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Racisme : manifester pour «mettre en lumière ce qui se passe au Luxembourg»


Des manifestions solidaires envers George Floyd et visant à dénoncer les violences policières se sont multipliées à travers le monde, comme ici, à Stockholm mercredi. (photo AFP)

Lëtz Rise Up appelle au rassemblement vendredi à 14h devant l’ambassade des États-Unis pour marquer sa solidarité avec George Floyd, mais aussi mettre en lumière le racisme structurel qui sévit au Luxembourg.

« C’est le mort de trop, la goutte d’eau qui fait déborder le vase. » C’est en ces termes que Sandrine Gashonga, fondatrice et présidente de l’association féministe et antiraciste Lëtz Rise Up, s’insurge contre le meurtre de George Floyd, cet Afro-américain mort le 25 mai dernier étouffé sous le genou d’un policier blanc dans la ville de Minneapolis. Un énième homicide qui témoigne du racisme toujours prégnant dans la société américaine et qui a provoqué l’embrasement de nombreuses villes outre-Atlantique.

Mais la vague d’indignation suscitée par cette affaire a largement dépassé les frontières américaines et les manifestations en hommage à George Floyd dénonçant le racisme et les violences policières se multiplient depuis quelques jours à travers le monde, sous le slogan «Black live matters» (la vie des Noirs compte), du nom du mouvement né en 2013 à la suite de l’acquittement du meurtrier (blanc) d’un jeune afro-américain de 17 ans, Tayvon Martin.

Paris, Berlin, Londres, Dublin, Auckland, Toronto et d’autres villes encore se sont déjà mobilisées. Vendredi, Luxembourg ne sera pas en reste : afin de témoigner de la solidarité du pays envers George Floyd, Lëtz Rise Up invite à un rassemblement devant l’ambassade des États-Unis. Tout un chacun est le bienvenu : individus, organisations, associations, collectifs, partis politiques, personnalités… Une démarche qui fait sens au Grand-Duché, même si l’affaire s’est déroulée aux États-Unis, comme l’explique Sandrine Gashonga : « Les rassemblements internationaux qui ont eu lieu ont participé à mettre la pression sur les autorités américaines : on est passé d’une démission à l’inculpation du meurtrier de George Floyd. La solidarité internationale peut faire bouger les lignes là-bas. » Le policier Dereck Chauvin a en effet d’abord été suspendu puis renvoyé avant d’être inculpé pour meurtre au troisième degré vendredi.

Racisme structurel

Mais ce rassemblement est aussi et surtout l’occasion de « mettre en lumière ce qui se passe au Luxembourg », poursuit la présidente de Lëtz Rise Up : « Les violences policières que les Afro-américains connaissent aux États-Unis sont la manifestation du racisme structurel. Et ce racisme structurel qui discrimine les personnes noires est aussi visible en Europe et notamment au Luxembourg. Ici, nous avons la chance de ne pas avoir de cas de morts des suites des violences policières, mais le racisme structurel, comme son nom l’indique, structure la société et il existe bel et bien dans tous les domaines : éducation, emploi, santé… » Sandrine Gashonga cite à cet égard l’exemple des élèves cap-verdiens, « orientés systématiquement vers le technique en dépit de leurs compétences » et des discriminations avérées à l’embauche des personnes noires. Sans oublier le profilage racial, une réalité dans de nombreux pays, où le seul fait d’être de couleur vous expose à davantage de contrôles de la part des autorités (notamment de la police).

Une étude menée par l’Agence des droits fondamentaux en Europe et publiée en 2018, «Being Black in the EU» (Être noir en Europe), a d’ailleurs montré que le Luxembourg faisait partie des pays où les discriminations racistes étaient les plus fréquentes.

Des résultats jugés «alarmants» par le député Dan Biancalana (LSAP) qui a adressé il y a quelques mois une question parlementaire à la ministre de l’Intégration, Corinne Cahen. « Elle est restée vague et a jugé cette étude peu représentative. Une manière de la minimiser», déplore Sandrine Gashonga, qui rappelle en outre que le Luxembourg n’a toujours pas transposé à l’échelle nationale la résolution adoptée par le Parlement européen en mars 2019 ainsi que la proclamation «Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine (2015-2024)» des Nations unies, textes qui visent à reconnaître, dénoncer et lutter contre le racisme et les discriminations dont sont victimes les Afro-descendants.

Déi Lénk a d’ailleurs interpellé le gouvernement via une question parlementaire à ce sujet en janvier dernier. « Là encore, la réponse de l’exécutif est insatisfaisante », dénonce Sandrine Gashonga. « Rien n’est fait sous prétexte de « ne pas favoriser une catégorie de population plutôt qu’une autre ». En fait, c’est parce que cela demande de mettre en place des mesures très importantes, mais aussi et surtout de prendre conscience des privilèges dont jouissent certaines catégories de la population, privilèges que d’autres n’ont pas. Je pense que cette prise de conscience n’est pas encore là. Le Luxembourg n’est pas le seul, c’est aussi le cas en Belgique ou en France par exemple. Seuls les Pays-Bas semblent avancer dans ce sens, qui ont reconnu l’existence du racisme systémique. »

Tatiana Salvan

Rassemblement prévu devant l’ambassade des États-Unis, 22 boulevard Servais à Luxembourg. Port du masque obligatoire et respect des distanciations sociales demandés.