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Minerais de sang : des espoirs déçus pour les ONG luxembourgeoises


Les entreprises sont aujourd'hui peu regardantes sur la provenance des minerais qui composent des objets de notre quotidien. (photo AFP)

Des ONG luxembourgeoises ont dénoncé mercredi l’adoption par l’UE d’un règlement peu efficace pour encadrer les minerais de conflit qui composent nos téléphones.

Un groupement d’associations européennes met la pression sur les différents gouvernements et l’UE pour légiférer sur les minerais de conflit. Après l’espoir suscité par le Parlement européen, les lobbys ont été déçus par le texte de loi non contraignant pour les entreprises adopté par l’UE.

La société civile souhaite étendre la législation qui existe déjà concernant les «diamants de sang» à d’autres minerais de conflit. Le processus est le même  : ces minerais contribuent à alimenter les conflits existant dans certains pays. C’est le cas pour la Colombie avec le charbon, et pour l’Irak avec le pétrole. La République démocratique du Congo (RDC) est le pays le plus touché avec 5,4  millions de morts et plus de 2  millions de personnes déplacées à l’est du pays, sans compter le viol utilisé comme arme de guerre à grande échelle.

Aujourd’hui, les quatre minerais que sont l’étain, le tungstène, le tantale et l’or sont dans le collimateur des législateurs. Ils entrent dans la fabrication de nos téléphones portables, nos ordinateurs, des objets du quotidien en somme. Rien qu’à l’est de la RDC, près de 98  % de l’exploitation aurifère est exportée illégalement. Cela équivaut à une perte sèche pour les caisses des autorités locales, mais cela représente également une source de revenus conséquente pour les groupes armés qui occupent encore plus de la moitié des mines artisanales de cette région.

Rendre la législation contraignante

Au niveau de l’UE, le Conseil européen a adopté définitivement le règlement sur l’approvisionnement responsable en minerais provenant des régions en conflit, ou dites à haut risque. Ce règlement est le résultat d’un processus législatif qui aura duré trois  ans, processus soutenu au Luxembourg par Caritas Luxembourg, ASTM, Fairtrade Lëtzebuerg et la Fondation Partage Luxembourg. Sur le plan européen, 150  ONG se sont regroupées afin de rendre contraignante une telle législation pour les entreprises qui font commerce de ces minerais.

Mais après ces trois ans de bataille législative et de travail des lobbys, les ONG sont déçues  : « Le Parlement européen avait souhaité la mise en place d’un système contraignant, obligeant les entreprises européennes à veiller à la provenance des minerais» , souligne Stefan Reinhold, de la CIDSE, alliance internationale d’agences de développement catholiques. «Le projet prévoyait de couvrir toute la chaîne d’approvisionnement de façon obligatoire, des importateurs aux fonderies, le tout jusqu’aux produits finis. Le texte final est bien en deçà de nos espérances, car il n’a pas de caractère contraignant pour les entreprises », regrette le responsable de plaidoyer sur les «minerais de conflit».

Si les associations sont déçues, des lois nationales dans différents pays se multiplient pour tracer la provenance des minerais importés en Europe. Une loi sur le «devoir de vigilance» a été votée il y a deux semaines en France par exemple. Elle impose aux grandes entreprises de prendre des mesures pour prévenir les manquements éthiques ou environnementaux de leurs sous-traitants. Une avancée que salue Stefan Reinhold  : « Il est temps que l’Union européenne légifère pour tous les secteurs de l’économie, car il n’y a pour l’instant pas d’approche globale. Notre objectif est d’avoir une masse critique d’États membres pour que l’UE se retrouve obligée d’harmoniser au niveau global et de contraindre les entreprises à rendre compte de leurs actes. »

En attendant, le «devoir de diligence» pour les importateurs au niveau européen sera effectif à partir du 1 er janvier 2021. Les ONG espèrent que les États membres auront mis en place d’ici là des systèmes de contrôle. « Cette nouvelle loi sera une première étape. Des mesures supplémentaires seront nécessaires afin d’assurer que toutes les entreprises vérifient scrupuleusement leurs chaînes d’approvisionnement », espère Stefan Reinhold.

Audrey Somnard

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