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Romain Wolff : « Tout cela n’est pas trop sérieux »


(Photo : François Aussems)

C’est ce que prétend le secrétaire général de la CGFP, Romain Wolff, en évoquant la réforme fiscale qui devrait entrer en vigueur en janvier 2017.

La Confédération générale de la fonction publique (CGFP) s’attend à une année 2016 bien chargée avec la présentation de son catalogue de revendications relatives au prochain accord salarial mais aussi et surtout avec le dialogue autour de la réforme fiscale. Le syndicat de la fonction publique donne le ton.

Il y a six mois la CGFP affichait son mécontentement et dénonçait un saucissonnage des acquis sociaux dans la fonction publique. Vous aviez même menacé le bon déroulement de la présidence luxembourgeoise du Conseil de l’Union européenne. Elle a été couronnée de succès au final. Vous bluffiez?

Romain Wolff : (Sourire) Nous ne voulions pas saboter la présidence, c’est clair! Au contraire, nous préférions de loin que les choses se passent bien. C’est bien pour le pays et pour notre fonction publique. Mais la présidence s’est déroulée avec les moyens habituels, c’est-à-dire peu de fonctionnaires, peu d’employés, en comparaison avec les moyens des autres pays membres qui ont à leur disposition un grand staff pour mener à bien une présidence du Conseil de l’Union européenne. Elle s’est bien terminée et c’est un grand exploit en considérant les gros dossiers problématiques que le Luxembourg a eu à gérer, comme la crise en Ukraine, l’évolution des finances grecques, les flux migratoires ainsi que les actes terroristes. Pour avoir participé à quelques colloques et séminaires pendant la présidence, je connais l’important travail de préparation et je sais ce que cela représente. Le ministre qui m’a beaucoup impressionné pendant cette présidence a été Jean Asselborn, le ministre des Affaires étrangères, qui a fait un très bon travail, tout comme tous les agents de l’État qui ont contribué au bon déroulement de la présidence luxembourgeoise.

La crise des réfugiés a été très bien gérée par le gouvernement luxembourgeois et la ministre de tutelle Corinne Cahen en a été félicitée…

Beaucoup de gens issus de la fonction publique ont contribué à trouver des solutions au problème des réfugiés, car il fallait des réactions rapides et efficaces. Ils se sont engagés pour cette cause, mais beaucoup d’autres, au-delà de la fonction publique, ont également apporté leur aide qu’on ne peut qu’apprécier. Il faut voir la suite maintenant.

Le président fédéral de la CGFP, Emile Haag, a appelé de ses vœux le retour du dialogue social, de la tripartite. Y croyez-vous encore?

Il n’est pas seulement nécessaire de dialoguer, mais encore faut-il un dialogue social digne de ce nom et un gouvernement qui se déclare prêt à prendre en compte, dans ses conclusions, les préoccupations des partenaires sociaux. Ce gouvernement peut donc encore améliorer ce dialogue social. Nous allons nous retrouver tous ensemble à la fin du mois de janvier dans le cadre du semestre européen, mais le grand test de la tripartite aura lieu seulement lors des discussions relatives à la réforme fiscale. À l’heure actuelle, nous n’entendons quasiment rien sur le sujet, si ce n’est le ministre des Finances, Pierre Gramegna, qui a évoqué quelques pistes envisageables dans les médias. Si on veut présenter au vote à la Chambre des députés une réforme avant le 1er janvier 2017, il faut que les partenaires sociaux se retrouvent très rapidement autour de la table des négociations, car on ne mène pas à bon port une réforme de cette envergure en six mois!

Craignez-vous que la tripartite vous mette devant un fait accompli? Une réformette?

Je n’ai aucun doute sur le fait que le gouvernement travaille sur le dossier. Mais je n’entends parler que de l’imposition des collectivités. Même là, c’est encore flou. Si le gouvernement envisage de ramener le taux nominal de 21 % à 17 % ou à 15 % sans élargir la base imposable des entreprises, il y aura un problème. Et s’il refuse d’élargir cette base imposable et fait payer ce choix aux personnes physiques, surtout aux classes moyennes, nous nous y opposerons fermement. Nous trouverons des alliés pour faire front commun et mener des actions syndicales, si nécessaire.

Le gouvernement a-t-il les moyens suffisants pour mener une grande réforme fiscale?

Le ministre des Finances a annoncé lui-même que les moyens sont très limités. Mais avant la réforme, on voit déjà l’introduction de l’impôt de 0,5 % supporté exclusivement par les personnes physiques, on voit la hausse de la TVA supportée principalement par les personnes physiques, on voit aussi cette loi votée à la Chambre des députés à la dernière minute avant Noël en faveur des multinationales, et après on vient nous dire que les moyens financiers manqueraient pour faire une grande réforme. Tout cela n’est pas trop sérieux!

Les lois fiscales allemandes vieilles de 70 ans et toujours en vigueur au Luxembourg vous font dire que le pays a du mal à s’en émanciper. Pourquoi selon vous?

Aucune idée! Mais lorsqu’on veut mener une réforme en profondeur, il faudrait tout d’abord se débarrasser des lois fiscales introduites par l’occupant allemand au début des années 1940 et maintenues en vigueur au lendemain de la Libération en octobre 1944.

L’application de la réforme dans la fonction publique vous pose encore des soucis…

Nous le savions bien. La loi a été votée le 25 mars dernier et elle est entrée en vigueur le 1er octobre et nous observons que certaines mesures posent des problèmes dans leurs applications pour certaines administrations moins bien préparées. Malheureusement, il y a aussi des établissements publics qui refusent d’appliquer certaines dispositions en faveur de leurs agents comme les avancements automatiques par exemple et je nommerai plus particulièrement la BCEE (NDLR : la Banque et Caisse d’épargne de l’État). La CGFP a des attentes concrètes : lorsqu’on a signé un accord avec le gouvernement, ce gouvernement doit veiller à ce qu’il soit respecté dans tous les domaines de la fonction publique. On verra très vite ce qu’il en sera, car nous allons rencontrer très prochainement le ministre de la Fonction publique, Dan Kersch, pour lui présenter notre catalogue de revendications relatif au prochain accord salarial. À cette occasion, nous allons également évoquer les mesures contenues dans la réforme de la fonction publique et qui sont difficiles à mettre en œuvre. Pour ne citer qu’un exemple : mener des entretiens individuels (« Mitarbeitergespräche ») d’une heure et demie avec chaque agent dans une administration qui en compte 300, c’est une grosse perte de temps pour les deux parties.

Entretien avec notre journaliste Geneviève Montaigu

Retrouvez l’intégralité de l’interview du lundi dans Le Quotidien papier de ce lundi

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