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La fin du roaming attendra


« Je suis choquée de voir comment le lobbying des opérateurs a eu raison des gouvernements. » L’ancienne commissaire européenne Viviane Reding s’emporte alors que la disparition du roaming est remise en cause.

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« Je rappelle que nous sommes, au Luxembourg, les citoyens les plus concernés par ce problème de roaming », souligne une Viviane Reding qui s’est fortement engagée pour la fin du roaming au niveau de l’UE. (Photos : AP/archives Le Quotidien)

Elle a bataillé ferme quand elle était membre de la Commission européenne en charge de la Société de l’information et des Médias pour imposer le règlement « Roaming » aux opérateurs de réseaux mobiles qui fixe des plafonds tarifaires pour les appels à l’étranger. Le 3 octobre 2007, trois mois après l’entrée en vigueur du règlement, Viviane Reding avait dressé un premier bilan positif, lors d’une conférence de presse à Luxembourg, au cours de laquelle elle déclarait que « le marché intérieur des télécommunications (était) à portée de main » et que « les citoyens (avaient) fait valoir leurs droits ».

Mais hier, c’est une Viviane Reding remontée comme un coucou qui s’est exprimée sur Twitter, scandalisée par le fait que le Conseil des ministres songe très sérieusement à remettre en cause la date d’application de la fin du roaming en Europe. « Le roaming devait disparaître le 15 décembre 2015 et voilà que le Conseil, sous présidence lettone, veut reporter cette date à 2018 ! Je suis furieuse », lâche Viviane Reding, jointe par téléphone.

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(Source : Twitter)

Elle se souvient de l’âpre bagarre qu’elle a dû livrer pour tenir tête aux tout puissants opérateurs de téléphonie mobile. « Nous avons réussi à bloquer le lobbying pendant des années. Leurs tentatives de mettre les députés européens sous pression avaient échoué, et maintenant, ils ont réussi à faire changer d’avis les ministres de pas mal de pays », s’offusque l’ancienne commissaire et actuelle eurodéputée du CSV.

« Le Parlement européen avait pourtant suivi la Commission et, au 15 décembre 2015, le roaming devait disparaître », insiste Viviane Reding. Que s’est-il passé alors ? « Le Conseil des ministres propose de réétudier la question pendant trois ans. Pour que la réglementation de 2013 soit mise en pratique, il faut un accord entre le Parlement et le Conseil des ministres. Ce dernier nous lâche. Les perdants sont les consommateurs et les gagnants sont les opérateurs », se plaint-elle.

> Bettel reste muet

Le problème du roaming est particulièrement présent au Luxembourg comme dans tous les petits pays où les citoyens ont coutume de traverser fréquemment leurs frontières. « Quelle est la position du gouvernement luxembourgeois dans cette affaire. Est-il d’accord pour accorder un délai de trois ans supplémentaires aux opérateurs ? », interroge Viviane Reding.

Malheureusement, du côté du gouvernement, personne ne pouvait nous répondre hier soir. Il semblerait que le ministre des Médias et des Communications qui n’est autre que le Premier ministre, Xavier Bettel, ne se soit pas rendu à ce dernier Conseil, retenu par d’autres obligations.

« Si j’avais laissé faire en 2007, les coûts de roaming seraient supérieurs de 70 % à ce qu’ils sont aujourd’hui », rappelle Viviane Reding. « On avait réussi à convaincre le Conseil des ministres, mais il semblerait qu’il tombe sous la férule des opérateurs qui mettent en route leur puissant lobbying », observe-t-elle. Selon ses informations, seuls Malte et Chypre se seraient opposés à ce report. Même si aucun vote n’est intervenu lors de ce dernier Conseil, il sera à l’ordre du jour du prochain rendez-vous des ministres de tutelle.

« Je rappelle que nous sommes, au Luxembourg, les citoyens les plus concernés par ce problème de roaming par rapport aux Français qui quittent beaucoup moins souvent le territoire national, sauf en ce qui concerne les frontaliers », souligne l’ancienne commissaire. Elle estime que « tout cela a une conséquence qui est le roaming internet ».

Selon l’agence Reuters qui a eu accès à un document de travail, la proposition de la Lettonie, aujourd’hui à la tête de l’Union, offre aux opérateurs la possibilité de proposer à leurs clients une « allocation de base pour l’itinérance » sans pour autant préciser le volume de consommation autorisée.

La proposition de la présidence lituanienne sera discutée la semaine prochaine par le Conseil européen. Le texte devra revenir au Parlement européen et à la Commission et il risque d’y avoir de nouvelles batailles en perspective.

De notre journaliste Geneviève Montaigu