ArcelorMittal ne voit pas l’utilité de conserver les dispositifs que sont la préretraite ajustement à 57 ans et la cellule de reclassement. Pour la direction, la crise est passée, pour les syndicats, elle guette toujours.
Après deux heures de réunion jeudi matin au ministère de l’Économie, syndicats et direction d’ArcelorMittal ont campé sur les positions qu’ils avaient annoncées en juillet dernier, alors que le gouvernement attend un accord qui doit prendre le relais de Lux2016 arrivant à échéance à la fin de l’année.
La tripartite sidérurgie n’a pas donné de résultat. On sait depuis juillet dernier que la direction n’est plus favorable au maintien de certains outils qui avaient été mis en place pour surmonter les crises successives qui ont secoué le secteur comme la préretraite ajustement et la cellule de reclassement. La direction affirme «que la sidérurgie luxembourgeoise n’est plus en état de crise et que donc un retour au droit commun serait normal et souhaitable !», s’indigne l’OGBL.
En clair, cela signifie que le chômage partiel et les plans sociaux seraient dorénavant applicables. La direction d’ArcelorMittal va plus loin en insistant sur le fait que ces personnels, susceptibles de bénéficier d’une préretraite à 57 ans, sont difficiles à remplacer, car leur expérience est encore très précieuse. Pour ceux qui occupent un travail posté, cette préretraite leur est acquise, mais pour les autres c’est différent et le plus grand site d’ArcelorMittal au Luxembourg c’est son administration.
Le sidérurgiste n’est pas enclin à lâcher un personnel compétent dont il dit avoir besoin alors qu’il peine à trouver des salariés bien formés, murmure-t-on dans les couloirs du ministère de l’Économie. «Si l’on poursuit cet accord sur les quatre prochaines années, ce sont quelque 500 personnes qui partiront à 57 ans aux frais de l’État pendant trois ans et ArcelorMittal devra embaucher des jeunes qu’elle ne trouve pas sur le marché du travail luxembourgeois. Lors de son dernier recrutement auprès de l’Adem, seuls 10% des effectifs venaient du Luxembourg», précise une source du ministère. En d’autres termes, si cette information est confirmée, ce qu’il n’a pas été possible de vérifier hier, les prochains recrutements profiteraient essentiellement aux frontaliers.
Autre souci : Bruxelles. La préretraite à charge de l’État contre une main-d’œuvre plus jeune et bien moins chère pourrait prendre l’aspect d’une aide d’État illégale, craint-on du côté du gouvernement. Quant à la cellule de reclassement, la direction souhaiterait également la fermer à terme. Ceux qui en bénéficient encore seront gardés en son sein, mais la direction estime ne plus en avoir besoin dans le futur. «Ce sont des signes positifs pour la sidérurgie qui prouvent que les efforts ont porté leurs fruits», indique un proche du dossier.
«Ces outils peuvent servir»
Les syndicats, pour leur part, «ont rappelé la situation instable qui persiste au niveau de différents sites de la sidérurgie luxembourgeoise et de son périmètre et restent convaincus qu’il est absolument nécessaire de poursuivre un accord intégrant la situation conjoncturelle instable actuelle et de définir les outils sociaux appropriés», communique l’OGBL. «La direction nous a déjà tenu des discours optimistes comme en 2008 et six mois plus tard nous avons connu une restructuration des sites de Rodange et Schifflange, relève Jean-Claude Bernardini, de l’OGBL. La préretraite ajustement et la cellule de reclassement sont des outils qui sont en place, gardons-les en cas de besoin pour cette grande administration, d’autant que le groupe se restructure au niveau mondial et la moitié des effectifs de l’administration centrale se trouve ici à Luxembourg.» Les syndicats ont en outre mis l’accent sur l’établissement d’un plan d’investissements pour tous les sites luxembourgeois, ainsi que pour le périmètre de la sidérurgie, selon le même syndicat.
Pour l’heure, c’est donc l’impasse. «Les syndicats rappellent avec insistance la qualité du modèle social luxembourgeois qui a permis de traverser les plus fortes crises de la sidérurgie tout en préservant la paix sociale», rappelle la centrale syndicale dans un communiqué.
La direction se contente de rappeler que «ces dispositifs remontent pour certains aux années 1970» et que l’on ne se trouve plus «dans le même schéma», déclare Pascal Moisy, porte-parole d’ArcelorMittal. Pour les syndicats, c’est une véritable remise en cause de «plusieurs décennies d’histoire sociale de notre sidérurgie luxembourgeoise». En juillet dernier, ils moquaient sans égard la direction qui «depuis des mois, verse des larmes de crocodile sur la crise dont souffre l’acier, sur les cycles imprévisibles du secteur ainsi que sur le peu de visibilité qu’elle aurait sur les marchés», mais «cette même direction serait subitement capable de prévoir l’évolution de l’effectif sur les quatre prochaines années»…
Les syndicats et la direction d’ArcelorMittal se rencontreront en entrevues bilatérales «afin de s’efforcer de trouver un accord pour une prochaine réunion tripartite prévue pour la deuxième quinzaine d’octobre», conclut l’OGBL. Ce sera chaud.
Geneviève Montaigu