Séparation ne signifie pas fin de la relation, mais elle est acquise. Après des années de blocage, majorité et CSV ont réussi à s’entendre sur une modification de la Constitution. Le référendum sur la question saute.
À l’image de Claude Wiseler et de Xavier Bettel, le CSV et les partis de la majorité ont réussi à combler le gouffre qui les séparait à propos de la séparation de l’Église et de l’État. (Photos : archives Le Quotidien)
Les choses se sont précipitées depuis l’arrivée du nouveau gouvernement et le président de la fraction libérale, Eugène Berger, a raison de parler de « l’exploit » et de la « performance » réalisés par le gouvernement dans le déblocage d’une situation qui végétait depuis une bonne décennie.
Hier, enfin, majorité et chrétiens-sociaux se sont accordés pour modifier la Constitution de manière à ancrer la séparation des Églises et de l’État dans la loi suprême. Deux jours après l’accord trouvé entre le gouvernement et les communautés religieuses, restait encore à résoudre l’épineuse question de la modification constitutionnelle et en particulier des articles 106 et 22. Le premier concerne les salaires et les pensions des ministres du culte, une question que la nouvelle convention a définitivement réglée.
Les chrétiens-sociaux ne s’opposent d’ailleurs pas à la disparition de cet article vu que les communautés religieuses ont négocié le changement de statut avec le gouvernement. Un pas important était déjà franchi, restait à surmonter le barrage érigé depuis des années par le CSV qui n’admettait pas que les relations entre l’État et les communautés religieuses ne puissent plus être régies par un article de la Constitution. C’était la fonction de l’article 22 qui obligeait le gouvernement à conclure des conventions avec les cultes qui assuraient leur subsistance.
La séparation devait être claire et nette et être gravée dans le marbre de la loi organique. De même, l’abolition de ces deux articles liant l’État à l’Église devait donner naissance à un nouvel article consacrant la neutralité et l’impartialité de l’État. Sa formulation a réussi à satisfaire aussi bien les attentes de la majorité, désireuse de se débarrasser de son obligation envers les cultes, que celles du CSV, farouchement attaché à l’existence d’une loi régissant les relations entre l’Église et l’État.
Hier matin, en commission des Institutions et de la Réforme constitutionnelle, une majorité des deux tiers a approuvé ce changement historique.
> « Le chapitre est clos »
« Le chapitre est clos », a déclaré hier le Premier ministre et ministre des Cultes après avoir lu le passage du programme de la coalition précisant les intentions du gouvernement en matière de relations entre l’Église et l’État. L’État n’a plus d’obligation envers les communautés religieuses : le but est atteint.
Un autre chapitre de ce même programme prévoyait aussi d’interroger la population : « En 2015, le peuple sera consulté par voie de référendum sur des questions essentielles, notamment le financement des ministres des cultes. » Hier matin en commission, les députés ont décidé de laisser définitivement de côté cette question, qui a été autrement mieux négociée par le gouvernement.
Mais des dents grincent. Déi Lénk estime que la population doit quand même être consultée sur le sujet. Le constitutionnaliste Luc Heuschling déclarait mardi sur les ondes de la radio 100,7 que les électeurs risquaient de montrer, à travers le référendum du 7 juin, combien ils n’ont pas apprécié d’avoir été manipulés de cette sorte. Il parlait d’un « manque de respect », envers les électeurs.
Car jusqu’au bout, les quatre questions devaient être posées. La veille de l’accord, le député et secrétaire général du DP, Gilles Baum, répétait que son parti répondrait oui aux quatre questions posées et soulignait le courage du gouvernement dans sa volonté de changer radicalement la nature des relations entre l’Église et l’État.
Et puis plouf, le lendemain, Alex Bodry (LSAP) émettait l’éventualité d’un retrait de cette question. En disant cela, il avait déjà annoncé ce qui a finalement été entériné hier à la Chambre des députés.
Avec 55 voix pour, les députés ont adopté une résolution qui confirme le retrait de l’article 106 de la Constitution et l’insertion d’un article nouveau qui fait état de la neutralité de l’État en matière religieuse et idéologique ainsi que de son impartialité et qui confirme aussi le retrait de la quatrième question de la proposition de loi sur le référendum constitutionnel consultatif.
De notre journaliste Geneviève Montaigu