La nouvelle campagne contre l’insécurité routière met en avant les grands blessés de la route. Carine Nickels, victime d’un grave accident en 2012, a participé activement à cette campagne.
C’était il y a six ans, le 26 août 2012 précisément. Une date que Carine Nickels, aujourd’hui membre du comité de l’Association des victimes de la route (AVR), n’oubliera jamais. Ce jour-là, la vie de cette jeune femme, secrétaire de profession et qui allait avoir 36 ans, a définitivement basculé.
«J’étais assise à l’arrière de la voiture. Le chauffeur roulait trop vite. Il était à 100km/h au lieu de 50. Il n’a pas vu un virage sur la gauche. Il a tenté de freiner, mais on s’est quand même pris un arbre à 80km/h.»
Si les autres passagers s’en tirent sans trop de séquelles, il en est tout autre pour Carine, qui est depuis tétraplégique. «Ma nuque a été cassée au niveau des cervicales C6 et C7, je me suis retrouvée paralysée depuis la poitrine jusqu’en bas. Jusqu’à une opération l’année dernière, mes mains ne fonctionnaient plus du tout.»
Mais Carine est une battante. Très rapidement, à son réveil (elle a été plongée deux semaines dans un coma artificiel), elle réalise qu’elle ne peut pas se permettre d’avoir peur et qu’elle doit se battre. «Je n’avais pas de souvenirs de l’accident. Je n’ai encore aujourd’hui que des flashs. Aussi, lorsque j’ai appris que je n’étais pas au volant et que les autres n’avaient rien eu, j’ai d’abord été soulagée. Puis quand j’ai vu les réactions paniquées de mon entourage, je me suis dit que je devais me battre. J’ai réussi à survivre, je dois en être contente et ne pas me laisser aller.»
« Être encore plus cash »
Carine Nickels a rejoint l’AVR en tant que bénévole et défend par ailleurs les droits des handicapés. Elle a participé activement à la campagne contre l’insécurité routière que vient de lancer le ministère du Développement durable et des Infrastructures, en lui prêtant son visage et en y faisant part de sa terrible expérience. «Si je peux aider à ce que d’autres ne soient pas dans le même cas ou donner du courage à certains, tant mieux.»
Panneaux et affiches aux slogans forts et spots rappelant à quel point les gestes du quotidien qui peuvent paraître anodins peuvent tout à coup devenir insurmontables seront diffusés à travers le pays afin de sensibiliser les usagers.
«Cette campagne est assez choquante, mais, à mon avis, ça devrait être encore plus cash», estime Carine Nickels. «Car, au fond, ne plus pouvoir marcher, ce n’est pas le plus effrayant et ce n’est pas ce qui va faire le plus peur aux gens. On s’y habitue en fait très vite car, au final, la chaise roulante nous emmène où on veut. Non, le pire, c’est tout ce qui vient autour, la perte totale d’autonomie et d’intimité. C’était donc important pour moi que, dans le spot, l’accent soit mis sur ces petites choses que l’on ne peut plus faire : se lever le matin, prendre une douche, exercer le travail qu’on a choisi…»
Impossible de vivre seule
En effet, Carine Nickels ne peut plus vivre seule, elle habite dans un foyer et ne peut faire guère plus qu’ «un enfant de deux ans».
«Tous les matins, je dois attendre que quelqu’un vienne me lever, me lave, me mette dans ma chaise. Pareil le soir. Je n’ai pas la possibilité de me dire : ‘Ce matin, je vais me lever à 8h ou 9h’ ou : ‘J’ai transpiré, je vais prendre une douche’. Il faut que j’attende que quelqu’un ait le temps de venir s’occuper de moi.»
Et d’ajouter : «Je n’ai plus aucune intimité. Ce n’est pas la même personne qui s’occupe de moi tous les jours, il y a un roulement dans le foyer. Idem quand vous allez à l’hôpital (et en tant que tétraplégique, on tombe plus souvent malade), ce sont à nouveau d’autres personnes qui viennent s’occuper de vous.»
La campagne durera trois semaines, mais la lutte de Carine Nickels se poursuivra bien au-delà. «Les gens doivent comprendre que ça peut arriver à tout le monde, peu importe son âge. Ça peut arriver parce qu’on a regardé son téléphone, parce qu’on a roulé trop vite ou bu un coup de trop, parce qu’on était avec la mauvaise personne dans la voiture ou parce que quelqu’un d’autre nous fonce dedans. Oui, malheureusement, les accidents, ça arrive. Mais il faut faire en sorte de limiter les risques et faire très attention.»
Tatiana Salvan