La Commission consultative des droits de l’homme ne comprend pas la pertinence de certaines restrictions anti-Covid. Manque de données et de clarté.
Par manque de temps, la Commission consultative des droits de l’homme (CCDH) ne peut que survoler les nouvelles mesures de lutte contre la pandémie, contenues dans le projet de loi que les députés devaient approuver mercredi après-midi, et elle le regrette vivement. Cette urgence l’empêche de livrer «une analyse plus profonde des nouvelles restrictions».
Elle parvient néanmoins à émettre quelques critiques ayant trait aux manques d’informations et de données chiffrées qui permettraient de mieux évaluer la nécessité de prendre «des graves mesures». L’introduction d’un couvre-feu malmène le droit fondamental de la liberté de circulation et les auteurs de l’avis ont du mal à comprendre cette nouvelle disposition. «Faute de données statistiques et scientifiques sur les lieux et contacts d’infection spécifiquement en lien avec les activités nocturnes, la CCDH n’est pas en mesure d’évaluer la nécessité et la proportionnalité d’une telle mesure», écrit-elle. Les exceptions sont les bienvenues, mais le gouvernement devrait préciser ce qu’il entend par «activités professionnelles» pour autoriser les personnes à se déplacer entre 23h et 6h.
Qu’est-ce qu’un «bref déplacement» ?
Le gouvernement s’est montré plus large que ses voisins en instaurant un couvre-feu à partir de 23h seulement mais il faudra mesurer son impact avant de décider de prolonger cette mesure au-delà du 30 novembre, prévient la CCDH.
D’ailleurs, vu le montant de l’amende (de 100 à 500 euros), le gouvernement a tout intérêt à soigner son texte. Si des déplacements sont tolérés vers ou depuis une gare ou un aéroport dans le cadre d’un voyage à l’étranger, est-ce également valable pour la personne qui a conduit le voyageur ? Et pourquoi cibler les voyages à l’étranger ? Pourquoi encore, autoriser les seuls propriétaires d’animaux domestiques à effectuer de brefs déplacements dans un rayon d’un kilomètre du domicile ? Qu’est-ce qu’un «bref déplacement» ou encore un «cas de force majeure» qui autorisent à violer le couvre-feu ? La CCDH n’a pas de réponses à ses questions.
Elle s’interroge encore sur la réduction de l’accès aux commerces d’une surface de vente égale ou supérieure à 400 mètres carrés où la règle sera désormais un client par 10 m2. Pourquoi cette mesure ne s’applique-t-elle pas à toute exploitation commerciale accessible au public? La CCDH recommande au gouvernement de fournir des explications supplémentaires à cet égard.
Infecté mais apte à travailler ?
Au chapitre des rassemblements privés limités à quatre personnes extérieures au ménage et à cent personnes pour les événements publics, la CCDH rappelle l’importance du droit de manifester «qui doit être garanti en toutes circonstances». Le gouvernement s’est rattrapé dans un amendement de dernière minute précisant que cette interdiction ne s’appliquera pas à la liberté de manifester. Mais personne ne battra le pavé entre 23h et 6h, ce qui chagrine les auteurs de l’avis. Ils ne comprennent pas non plus pourquoi les marchés hebdomadaires sont explicitement exclus de l’obligation de distanciation physique et de la limitation à 100 personnes pour les rassemblements, compte tenu de la situation sanitaire actuelle et de la justification avancée par le gouvernement pour introduire de nouvelles mesures restrictives. La CCDH demande des explications supplémentaires.
Même observation pour les activités sportives, dont certaines sont autorisées et pas d’autres. Quant aux exceptions au port du masque, le gouvernement devra préciser sa copie aussi et plus précisément en ce qui concerne les pratiques dans les milieux culturel et parascolaire.
En ce qui concerne les autorisations de sortie pour les personnes infectées, la CCDH souligne que «toute décision relative à une interdiction ou à une autorisation de sortie doit être basée sur les droits humains et les besoins spécifiques de tout un chacun». Faisant référence aux mises en quarantaine partielles du personnel enseignant, elle exhorte le gouvernement à veiller à ce que la possibilité du directeur de la Santé d’accorder des autorisations de sortie ne soit pas exclusivement utilisée pour satisfaire aux besoins organisationnels de certains employeurs publics ou privés. Est-ce que les personnes infectées ou à haut risque d’être infectées peuvent être forcées de continuer à travailler ou de fréquenter l’école ? La CCDH se pose la question.
Geneviève Montaigu