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Service central d’assistance sociale : l’histoire d’un « scandale politique »


Le SCAS manquait cruellement d'une véritable direction, d'organisation, de définition des missions et d'effectifs, affirme Viviane Loschetter. (photo archives LQ)

Le Service central d’assistance sociale (SCAS) a été politiquement négligé pendant des décennies et «c’est scandaleux», estime Viviane Loschetter.

Le SCAS existe depuis 40 ans et n’a jamais été réformé. Un audit livré en novembre dernier et présenté mercredi aux députés démontre que plus rien ne tournait rond dans ce service qui accuse jusqu’à 800 jours de retard dans certains de ses dossiers.

La présidente de la Commission juridique, Viviane Loschetter (déi gréng) n’hésite pas à parler d’un « scandale politique », quand elle évoque l’état de quasi-délabrement du Service central d’assistance sociale (SCAS) qu’elle juge comme « un service clé de la société et de la justice ».

Mais il a souffert et souffre encore aujourd’hui, même si la nouvelle directrice, Marie-Claude Boulanger, nommée il y a un an, y met de l’organisation qui faisait tant défaut. Mercredi, les députés de la Commission juridique ont pris connaissance de l’audit réalisé de ce service du parquet général, le premier d’un service de l’administration judiciaire et qui servira de base pour réorganiser le SCAS, comme le programme gouvernemental le prévoyait.

« Ce service a été créé par Robert Krieps, alors ministre de la Justice il y a 40 ans, et il n’a jamais été réformé », nous explique Viviane Loschetter avant de résumer l’audit qui n’a fait que confirmer ce que le ministre Félix Braz avait constaté à son arrivée en parlant d’un service « amorphe ». D’ailleurs, le procureur général d’État, Martine Solovieff, a confirmé aux députés que le SCAS était « un service mort », selon la présidente de la commission.

Un ancien directeur fantôme

Le Service central d’assistance sociale manquait cruellement d’une véritable direction, d’organisation, de définition des missions et d’effectifs. Un OLAI bis? « Non, je crois que c’est encore pire que l’audit de l’OLAI », estime la députée écolo. « Ici, on parle de retard de 800  jours sur certains dossiers », précise-t-elle. Au fil des années, le SCAS avait perdu tout contact avec l’extérieur, se contentant de vivre le quotidien en interne.

L’audit a permis à chaque personnel de s’exprimer et les conclusions « ont une connotation très négative », affirme Viviane Loschetter. Le service enquête a 800 jours de retard à l’heure actuelle et manque de personnel. L’assistance éducative ne peut plus remplir ses missions comme elle le devrait et se contente de contrôles « plus ou moins bien menés », souligne la députée, qui observe dans ce service-là un manque de personnel également, donc des retards dans le suivi des dossiers.

Le service de probation ne peut plus suivre les personnes condamnées et le service des tutelles accuse 10 mois de retard en moyenne dans ses dossiers. « Le service d’aide aux victimes a 230 dossiers et ici, les besoins varient », poursuit Viviane Loschetter.

« Ce qu’on a trouvé en 2016, à l’arrivée de la nouvelles directrice, c’était 49 postes et 13 postes vacants. Nous avons surtout ressenti une démotivation assez prononcée du personnel et observé que certains sont partis mais qu’ils sont en train de revenir », affirme la présidente en précisant encore que « personne ne voulait venir y travailler ». Ambiance…

Depuis la nomination de Marie-Claude Boulanger, les choses s’arrangent doucement. La communication avec le parquet a été rétablie, des critères ont été définis et les dossiers sont répartis équitablement. « Le précédent directeur n’était jamais présent », informe la présidente.

Le manque de personnel est le plus criant. « On a besoin de 17 heures par an et par enfant pour faire de l’assistance éducative de qualité et le personnel ne dispose que de 12 heures pour le faire. Il manque cinq personnes dans ce service », explique Viviane Loschetter.

Idem pour le service de probation qui assure le suivi des condamnations. Il a besoin de 20 heures, mais il en accorde 16 par personne et devrait compter trois postes de plus. Le service des enquêtes affiche un manque de trois personnes et le service des tutelles, qui accuse 10 mois de retard dans les dossiers, aurait besoin de moyens également.

« Le procureur général d’État, Martine Solovieff, nous a confirmé que les tribunaux ont besoin d’un avis neutre fait par le SCAS et le tribunal se base sur ce rapport. Mais s’il doit attendre 800 jours pour faire cette enquête, ce n’est pas digne d’une justice comme la nôtre », observe la présidente de la commission.

« Il faudrait 66  personnes au SCAS, mais il s’agit de psychologues et d’assistants sociaux qui doivent suivre le processus de fonctionnariat. Il faudra engager du personnel pour d’abord rattraper le retard et ça ne se fera pas en deux mois. Ils vont mettre jusqu’à deux ans pour engager le personnel, car il faut l’assimiler », prédit Viviane Loschetter.

« C’est un service clé qui s’occupe le plus tôt possible des jeunes, dès qu’une sonnette d’alarme retentit. Ce que l’on va investir ici ne sera pas investi dans des grands moyens pour réparer la casse plus tard », conclut la présidente.

Après cet audit, la voie est libre pour un projet de loi sur la protection de la jeunesse, dès cette année, selon la députée écolo.

Geneviève Montaigu