Une vingtaine de juristes, journalistes, activistes des droits de l’homme vont constituer, vendredi, un comité de solidarité à Antoine Deltour, lanceur d’alerte à l’origine de l’affaire LuxLeaks.
La réunion aura lieu le 1er avril et ce n’est pas une blague. Sinon mauvaise, comparable au renvoi d’Antoine Deltour et du journaliste Édouard Perrin devant la justice. Le procès s’ouvre le 26 avril et la solidarité s’organise.
Dans moins d’un mois, l’ex-auditeur de PwC Antoine Deltour, reconverti en lanceur d’alerte, devrait être assis sur le banc des prévenus à Luxembourg où doit s’ouvrir son procès consécutif à l’affaire LuxLeaks. À ses côtés, deux autres prévenus, le journaliste français Édouard Perrin et un autre employé de la firme d’audit dont le nom est toujours tenu secret, mais qui avait, comme Antoine Deltour, fourni des informations sur les rescrits fiscaux.
Lire aussi : LuxLeaks vu par Antoine Deltour
À Luxembourg, un comité de solidarité s’organise pour défendre ces «Robin des Bois» de la finance, ces lanceurs d’alerte qui subiront quand même cinq jours d’audience du 26 avril au 4 mai. Antoine Deltour doit répondre de vol domestique, d’accès ou de maintien frauduleux dans un système informatique, de divulgation de secrets d’affaires, de violation de secret professionnel et de blanchiment-détention des documents soustraits, selon le communiqué de l’administration judiciaire qui annonçait le procès.
Scandaleux, estiment ses soutiens au Luxembourg, parmi lesquels Justin Turpel, ancien député de déi Lénk, est aux premiers rangs. Ces «activistes défenseurs des droits de l’homme, journalistes et juristes» vont constituer le comité de solidarité vendredi 1er avril à 12 h 15 au casino syndical de Bonnevoie. Non, ce n’est pas un poisson d’avril mais peut-être faut-il le prendre comme un pied-de-nez, une mauvaise blague, certainement comparable, dans leur esprit, au renvoi du lanceur d’alerte devant la justice.
La pratique formalisée
«J’ai dénoncé des pratiques qui, jusqu’à ce jour, sont légales mais de plus en plus considérées comme contraires à l’éthique. J’ai du mal à imaginer que je puisse être condamné pour l’exemple. Mon action va dans le sens de l’histoire, initiée par d’autres lanceurs d’alerte ou des ONG. Je n’ai jamais demandé de contrepartie. PWC est partie civile, mais, dans leur mentalité, ils ont du mal à comprendre le caractère désintéressé de ma démarche», expliquait Antoine Deltour au journal Libération le 14 décembre 2014.
Pour la vingtaine de signataires de cet appel, Antoine Deltour a mis en lumière «l’échelle industrielle du système de planification fiscale agressive» et que «les répercussions de ces révélations sont immenses.»
Lire aussi : LuxLeaks : naissance d’un collectif luxembourgeois pour l’équité fiscale
Au Grand-Duché, les rulings fiscaux n’ont pas disparu, le service a même été renforcé à l’administration des Contributions directes et ces pratiques, finalement dotées d’un cadre légal clair en décembre 2014. Commentaire du ministère des Finances : «Le système modernisé reflète et formalise la pratique existante, tout en permettant d’améliorer le dialogue entre l’administration et le contribuable et d’assurer la sécurité juridique dans les affaires économiques internationales». On est loin des «immenses avancées» et de l’équité fiscale que défendent Antoine Deltour et le journaliste Édouard Perrin.
Ce dernier est accusé d’avoir manipulé un autre employé de PwC pour son enquête journalistique. Il doit répondre comme coauteur ou complice des infractions de divulgation de secrets d’affaires et de violation de secret professionnel et, comme auteur, de l’infraction de blanchiment-détention des seuls documents soustraits par le second collaborateur, précisait l’administration judiciaire.
Nos précédents articles sur l’affaire LuxLeaks
Pour le comité de solidarité qui s’organise à Luxembourg, ces prévenus-là sont des héros. En parlant d’Antoine Deltour, il constate que «son acte civique s’inscrit dans un large mouvement animé de nombreux citoyens, de personnalités politiques de tous bords, d’artistes, d’universitaires, de dirigeants de PME, d’autres lanceurs d’alerte, de syndicats, d’ONG, de journalistes, et même d’institutions internationales, tous déterminés à agir contre l’opacité de la finance offshore et pour davantage de justice fiscale».
Quant à Édouard Perrin, «le journaliste a effectué un travail légitime d’information auquel les citoyens ont droit», estime le comité pour qui «ces poursuites judiciaires vont à l’encontre des principes basiques de la liberté de la presse, le secret des sources ainsi que le droit d’enquêter».
Geneviève Montaigu