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Soins à l’étranger : la CNS ciblée par l’Ombudsman


Les coûts liés aux séjours dans des hôpitaux étrangers peuvent constituer des casse-tête administratifs. (illustration Editpress)

Les refus de prise en charge de la part de la Caisse nationale de santé des soins effectués à l’étranger occupent beaucoup les services de l’Ombudsman. Dans son dernier rapport, les exemples sont instructifs.

La plupart des réclamations enregistrées l’année dernière par les services de la médiateure, Lydie Err, concernaient des compétences du ministère des Affaires étrangères et avaient trait en grande majorité aux demandes de protection internationale. Mais en seconde position, il y a les réclamations dirigées vers le ministère de la Sécurité sociale avec 141 dossiers (204 pour les Affaires étrangères), où les services de l’Ombudsman ont obtenu un taux de correction de 72%, contre 83,9% de moyenne générale.

Les exemples cités dans le rapport ne sont pas insolites. Au contraire, ils sont même légion, mais tous n’aboutissent pas à une réclamation. Les plus motivés des administrés se sont donc tournés vers la médiateure, sûrs de leur bon droit.

«Le refus de prise en charge par la Caisse nationale de santé de frais de transport par ambulance suscite régulièrement des réclamations», nous apprend le rapport de 2016. Il cite l’exemple de cette réclamante hospitalisée à la maternité du Centre hospitalier de Luxembourg en raison de problèmes liés à sa grossesse et qui a dû être transportée d’urgence dans une clinique universitaire allemande spécialisée à la suite d’une tension oculaire.

La prise en charge a été refusée par la CNS. Elle n’avait pas reçu de demande préalable du médecin traitant, qui doit l’introduire même en cas d’urgence, selon la CNS. «Le transport de la réclamante et son hospitalisation à l’étranger ayant été organisés par le Centre hospitalier, il était impossible à cette dernière de veiller elle-même au respect de toutes les formalités requises», note le rapport.

La médiateure conclut que «ce n’est pas aux assurés de pâtir d’un oubli ou d’une négligence de leur médecin traitant ou du personnel hospitalier» et ajoute qu’«il devrait être possible aux assurés de régulariser les formalités en cas d’oubli ou de lacunes dans les documents nécessaires pour la prise en charge d’un transport par ambulance».

Autre exemple : la prise en charge par la CNS de soins ambulatoires fournis à l’étranger. Cette dernière a été en partie refusée à un assuré soumis à un traitement dermatologique auprès d’un spécialiste à Trèves. La CNS a refusé de rembourser les frais d’analyse anatomo-pathologique ainsi que les médicaments prescrits par le médecin allemand au motif qu’au Luxembourg ces analyses sont réalisées par le Laboratoire national de santé et correspondent donc à une prestation étatique exclue du champ d’application de l’assurance maladie-maternité luxembourgeoise.

Une position discutable

En dépit d’une jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne indiquant qu’un défaut de prise en charge des frais d’analyses et d’examens de laboratoire effectués dans un autre État membre constitue une restriction à la libre prestation des services, la CNS déclare qu’elle ne s’appliquerait qu’aux analyses médicales et aux analyses de biologie clinique, et non pas aux analyses d’anatomo-pathologie. «Il ne fait pas de doute que le refus de prise en charge de ces analyses effectuées par des prestataires de services médicaux établis dans des États membres autres que le Grand-Duché de Luxembourg décourage et empêche les personnes affiliées à la sécurité sociale luxembourgeoise de se faire soigner à l’étranger pour des maladies nécessitant des analyses d’anatomo-pathologie», observe le service de l’Ombudsman qui juge la position de la CNS «discutable».

Un dernier exemple encore avec une assurée luxembourgeoise qui devait être opérée d’une tumeur cancéreuse à l’étranger. Cette fois, toutes les formalités en vue d’une autorisation de transfert à l’étranger ont été mises en œuvre. Le chirurgien étranger lui conseille une chambre individuelle qu’elle choisit finalement, car elle dispose d’une assurance complémentaire.

De retour au Luxembourg, la patiente reçoit une facture de l’hôpital mettant à sa charge des suppléments d’un montant d’environ
4 000 euros consistant pour l’essentiel en des honoraires de médecins dépassant le tarif social et à charge de la patiente. «Dans d’autres dossiers, le montant des suppléments atteignait jusqu’à 11 000 euros, précise le rapport. Le chirurgien répondit à la patiente qu’en cas de transferts de l’étranger, il serait hors de question pour lui de fournir ce traitement chirurgical pour le tarif social.»

La médiateure déclare ici qu’en l’état actuel de la législation, la CNS ne peut pas rembourser lesdits suppléments d’honoraires dépassant les tarifs sociaux. «On pourrait reprocher à l’assurée d’avoir mal lu sa déclaration d’admission à l’hôpital étranger qui contenait une clause autorisant l’hôpital et les médecins hospitaliers à facturer des suppléments en cas de choix d’une chambre individuelle.»

Sur cet exemple, la médiateure conclut que «les dispositions légales étrangères qui permettent au corps médical de facturer des suppléments par rapport aux tarifs sociaux, et qui conduisent ainsi à une médecine ‘à deux vitesses’, ont pour effet de vider de leur substance les droits des assurés consacrés par la règlementation européenne en matière de coordination des systèmes de sécurité sociale».

Geneviève Montaigu