informations classifiées ou secrètes par leur nature collectés dans le cadre de son activité.