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OGBL : «Il n’y a pas de véritable réponse politique» pour la sortie de crise


Nora Back et l’OGBL ne comptent pas céder «un seul millimètre» si jamais le gouvernement s’attaque à des acquis sociaux. (Photo : Fabrizio Pizzolante)

Le premier syndicat du pays fustige la passivité du gouvernement en prévision de la relance post-Covid. La lutte contre les inégalités serait arrivée au point mort. Le syndicat estime que «le pire reste à venir».

«La devise revient après chaque crise majeure», constate Nora Back, la présidente de l’OGBL. Elle fait référence au besoin de «tirer les bonnes leçons» du contrecoup massif que vient de subir l’économie, et donc la population active. «Cela peut permettre de calmer les esprits, mais il ne faut pas se fier aux promesses faites, qui, trop souvent, ne sont pas tenues. Plus que jamais, il faut faire preuve d’une vigilance accrue», reprend la cheffe de file du premier syndicat du pays.

Mardi, le comité national de l’OGBL s’est penché sur les «leçons» qui doivent être tirées à ses yeux de la crise provoquée par la pandémie de coronavirus, tout en faisant transparaître un manque de confiance envers le gouvernement. L’expérience de la post-crise financière des années 2008 et 2009 a laissé des traces importantes. «On nous avait annoncé de grands changements, mais en fin de compte on a dû subir plusieurs grandes vagues d’austérité et des attaques contre des acquis sociaux, tels que l’index ou les pensions», se remémore Nora Back. Même si les responsables politiques excluent tout recours à une nouvelle cure d’austérité, pour l’OGBL il serait erroné d’accorder une «confiance aveugle» aux annonces faites. «Le pire reste à venir», met en garde le syndicat.

 

«Une importante marge de manœuvre»

Le constat dressé, mardi, est le suivant : «Il n’y a pas de véritable réponse politique» aux défis qui se posent. Pourtant, aussi bien la Commission européenne que le Fonds monétaire international (FMI) et l’OCDE dressent la voie à suivre. Ces trois grandes institutions sont devenues des alliées plutôt inhabituelles pour l’OGBL afin de pousser le gouvernement à enfin agir sur la relance économique et le renforcement du pouvoir d’achat, sur le renforcement des investissements dans la transition écologique et numérique et sur la pérennisation d’un système de sécurité sociale fort et solidaire.

Une adaptation du système fiscal orientée vers une plus grande équité doit servir de base pour la réalisation de ces objectifs, mais beaucoup plus encore à intensifier enfin la lutte contre les inégalités sociales. «Pourquoi plus rien ne se passe sur le plan politique ?», s’interroge Nora Back. Le FMI plaide pour une taxation plus importante des plus riches tandis que l’OCDE vient d’arracher un accord pour une imposition de 15 % de toutes les multinationales. Sachant que le Luxembourg comptait en 2020 quelque 42 800 millionnaires, soit 2 600 de plus qu’en 2019 (source : Capgemini), «il existe encore une importante marge de manœuvre». Impôt sur la fortune et imposition plus importante des droits de succession figurent sur la liste de revendications de l’OGBL. L’indexation du barème d’imposition en fait également partie. La présidente du syndicat eschois a rappelé, mardi, deux autres chiffres clés : 10 % des résidents les plus riches possèdent 50 % du patrimoine et 20 % des héritiers les mieux lotis possèdent un patrimoine 50 fois plus élevé que les 20 % les plus pauvres.

«Le dialogue social coince»

«Il faut que l’on prenne enfin au sérieux cette problématique, qui est entretemps aussi reconnue par des grandes institutions. Il faut commencer dès maintenant à rendre le système fiscal plus équitable», insiste Nora Back. Dans ce contexte, l’OGBL fustige que la grande réforme fiscale ait été mise entre parenthèses par le gouvernement. «Les finances publiques ont été bien moins lourdement impactées par la crise que redouté au départ. On est proche de l’équilibre. Rien n’empêche donc de continuer à emprunter», estime Nora Back.

Toutes ces questions, et bien d’autres encore, devraient faire l’objet de discussions dans le cadre d’une tripartite nationale, réunissant gouvernement, syndicats et patronat. «Or le dialogue social coince», déplore la présidente de l’OGBL. Les groupes de travail (profil de compétences, droit du travail), mis en place à l’issue de la tripartite de juillet 2020, coinceraient aussi. «Le gouvernement fait la sourde oreille. Malgré nos critiques, des textes de loi qui ne sont pas dans l’intérêt des gens sont votés sans aucun amendement. Cela n’est pas explicable», conclut Nora Back.

David Marques

Le secteur de la recherche, première victime ?

L’OGBL a pris connaissance d’une communication de la part du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche au sujet du financement public de l’université du Luxembourg et des différents centres de recherche. «L’université tout comme le Liser, le LIST et le LIH ont été prévenus que leurs dotations budgétaires n’allaient pas être revues à la hausse pour au moins deux ans», note Frédéric Krier, membre du bureau exécutif de l’OGBL. «Ce serait un signal politique fatal. Une telle décision est inacceptable. Nous allons nous y opposer avec toutes nos forces», martèle Nora Back. Comme indiqué ci-dessus, le camp syndical ne compte tolérer aucune politique d’austérité.

Dans le budget de l’État pour cette année 2021, une dotation de 231,4 millions d’euros est réservée à l’université. La recherche et l’innovation se sont vu attribuer une enveloppe de 184,3 millions d’euros. Le budget global du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche est de 574,1 millions d’euros.

Logement : «Cela devient ridicule»

Le pacte logement 2.0, qui sera voté sous peu, est une «catastrophe» aux yeux de l’OGBL.

Rien n’y fait. «Nous avons organisé une manifestation, la Chambre des salariés a rédigé une contre-proposition de loi. Nous avons lancé une mise en garde sur les risques que comprend le texte du ministre Kox. Et pourtant, le pacte logement 2.0 sera voté comme si de rien n’était.»

Nora Back ne sait plus à quel saint se vouer. L’erreur fondamentale du nouveau pacte que l’État compte conclure avec les communes serait d’avoir ramené de 30 à 20 % le nombre de logements à prix abordables qui sont à réaliser dans le cadre de tout nouveau projet de construction. Ces logements doivent également rester entre les mains de l’État. «Nous n’avons jamais reçu d’explication convenable sur cette volte-face», fustige la présidente de l’OGBL.

«Qu’attendons-nous pour agir ?»

«Cela devient ridicule», reprend Nora Back au moment d’analyser la politique du logement du gouvernement. Le nouveau retard pris pour la réforme de l’impôt foncier provoque l’ire de l’OGBL : «Nous ressentons quelque part une absence politique dans ce dossier. Rien ne filtre. Nous ne savons pas dans quelle direction va aller cette réforme. Et on ne sait rien sur le calendrier.»

L’OGBL réclame aussi avec insistance l’introduction d’une «taxe de rétention» sur les terrains non construits et les logements vides. «Chacun semble d’accord pour introduire une telle taxe. Même Xavier Bettel se dit favorable et estime que du jour au lendemain bon nombre de logements arriveraient sur le marché. Mais c’est bien lui le Premier ministre d’un gouvernement qui est au pouvoir depuis près de 8 ans, non?», lance la présidente de l’OGBL. Le chef du gouvernement avait signé ses propos dans une interview accordée à nos confrères de Paperjam.

Le plafonnement des loyers est une autre revendication majeure de l’OGBL.

«Qu’attendons-nous pour agir ?», s’interroge Nora Back. «Si l’on continue ainsi, la crise du logement se dirigera vers une toute nouvelle dimension.»

Liberty Steel : «Une seule option : la nationalisation»

La «politique de l’autruche» de la part de la direction de Liberty Steel «doit cesser», souligne Nora Back. Le propriétaire de l’usine sidérurgique basée à Dudelange (ex-Galvalange) ne serait plus en mesure de tenir à flot le site de production, racheté en 2019 à ArcelorMittal. En cause : l’écroulement du principal financier de Liberty Steel. Il y a une semaine, le ministre de l’Économie, Franz Fayot, précisait devant la Chambre des députés que le groupe indo-britannique ne faisait aucune allusion pour céder son usine luxembourgeoise. Également, la semaine écoulée, des échos faisant état d’une restructuration des usines de Liberty Steel ont été publiés dans la presse spécialisée. Une coopération rapprochée des usines de Liège et Dudelange avec des usines basées en Roumanie et en Italie serait envisagée. «Cette restructuration n’a encore fait l’objet d’aucune réunion avec les représentants du personnel», fustige Nora Back, pour qui la seule solution qui est «viable à court terme» est le «plan B» préparé par le gouvernement : «Il n’existe qu’une seule option : la nationalisation».

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