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Transports gratuits : la «peur» guette les cheminots


Exposés à de plus en plus d'agressions, les futurs ex-contrôleurs plongent dans l'inconnu. (illustration Julien Garroy)

Trop tôt, trop vite, trop d’inconnues : les syndicats Landesverband (FNCTTFEL) et Syprolux restent vent debout contre la gratuité des transports publics. «Trop de chantiers sont à achever», clament-ils.

Georges Merens est à la fois nostalgique et amer : «Je voulais aller acheter un tout dernier billet de train ce 29 février pour le publier dans notre magazine Signal. Peut-être que j’en ai trop parlé. Là, c’est peine perdue.» L’annonce par le ministre de la Mobilité, François Bausch, que la gratuité des transports publics était avancée d’un jour a pris de court le président du Landesverband.

Si cet épisode est anecdotique, ce n’est pas la première fois que le camp syndical est pris de court par le ministre. «En amont de la prise de décision, personne n’a pris contact avec les opérateurs ou les partenaires sociaux», ne décolère pas Mylène Bianchi, la présidente du Syprolux, l’autre syndicat représentant le personnel des transports publics. Même s’ils ne remettent pas en question le principe même de rendre gratuite l’utilisation des trains, des bus et du tram, le Landesverband et le Syprolux critiquent depuis plus d’un an le moment choisi. «Ce n’est pas qu’on ne veuille pas offrir la gratuité aux voyageurs. Mais il existe toute une série de raisons qui expliquent pourquoi on reste, aujourd’hui, opposés à la décision», précise Georges Merens. «Le projet n’est pas encore mûr. Cela vaut autant pour le développement de l’infrastructure que pour le passage à l’ère numérique des accompagnateurs de trains, censés mieux informer les clients», complète Mylène Bianchi.

Le ministre François Bausch a une autre vision des choses. «Je ne pense pas que les accompagnateurs vont se plaindre d’avoir désormais plus de temps à consacrer au service des voyageurs», a-t-il affirmé hier. Le camp syndical est bien plus réservé. Aussi bien le Landesverband que le Syprolux font part de «craintes» et même d’un «sentiment de peur» qui guettent les cheminots.

La question de la sécurité est mise en avant. «L’accompagnateur reste en charge de la sécurité de son train. Or, sans ticket, le client n’engage plus de contrat avec nous. L’accompagnateur n’aura plus de moyen de pression», indique Mylène Bianchi. «Réclamer une pièce d’identité n’est pas chose aisée. Même la police se voit régulièrement refuser la présentation d’une carte d’identité. De plus, le texte de loi élargissant les compétences des accompagnateurs de train n’est pas encore prêt», poursuit-elle.

Vers des guichets «open space»

Exposés à de plus en plus d’agressions, les futurs ex-contrôleurs plongent dans l’inconnu. Georges Merens voit un autre problème potentiel. «Qu’adviendra-t-il s’il est décidé de déclassifier le train ? En cas de surcharge, l’accès à la 1re classe est permis. Mais que fait-on si les clients qui continuent à payer 660 euros par an pour voyager en 1re classe se retrouvent debout dans un train bondé ?», s’interroge le président du Landesverband.

La fermeture des petits guichets reste un autre point de critique majeur. «On aura affaire à des gares fantômes», déplore Georges Merens. La seule présence d’un agent d’accueil sur le quai ne pourrait pas combler l’absence d’un véritable guichet. «Ce ne seront pas eux qui pourront vendre des billets internationaux. Le voyageur qui veut par exemple se rendre à Ostende ou Cologne, mais qui habite Ettelbruck ou Wasserbillig, devra d’abord passer par la gare de Luxembourg avant de prendre son train. La vente en ligne n’est pas une option pour tout le monde», note le président du Landesverband. Au moins, personne n’a été licencié. «La direction des CFL a été très correcte. Tous les guichetiers ont pu être recasés», admet Georges Merens. Autre petit point de satisfaction : «Un projet pilote pour mettre en place des guichets « open space » à Ettelbruck et Bettembourg est validé», fait remarquer Mylène Bianchi. «Mais ce n’est pas suffisant. Il faudra revenir à des guichets aux futurs pôles d’échange que sont Howald, Rodange et Wasserbillig. Troisvierges, en tant que gare frontière, doit aussi être dotée d’un guichet», revendique la présidente du Syprolux.

Finalement, la saturation du réseau provoque pas mal d’interrogations. «Dès qu’un train est supprimé, on ressent les répercussions sur l’ensemble de la journée. Avec 10% de passagers en plus, on va rapidement dépasser les limites du possible», estime Georges Merens. La livraison des rames supplémentaires n’est prévue qu’entre 2022 et 2024. Pour Mylène Bianchi, même 5% de voyageurs en plus risquent de faire s’écrouler le réseau. «Il n’y a plus une seule portion où il n’y a pas de chantier. Le plus grand volume d’investissement est prévu dans les cinq années à venir : la ligne TGV Bettembourg-Luxembourg, les nouvelles gares d’Ettelbruck et de Bettembourg, la modernisation de la ligne du Nord…»

Les deux syndicalistes reviennent au point de départ de leur critique : la gratuité intervient trop tôt. «L’objectif doit bien être celui de convaincre plus de personnes d’emprunter le train au lieu de la voiture. ll ne suffira pas que plus de gens décident de se balader en train le dimanche», conclut non sans ironie Georges Merens.

David Marques

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