Plus d’un an après le début de la pandémie, l’OGBL fait état de salariés qui «souffrent massivement». Samedi, le syndicat a dressé ses lignes rouges pour la relance post-crise.
Cette année, le 1er-Mai de l’OGBL a commencé au petit matin. Dès 8 h, un piquet de protestation a été organisé devant les grilles d’Eurofoil, entreprise de production d’aluminium basée à Dudelange. Près de 93 % des salariés se sont prononcés en faveur d’une grève, ultime moyen pour forcer la direction à signer une nouvelle convention collective.
Le conflit social chez Eurofoil est un des nombreux fronts sur lesquels le premier syndicat du pays est actuellement engagé. «On est confronté à une situation inédite. Nous avons vécu cette dernière année beaucoup de choses que nous n’aurions jamais pu imaginer», lance quelques heures plus tard Nora Back. Malgré les restrictions sanitaires, la présidente de l’OGBL avait insisté pour aller battre le pavé au lieu de répéter l’exercice d’un discours digital, face à une salle vide. C’est ainsi que le syndicat, rejoint par le Landesverband (lire ci-dessous), a décidé de retourner à ses sources, avec un traditionnel cortège du 1er-Mai.
En fin de compte, un petit millier de militants ont défilé dans les rues d’Esch-sur-Alzette, une première depuis 1991. «Nous pouvons être contents, nous pouvons être fiers de nous, d’être ensemble dans la rue en ce jour, le jour du Travail», a lancé la présidente Nora Back, au bout du cortège qui est parti de la place de la Résistance pour rejoindre la place de l’Hôtel-de-ville. Le message envoyé a été très clair : «L’OGBL et le Landesverband se sont battus dès la première minute pour que cette crise sanitaire, qui nous mène vers une crise économique, ne se transforme pas en une profonde crise sociale. Ceci a constitué notre feuille de route dès le premier jour et nous nous battrons jusqu’à la fin.»
Malgré tous les efforts consentis depuis mars 2020, avec à la clé la réalisation de bon nombre de mesures pour sécuriser l’emploi, l’OGBL se doit de constater que «dans tous les secteurs, dans toutes les professions, les salariés souffrent massivement de cette crise». Pour pouvoir s’en sortir, «nous devons poursuivre nos objectifs syndicaux : sécuriser les emplois, ne pas accepter davantage les inégalités dans notre société, empêcher la précarité. Et pour toutes ces raisons, nous devons, autant que possible, contrer et affaiblir la récession économique».
«Pas de retour à l’anormal»
L’OGBL se sent toutefois exclu des travaux pour préparer la relance post-crise. L’absence de concertations à l’échelle de la tripartite nationale est qualifiée de «scandale» et constitue selon Nora Back «une occasion ratée». «Le gouvernement doit avoir honte», lance même la cheffe de file de l’OGBL. Le résultat serait une «division de la société», marquée par des «craintes existentielles pour des dizaines de milliers de salariés dans le pays». Le syndicat eschois insiste sur le dialogue social, qui serait le «prix pour la paix sociale». «Le monde de demain ne pourra être façonné qu’avec nous, nous, qui sommes les principaux représentants de l’ensemble des salariés et de leurs familles, ici, au Luxembourg», met en garde Nora Back.
Les lignes rouges pour la sortie de crise sont dressées. Samedi, l’OGBL a ainsi émis un non catégorique à la politique d’austérité et toute attaque contre les acquis sociaux. Les pensions sont citées en exemple. Gouvernement et patronat sont pressés de revaloriser le travail, renforcer le pouvoir d’achat des salariés et préparer une transition numérique et écologique équitable. «Analyser l’impact social de ces évolutions, de ces risques, mais également les éventuelles chances qu’elles offrent constitue désormais les défis que notre syndicat doit relever», indique Nora Back.
Pas un 1er-mai sans un message plus fondamental. «Les êtres humains ne doivent plus être considérés uniquement comme des coûts de production, une marchandise ou une matière première», souligne la présidente de l’OGBL. C’est dans cet ordre d’idées que le syndicat lance une ultime mise en garde : «Lorsque nous parlons d’un retour à la normalité, comme cela arrive souvent, cela ne doit toutefois pas consister en un retour à l’anormal, où le profit passe avant l’être humain, où le travail rend les gens souvent malades.»
David Marques