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Nouvelles turbulences sociales chez Cargolux


D'après les syndicats, toutes les catégories de personnel sont touchées par la dégradation des conditions de travail : mécaniciens, pilotes et administratifs. (Photo : Hervé Montaigu)

Des bénéfices record, des salaires à la traîne et des conditions de travail dégradées : le dialogue social est en panne chez Cargolux et les syndicats ont décidé de saisir l’Office national de conciliation.

Je suis reconnaissant et j’apprécie tous nos employés qui démontrent tant de confiance et de fierté pour notre organisation…» L’enthousiasme pour ses salariés qu’exprime le patron de Cargolux, Richard Forson, sur le site internet de la compagnie n’est manifestement pas réciproque. Les représentants des salariés ont en effet décidé de saisir l’Office national de conciliation (ONC) alors que les négociations pour le renouvellement de la convention collective sont dans l’impasse. Un air de déjà vu chez Cargolux où le dialogue social tourne régulièrement à l’aigre depuis plusieurs années.

Dans un communiqué commun diffusé hier, les syndicats LCGB et OGBL précisent que cette décision intervient à l’issue de huit réunions infructueuses, menées depuis le début de l’été. En cause, le refus de la direction de procéder à une augmentation générale et substantielle des salaires et d’améliorer de façon durable les conditions de travail des quelque 2 000 employés du groupe, dont plus de 1 400 à son siège luxembourgeois.

Une question primordiale pour la sécurité

Ces revendications ne sont pourtant pas irréalistes car, en 2017, «Cargolux a réalisé un bénéfice après impôts de 122,3 millions d’euros, un record dans l’histoire de la compagnie aérienne» créée en 1970, expose Michelle Cloos, secrétaire centrale de l’OGBL, en charge du dossier auprès du syndicat indépendant. Et 2018 s’annonce tout aussi riant, avancent les syndicats, la société de fret aérien prévoyant un nouveau bénéfice record pour l’année qui vient de s’achever.

Au tournant des années 2010, Cargolux faisait face à des difficultés financières en raison notamment d’amendes de plus de 80 millions d’euros infligées par la justice américaine et la Commission européenne pour entente ou tentative d’entente sur les prix avec d’autres acteurs du marché du fret aérien. Mais aujourd’hui, la société, contrôlée à près de 30 % par l’État luxembourgeois, a renoué avec les profits et se targue de la conquête de nouveaux marchés et de l’ouverture de nouvelles lignes. Avec pour conséquence «un personnel surmené et poussé aux limites de sa résistance», écrivent LCGB et OGBL.

Retour aux acquis antérieurs

«Cela concerne toutes les catégories de personnel : les mécaniciens qui accumulent les heures supplémentaires, les pilotes qui doivent fréquemment changer de planning et les administratifs qui sont surchargés», énumère Michelle Cloos. «Cela a une implication sur l’organisation professionnelle et la vie privée des salariés», poursuit la secrétaire centrale pour qui «cette charge de travail excessive pose aussi la question de la sécurité, primordiale dans le secteur aérien».

Les syndicats demandent à la direction de s’attaquer de façon durable à la cause du problème, c’est-à-dire le manque de personnel, et d’accorder une augmentation réelle des salaires et non juste le versement de primes ponctuelles. «C’est fondamental, car il faut des personnels très qualifiés à qui il faut verser des salaires valables si Cargolux veut être compétitif sur le marché du travail luxembourgeois», argumente la syndicaliste. «Les salariés s’étaient pourtant montrés très conciliants quand la situation financière de l’entreprise était moins bonne», ajoute Michelle Cloos.

Aussi, LCGB et OGBL estiment que «les acquis antérieurs et les règlementations ayant fait leurs preuves doivent être rétablis au niveau de la convention collective avec un modèle de rémunération attractif, qui reflète les coûts de la vie du Luxembourg et honore l’expérience et l’engagement du personnel».

«Nous avons des réunions, il y a un dialogue, mais c’est un dialogue de sourds. On sent la volonté de la direction de faire traîner les choses alors que les salariés s’impatientent de plus en plus», raconte Michelle Cloos. Et la secrétaire centrale de l’OGBL de déplorer qu’«une nouvelle fois les négociations finissent en dispute publique».

Dans l’attente d’une date

Jointe mercredi par Le Quotidien, la direction de Cargolux a indiqué qu’elle «examine actuellement la correspondance reçue de l’ONC et y répondra en temps voulu». Elle a par ailleurs accusé bonne réception du courrier des syndicats la prévenant de la saisie de l’ONC et en a informé le personnel par voie interne.

Les salariés et leurs représentants syndicaux sont désormais dans l’attente de la fixation d’une date d’une première réunion devant l’ONC. Cet organisme paritaire placé sous l’égide du ministre du Travail a notamment pour mission de résoudre les litiges en rapport avec les conventions collectives.

Acteur majeur sur le marché du fret aérien en Europe, Cargolux dispose d’une flotte permanente de 28 avions cargo desservant 90 destinations dans le monde. Son capital est partagé entre Luxair (35,1 %), le groupe chinois HNCA (35 %) et l’État luxembourgeois qui détient les 29,9 % restants à travers des participations directes et indirectes.

F. G.

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