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Pacte logement : une obligation de résultat


Le pacte logement 2.0 prévoit que les dotations seront calculées en fonction des unités de logements abordables réalisées et non plus en fonction de la croissance de la population des communes (photo : Julien Garroy).

Le pacte logement 2.0 actuellement en discussion à la Chambre vise à aider les communes à créer des logements abordables. Véritablement.

Le «pacte logement» à quoi ça sert ? À garder le logement abordable entre les mains des pouvoirs publics, selon son objectif. La version 2.0 de ce pacte est en discussion à la Chambre des députés alors que la première version, qui date de 2008 et qui est arrivée à échéance fin 2020, visait à favoriser une augmentation de l’offre de logement et de réduire le coût du foncier avec une aide financière de l’État.

Résultat? Les aides de l’État, estimées à 40 millions d’euros annuels, auraient été en majeure partie englouties dans les infrastructures et seuls 2,2 % des dépenses auraient soutenu directement la création de logements.

Désormais, le critère principal changera pour l’appui financier attribué aux communes. Le pacte logement 2.0 prévoit que les dotations seront calculées en fonction des unités de logements abordables réalisées et non plus en fonction de la croissance de la population des communes. La nouvelle mouture, qui s’étend sur la période 2021-2032, prendra également en compte la qualité des logements et du cadre de vie.

Au cœur de ce pacte, on retrouve quelques nouveautés. D’abord, l’arrivée d’un conseiller logement mis à la disposition des communes pour aider le collège échevinal à la réalisation d’un «Programme d’action local logement» (PAL), véritable stratégie communale pour le développement du logement abordable et base de la mise en œuvre du nouveau pacte logement. Toutes les communes doivent se doter de ce PAL au cours de l’année 2021.

«Nous apprenons un nouveau métier, celui de promoteur immobilier», nous explique Steve Reckel, bourgmestre de Mondorf-les-Bains, dont la commune a accepté de participer à un projet pilote de ce pacte 2.0 qui devrait être voté avant l’été. Surtout, souligne-t-il, «ce programme d’action local logement est aussi un document politique qui force à présenter les projets d’ici 2032. Si cela ne me pose pas de problème, car j’ai toujours été très transparent, je peux concevoir que certaines communes soient plus rétives à dévoiler leurs plans à si long terme».

Car il n’y a pas que les logements mais toutes les infrastructures qui vont avec. Le pacte logement soutient trois catégories de projets. Les participations financières accordées sont uniquement versées si les projets sont conformes aux objectifs du Pacte logement 2.0 et se situent dans une des trois catégories suivantes : acquisitions d’immeubles et projets d’équipements publics et collectifs (max. 50 %); cadre de vie et rénovation urbaine (max. 50 %); ressources, communications et dynamiques sociales (min. 25 %).

Cependant, Steve Reckel reconnaît que la préparation du PAL reste un exercice «agréable» mais que la commune avait déjà mis en place un service il y a deux ans pour se concentrer sur l’habitation à coût modéré. «Nous avons pesé de tout notre poids sur les privés», explique Steve Reckel. Dès que le bourgmestre entendait parler d’un projet immobilier, il allait à la rencontre du promoteur pour lui proposer une association avec la commune. «J’ai obtenu de bons résultats», se félicite Steve Reckel aujourd’hui.

La commune compte à ce jour neuf projets pour 75 logements, pas forcément tous liés à un promoteur privé. Il arrive que le bourgmestre parvienne à convaincre les propriétaires de terrains ou d’immeubles de vendre à la commune.

Au niveau financier, le pacte logement n’apportera guère plus aux communes. Il se définit comme un instrument complémentaire aux aides à la pierre du ministère du Logement soutenant les communes financièrement dans la réalisation de logements abordables. En revanche, les subventions serviront véritablement à les réaliser.

600 logements par an

Il y a une obligation de résultat dans ce nouveau pacte qui adapte également le taux actuel de logements abordables dans les nouveaux projets. Aujourd’hui, dans un nouveau quartier de plus de 25 unités de logement, le taux de logements abordables est fixé à minimum 10 %. L’avant-projet de loi prévoit les taux suivants : de 10 à 25 logements : 10 % de logements abordables; plus de 25 logements : 15 % de logements à prix abordable. Pour un projet de construction en dehors du périmètre de construction actuel : de 5 à 9 unités de logement : 10 % de logements abordables; de 10 à 25 unités de logement : 20 % de logements abordables.

En contrepartie de la cession de logements, les promoteurs verront leur potentiel constructible augmenter. «Les communes et l’État pourront accéder plus facilement à des logements abordables, parce que le prix de vente des logements se limiterait aux seuls coûts de construction», explique-t-on à la commission Logement.

Cette nouvelle règle devrait permettre de réaliser environ 600 nouveaux logements abordables par an contre 365 réalisés en moyenne sur les trois dernières années, selon les calculs du ministère de l’Intérieur.

«Avant, on avait 10 % à partir de 25 unités, mais je trouve que c’est mieux réparti aujourd’hui, car ce n’est pas tous les jours que des communes voient des projets de 25 unités», précise encore Steve Reckel.

Geneviève Montaigu

L’opposition craint que des promoteurs s’enrichissent sur le dos des acteurs publics

Les députés de l’opposition ne sont pas convaincus de l’efficacité d’un conseiller logement tel qu’il est prévu dans l’avant-projet de loi même s’ils se félicitent de la création d’un tel poste. Le CSV estime que les missions de ce conseiller devraient être étendues et mieux encore, pour être véritablement à la pointe, le CSV suggère de créer une structure à l’image de myenergy pour les diagnostics énergétiques. Son but serait de soutenir les communes dans leur politique immobilière sur un plan technique, administratif et financier.

Marc Lies, député-maire de Hesperange et spécialiste des dossiers «logement» pour le CSV, s’interroge sur la finalité du programme d’action local logement, le fameux PAL que les communes ont obligation d’élaborer pour avoir droit à un conseiller logement. «Je n’ai pas de réponse à ce jour, mais je me demande vraiment à quoi sert ce PAL», nous dit Marc Lies.

Surtout, Marc Lies, comme d’autres, attend toujours une définition claire du logement abordable. Selon le dernier amendement gouvernemental, il s’agirait de tout logement à coût modéré bénéficiant d’aides à la construction d’ensembles conformément à la loi concernant l’aide au logement destiné à la vente ou à la location ainsi que tout logement bénéficiant d’une participation financière de l’État.

«Ce n’est pas le prix de la construction qui est exorbitant mais celui du terrain, et c’est là que les communes doivent être aidées, mais le foncier n’entre pas dans les trois catégories d’aide de ce pacte logement», regrette Marc Lies.

Le gouvernement a trouvé une parade, mais l’amendement passe mal pour l’opposition. Comme c’est le prix du foncier qui pèse lourdement dans la création de logements abordables, le gouvernement a décidé d’introduire un mécanisme de contrepartie visant à réduire l’impact financier pour la main publique tout en assurant que les droits de propriété privée de l’initiateur d’un plan d’aménagement particulier soient garantis. Il s’agit en l’occurrence d’allouer à l’initiateur 10 % en plus de surface construite en échange de la cession des terrains réservés à la construction de logements abordables.

«Dans chaque commune où des logements seront construits, la densité sera augmentée et, d’office, de nouveaux logements abordables publics seront créés», se réjouit le gouvernement. Les communes et l’État pourront accéder plus facilement à des logements abordables, parce que les prix de vente des logements se limiteraient aux seuls coûts de construction.

L’opposition n’est pas si sûre de l’opération et craint que des promoteurs s’enrichissent sur le dos des acteurs publics.

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