Malgré le caractère non contraignant du document, l’ADR n’a pas souhaité signer un accord contre les abus sur les médias sociaux dans le cadre de la campagne pour les élections communales d’octobre prochain.
Propos haineux et fausses informations enflammant la toile, bots informatiques permettant de manipuler l’opinion publique… Les nouvelles menaces pour les démocraties libérales émanant du web sont insidieuses. Elles pervertissent le droit à la libre expression, fondement de nos sociétés, et tirent profit de la capacité qu’a l’homme de se laisser tromper. Et ce n’est pas un hasard si cet art est pratiqué avec prédilection par les services secrets du monde entier.
Que l’ADR, qui a refusé vendredi de signer un accord non contraignant contre les abus sur les médias sociaux, ait récemment accueilli dans ses rangs André Kemmer, ex-membre du Service de renseignement de l’État (SRE) impliqué dans l’affaire des écoutes qui a provoqué la démission de Jean-Claude Juncker et les élections anticipées de 2013, est une chose. Et qui ajoute une touche d’ambiguïté à l’image d’un parti actuellement impliqué dans une autre affaire d’écoute illégale, dont son député Gast Gibéryen aurait eu vent avant les membres de la commission de Contrôle parlementaire…
Une campagne «équitable et objective»
Ce qui intrigue beaucoup plus, c’est que l’ADR, un mois après l’exclusion de Joe Thein, conseiller communal de Pétange (ayant approuvé un post sur Facebook appelant indirectement au meurtre du ministère des Affaires étrangères), refuse de signer un accord condamnant, entre autres, toute forme de discours haineux (hate speech) sur internet. Un accord par lequel l’ADR aurait pris un engagement public, mais certainement pas contraignant.
Les notions de propos haineux et de fausses nouvelles seraient «difficiles à définir» , s’est justifié, vendredi, Alex Penning. Et puis, à qui reviendra-t-il d’en «juger» au cours d’une élection? Avec «quelle sanction» ? s’interrogeait encore le secrétaire général de l’ADR, qui, dans les colonnes du Land de vendredi, estimait que la récente affaire d’écoute illégale «ne se laissera pas simplement balayer sous le tapis» . Quelques jours plus tôt, André Kemmer, dans le magazine Luxuriant, avait émis l’hypothèse que le SRE pourrait faire en sorte que «beaucoup d’informations pas claires» fuitent…
L’accord contre les abus dans les médias sociaux n’aura toutefois été qu’un accord complémentaire à côté d’un autre plus large signé vendredi par les principaux partis, y compris l’ADR, et à travers lequel ils s’engagent à mener une campagne électorale «équitable et objective».
C’est la première fois qu’un tel accord est signé à la veille d’élections communales, mais il n’a pas été signé par tous. Par communiqué, déi Lénk avait fait savoir qu’il ne souhaitait pas faire partie d’un accord et d’un processus «dont le seul but est de tromper le corps électoral». Que dit l’accord en question ? Que les partis signataires «renoncent» à, entre autres, toute forme de «dénigrement et insulte», «allégations susceptibles de dénigrer les autres partis» ou actions visant à «déranger» les rassemblements des autres partis. Il fixe encore au lundi 11 septembre le début officiel de la campagne électorale et engage chaque parti à ne pas dépenser plus de 75 000 euros en moyenne. Par ailleurs, il limite le nombre de grandes affiches (150 x 200 cm) à 100 et interdit d’apposer des affiches dans les transports publics.
Déi Lénk, après avoir participé à l’élaboration de l’accord, a donc décidé de ne pas le signer : «La limitation des dépenses n’est qu’un leurre pour envahir, à travers la campagne, télé, radio et internet», constate le parti, qui regrette que l’évacuation de la question sur «la limitation des gadgets électoraux et du budget global». En effet, pour des partis comme déi Lénk, les pirates ou le KPL, le budget n’est pas le même. Cet accord ne rendra donc pas la campagne plus «démocratique», estime déi Lénk, selon lequel il feint «de prendre au sérieux le malaise des gens face à la bataille de matériel» à venir, et ce «afin de pouvoir la légitimer».
Frédéric Braun