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Sécheresse : le pire a été évité au Luxembourg


Grâce aux dispositifs d'arrosage, la récolte n'a, fort heureusement pour les producteurs, pas souffert de la sécheresse. (illustration Didier Sylvestre)

Si la situation est moins grave au Luxembourg que dans d’autres pays européens, chaque jour sans pluie aggrave les conditions de production des maraîchers luxembourgeois. Niki et Claude Kirsch, maraîchers de père en fils, expliquent pourquoi.

Les pommes de terre seront plus petites cette année, c’est certain ! Mais est-ce qu’elles seront plus chères et est-ce que le producteur en retirera plus d’argent, là est la question. Mettons que le bénéfice par hectare soit réduit de 25 à 30% à cause de la sécheresse et que le producteur reçoive 1 à 2% de plus sur sa marchandise, il n’y gagne pas. Il est faux de croire que les producteurs en sortent gagnants», démarre Niki Kirsch, le patriarche, avant d’étayer son propos.

Au Luxembourg, seuls 2% des fruits et légumes consommés ne sont pas issus de l’importation. Donc même si la sécheresse s’était avérée catastrophique pour les récoltes, les Luxembourgeois ne se seraient pas nécessairement rendus compte de ses effets dans leurs assiettes. Par contre, dans leur porte-monnaie, c’est une autre histoire.

Il ne reste plus qu’une douzaine de maraîchers au Grand-Duché, dont l’entreprise familiale Kirsch qui produit des herbes aromatiques et légumes «100% made in Luxembourg». Pour préserver leurs cultures de la chaleur, les Kirsch les ont arrosées, comme font la plupart de leurs collègues. Mais s’ils en ont la possibilité matérielle, arroser a un coût. «Nous payons encore beaucoup trop cher l’eau que nous utilisons», regrette Niki Kirsch, «En Rhénanie-Palatinat, le mètre cube d’eau coûte 30 cents d’euro. Ici, il coûte de 1,25 à 4 euros en fonction de la commune.» S’y ajoute la taxe de rejet des eaux usées.

Pas question de faire payer les clients

Pour économiser sur le prix de l’eau, la famille Kirsch a construit son propre bassin de collecte d’eau de pluie de 3 000 m3. L’eau recueillie sert à alimenter le système d’arrosage. Mais alors que d’ordinaire le bassin doit être rempli une à deux fois par été avec de l’eau issue du réseau communal, cet été, les Kirsch ont dû le remplir six fois. «Il s’agit d’une dépense supplémentaire pour cette année. Même si nous augmentions le prix de nos salades de quelques pour cent, nous devrions en vendre beaucoup pour rentrer dans nos frais», explique le patriarche. Il n’a pas suffisamment plu pour remplir le bassin une deuxième fois.

Et pas question de faire sentir ces frais imprévus aux clients. «Nous devons nous adapter aux tarifs pratiqués par les supermarchés. Si nous augmentons les prix de nos marchandises, les clients n’achèteront plus chez les maraîchers puisqu’ils trouveront moins cher ailleurs», poursuit Niki Kirsch. Et si c’est moins cher ailleurs, c’est parce que «plus on descend dans le sud de l’Europe, moins la main-d’œuvre est chère». «La marchandise a toujours le même prix du point de vue de la production d’un pays à l’autre, mais les coûts de production sont beaucoup plus bas que ce que nous payons au Luxembourg, précise Claude Kirsch. Cette différence devrait se retrouver dans le prix de vente.»

Grâce aux dispositifs d’arrosage, la récolte n’a, fort heureusement pour les producteurs, pas souffert de la sécheresse. Fort heureusement car, si les maraîchers sont assurés contre la grêle, les fortes pluies, le gel ou encore les grêlons, ils ne le sont pas contre la sécheresse. «L’assurance n’intervient pas en cas de sécheresse, si les plantations concernées pouvaient être arrosées», précise Niki Kirsch. L’État prend 60% du tarif de l’assurance à sa charge. «Il serait plutôt culotté de ne pas s’assurer et d’aller réclamer des aides de l’État ensuite», sourit Niki Kirsch.

Les fruits : petits, mais sucrés

Pour ce qui est des fruits, les Kirsch n’en produisent pas, mais en tant que président du Lëtzebuerger Maarteverband (le syndicat des commerçants des marchés), Niki Kirsch est en contact avec les producteurs de fruits : «La récolte sera bonne cette année, même si les fruits seront plus petits.» Un défaut de taille, selon les critères de l’Union européenne, mais les rejeter serait une faute de goût : «Ils sont beaucoup plus sucrés et goûteux.»

«À la vente, les petits fruits sont synonymes de petits prix. Les gens veulent des gros fruits, de grosses cerises, de grosses pommes, de grosses mirabelles…», indique notre maraîcher. Le client est habitué aux fruits calibrés par Bruxelles. «Tout ce qui n’entre pas dans les calibrages fixés par l’Union européenne est bon pour la poubelle.» Une courgette trop grande ou malformée ne peut être vendue, par exemple. Sur une récolte, 15 à 20% sont invendables. La chaleur n’arrange rien. Les Kirsch, pourtant, ne se rendent pas. Quand ils ne parviennent pas à les vendre sur les marchés, ils les donnent au Cent Buttek, des épiceries solidaires. Rien n’est jeté.

Donc la récolte de fruits et légumes l’a échappé belle grâce aux efforts fournis par les maraîchers. Même si leur contribution au marché luxembourgeois est minime, ils œuvrent pour garantir des produits de qualité à leurs clients et maintenir un savoir-faire.

Sophie Kieffer

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