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Notre analyse après le raz-de-marée du non


La campagne du camp du oui n'a pas suffi à inverser la tendance. Le non a été plébiscité par les électeurs. (photo Isabella Finzi)

Le référendum consultatif sur le droit de vote à 16 ans, le droit de vote des résidents étrangers et la limitation des mandats ministériels s’est soldé par une sacrée claque pour le camp du oui. Le triomphe du camp du non n’est pas une raison pour ce dernier de jubiler. Le rejet massif des trois questions pose un défi de taille pour la société dans son ensemble. Le scénario catastrophe d’un clivage du pays est à éviter. Le gouvernement de Xavier Bettel est sous pression, mais ne compte pas rompre.

Le résultat est sans appel. Plus de 80  % se sont dits opposés au droit de vote facultatif pour les jeunes âgés de 16 ans. Près de 78 % ont dit non à l’ouverture du droit de vote, également facultatif, pour les résidents étrangers. Finalement, près de 70 % n’ont pas souhaité limiter les mandats ministériels à dix années consécutives.

Au vu du raz-de-marée du non, on peut ouvertement se poser la question de savoir si les électeurs ont uniquement répondu aux questions posées. Le résultat est certainement à respecter et, comme l’a souligné dès hier soir le Premier ministre, Xavier Bettel, « le message a été reçu ». Avec le résultat clair qui se dégage de ce scrutin, un vote sanction contre le gouvernement inédit formé par le DP, le LSAP et déi gréng, qui fin 2013 a chassé le CSV du pouvoir, n’est cependant pas à exclure.

Autre élément qui a certainement influencé le résultat  : la campagne lancée trop tardivement et menée de manière trop passive par les partis politiques a eu pour conséquence qu’une très large partie des électeurs a abordé ce référendum sans avoir appréhendé véritablement les tenants et les aboutissants des trois questions. Le débat a en effet été mené en petit comité, trop souvent sur la base de fausses hypothèses et encadré de fausses peurs, propagées également par le camp du non. Si on peut se réjouir du renouveau du débat politique dans la population, le non massif sorti des urnes aura bien des conséquences. Et comme avant le scrutin, toute la complexité du défi qui attend désormais la politique, mais aussi la société dans son ensemble n’est pas encore prévisible.

Le clivage de la société monte à la surface

C’est surtout le refus massif de l’ouverture du droit de vote aux résidents étrangers qui risque de causer des dégâts. Si le vote sanction a certainement pesé dans le choix des électeurs, le résultat a aussi fait apparaître au grand jour un clivage qui existe dans la société. « Le non ne doit pas être interprété comme un rejet des étrangers .» Cette phrase est revenue dans de nombreux commentaires hier soir. Mais est-ce vraiment le cas? Une chose est acquise  : avec le non, le problème du déficit démocratique que connaît le pays n’est pas résolu. Tous les partis se trouvent maintenant dans l’obligation de se mettre autour d’une table pour trouver un consensus sur un accès facilité à la nationalité afin de permettre à plus de résidents étrangers de pouvoir mieux s’intégrer et participer à la vie politique du pays.

Les bases de ce consensus sont cependant remises en question depuis hier soir. Dès la publication du résultat du premier bureau de vote, le raz-de-marée du non s’est annoncé et s’est confirmé tout au long de l’après-midi. Du Nord au Sud, de l’Ouest à l’Est, des communes plus rurales aux grandes agglomérations et métropoles  : la claque que la population a donnée aux partisans du oui est violente.

Bettel bousculé

Avec ce résultat, les appels à la démission du Premier ministre, Xavier Bettel, et de son gouvernement se sont multipliés. « Si j’étais dans sa situation, on ne devrait pas me prier d’aller présenter ma démission au Grand-Duc », a ainsi fanfaronné Gast Gibéryen, chef de file de l’ADR. Le CSV et plus particulièrement son président, Marc Spautz, ainsi que Michel Wolter, un de ses prédécesseurs, lui ont emboîté le pas. « Si nous étions au pouvoir, nous saurions prendre nos responsabilités », a clamé Marc Spautz. Le chef de fraction Claude Wiseler était lui plus réservé, mais a aussi laissé entendre que des conclusions devaient être tirées. Plus réservé, Claude Wiseler l’était peut-être aussi en raison du passé récent du CSV. L’ancien Premier ministre, Jean-Claude Juncker, s’était en effet refusé jusqu’au bout à prendre ses responsabilités dans l’affaire du SREL. Mais aujourd’hui, le vent semble avoir tourné au Parti chrétien-social.

Tout cela n’empêche pas le pays de se réveiller ce lundi matin avec la gueule de bois. La victoire du non n’est en effet pas une raison de jubiler. Dès aujourd’hui, le débat mais aussi les négociations pour faire avancer le pays, qui a raté hier une occasion de faire un bond en avant, vont débuter. Le droit de vote à 16 ans, le droit de vote pour les résidents étrangers et aussi la limitation des mandats ministériels ne verront pas le jour, du moins pas dans un avenir proche.

Chacun doit prendre ses responsabilités, que ce soit tant la coalition gouvernementale et l’opposition que la société civile. « Ce n’est qu’ensemble et dans le respect mutuel qu’on restera forts », a lancé dans un message rassembleur le Premier ministre, Xavier Bettel, hier en début de soirée. Le défi est de taille. Mais l’avenir du pays est à ce prix-là.

David Marques

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