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Trafic routier et ferroviaire au Luxembourg : le pays sature !


L'A31 bloquée par le trafic : une scène que l'on n'a pas fini de subir... (Photo : Hervé Montaigu)

Tous les axes de circulation (routiers et ferroviaires) sont saturés et les infrastructures n’évoluent pas. Au contraire, tout semble être fait pour que le trafic augmente de part et d’autre des frontières. Chaque entité de la Grande Région agit comme elle l’entend, sans aucune concertation.

À l’accroissement démographique du Luxembourg et des régions voisines s’ajoutent l’agrandissement de plates-formes logistiques et la sortie de terre d’un nombre ahurissant de surfaces commerciales. Trois facteurs qui ne peuvent qu’augmenter le trafic sur des routes et des voies ferrées atteignant déjà leurs limites de capacité. Mercredi dernier, l’Agape (agence de Développement de Lorraine-Nord adhérente à Pro-Sud) a invité des élus à se rendre compte sur le terrain qu’il est grand temps de prendre ces questions à bras-le-corps.

Dan Biancalana, bourgmestre de Dudelange et président du syndicat ProSud, le rappelait mercredi devant de nombreux élus lorrains : «Pour maintenir un niveau de prestations sociales élevé, le Luxembourg a fait le choix de soutenir une forte croissance, de l’ordre de 3 ou 4 % au moins. Or pour y parvenir, il faut créer toujours plus d’emplois et de richesse.»

Cela fait maintenant une bonne dizaine d’années que la logistique a justement été désignée comme étant une des sources de revenus supplémentaires à améliorer. La situation géographique du pays au centre de l’Europe et la présence de l’aéroport du Findel (5e européen au niveau du fret) et d’une compagnie aérienne spécialisée reconnue sur tout le globe (Cargolux, 7e compagnie de fret au monde) rendent ce choix pertinent.

Et comme au Grand-Duché, grâce à un circuit décisionnel très court, les volontés politiques peuvent rapidement se transformer en réalité de terrain, les infrastructures se déploient à grande vitesse. L’extension du pôle multimodal de Bettembourg-Dudelange (221 millions d’euros, sans compter les deux énormes grues et les aménagements routiers nécessaires à son accès) en est un exemple particulièrement frappant.

Fret : + 260 % de capacité

Sauf que le Luxembourg n’est pas le seul à avoir eu cette idée. À 30 km de la plate-forme multimodale des CFL (1 600 camions entrant par jour, à terme) se tiennent le Terminal Container d’Athus (120 camions par jour) et le port fluvial de Thionville-Illange. À 60 km se trouve également le port de Metz. Des structures qui prévoient de s’agrandir très prochainement.

L’Agape a fait le calcul : «Actuellement, leur capacité totale est de 250 000 conteneurs, explique Stéphane Godefroy. Mais une fois que tous les projets seront réalisés, on passera à 675 000, soit une augmentation de 260 %. Une véritable explosion!» Outre le fait que la question des conséquences d’une telle concurrence sur un si petit territoire ne semble jamais avoir été posée, cet accroissement du volume de marchandises transportées impliquera nécessairement une forte hausse de la circulation des poids lourds sur des axes déjà surchargés.

À cela s’ajoute l’attractivité économique du Luxembourg, qui n’est pas près de s’atténuer. «En 2015, on comptait 165 000 emplois frontaliers, dont 125 000 concernent des Français et des Belges. Sur les trois sites majeurs que sont le Ban de Gasperich, le Kirchberg et Belval, il existe déjà 61 500 places de travail», rappelle le spécialiste des questions de mobilité de l’Agape.

Les prévisions du Statec, que l’on ne peut pas taxer d’affabulateur, sont effarantes. «En 2020, l’institut prévoit 210 000 emplois frontaliers (dont 155 000 Belges et Français) et 94 600 places de travail dans les trois quartiers principaux, souligne-t-il. Et en 2035, le Statec prévoit 260 000 emplois frontaliers (dont 210 000 pour les Belges et les Français), tandis que le Ban de Gasperich, le Kirchberg et Belval accueilleront 126 000 travailleurs, soit le double d’aujourd’hui.»

Ajoutez à cela une augmentation folle des surfaces commerciales en Grande Région, qui vont prochainement passer de 790 000 m² (en 2015) à 1,3 million de m² – ce qui impactera le trafic de voitures particulières pour les clients et celui des camions pour les livraisons –, et vous aurez toutes les conditions pour créer dès demain un véritable chaos sur les routes. Et pas seulement. L’A31 (Nancy-Luxembourg) est saturée, mais les lignes de chemin de fer aussi. Si le nouveau cadencement a permis de transporter davantage de voyageurs, on est au bout de ce que l’on peut faire. Et sans aucune marge, la moindre perturbation du réseau cause systématiquement de nombreux retards.

«La réalité dépasse toujours les prévisions»

Ce qui interpelle l’Agape, c’est le manque de concertation le plus total entre les différents acteurs de la Grande Région pour tous ces projets. Chacun constate la saturation des axes de transport et chacun sait qu’ils seront, quoi qu’il arrive, de plus en plus empruntés. «Dans la situation que nous connaissons, il est aberrant de décider d’investir dans la logistique et de laisser construire de nouveaux hypermarchés sans faire évoluer les réseaux de transport», prévient Aurélien Biscaut, le directeur de l’Agape.

Et n’allez pas leur dire que les chiffres du Statec ne sont que des prévisions : «Depuis que nous existons (en 2000), la réalité dépasse toujours les prévisions. Les chiffres concernant la mobilité sont systématiquement sous-estimés», assure le directeur. Le mur est donc, semble-t-il, pour bientôt.

Erwan Nonet

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