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Migrants : le silence qui tue [chronique]


Des migrants face à la police en tentant d'entrer en Macédoine à la frontière avec la Grèce, près de la ville de Gevgelija, ce 26 août. Plus de 42 000 personnes ont traversé la Macédoine depuis la mi-juin pour essayer d'entrer dans l'Union européenne. (photo AFP)

Nous vivons une période horrible. Non, je ne pense pas au problème de la mendicité (organisée) dans notre capitale, un dossier qui fait couler beaucoup d’encre ces jours-ci. D’autres s’en occupent tant bien que mal. La question qui me préoccupe est celle de la non-politique migratoire de l’Europe. Je dis bien «de l’Europe», car les problèmes dépassent de loin les limites de l’Union européenne.

Le triste sort que vivent aujourd’hui des dizaines, voire des centaines de milliers de réfugiés et de demandeurs d’asile qui se bousculent aux portes de l’Union (et de plus en plus aussi en son sein même) doit indigner chaque citoyen européen qui se respecte.

Un drame humain devant nos portes

Les images du week-end ont, une fois de plus, été dures à regarder. Alors que les vagues de réfugiés n’arrêtent pas de déferler sur les côtes de certaines îles grecques et pendant que plus de 4000 personnes ont dû être secourues d’urgence en Méditerranée, des scènes désolantes se sont déroulées à la frontière serbo-macédonienne, où des forces de police macédoniennes justement ont essayé de stopper par tous les moyens le flux de réfugiés syriens, parmi eux de nombreuses femmes et des enfants de tous âges.

Surtout ne limitons pas notre critique aux seules autorités macédoniennes. Complètement débordé et dépassé par les événements, conscient du fait que la seule chose qui intéresse ces migrants, c’est d’arriver au plus vite en Hongrie, porte d’entrée de l’Union européenne, ce petit pays voisin de la Serbie voulait rendre attentif au fait que la situation actuelle ne pourrait pas durer.

La tactique retenue n’a pas été la bonne, mais pour nous autres Européens, confortablement installés devant nos écrans, il est facile de le dire.

Un silence très pesant

Face à cette gigantesque crise humaine, nos grands dirigeants politiques européens sont restés longuement et étonnamment silencieux. Comme si les négociations autour du troisième plan d’aide pour la Grèce avaient épuisé toute leur inspiration et toute leur énergie. Gouverner, c’est prévoir, mais ici, manifestement, personne n’avait rien prévu.

Enfin, on avait bien compris que les flux migratoires n’allaient pas s’arrêter de sitôt, mais de là à s’imaginer la submersion intervenue à plusieurs endroits en même temps, impossible.

Lundi, Madame Merkel a enfin eu l’occasion d’échanger avec Monsieur Hollande au sujet de la politique migratoire européenne. Il n’était pas trop tôt. En l’absence de dirigeants clairvoyants, responsables, capables d’avoir un discours clair et de faire la pédagogie nécessaire –  par exemple expliquer la différence entre un réfugié de la guerre civile syrienne, un demandeur d’asile de la Bosnie-Herzégovine et un réfugié économique en provenance de l’Afrique subsaharienne  –, les populistes et, bien pire, les extrémistes occupent le terrain.

C’est le cas en Allemagne de l’Est, à Heidenau, petite ville proche de Dresde. La situation y a complètement dégénéré lorsque des militants d’extrême droite ont cherché la confrontation directe avec des forces de police soucieuses de protéger un nouveau centre d’accueil pour réfugiés.

Pour une approche européenne

Plaider pour un droit d’asile européen commun, c’est élémentaire, mais qu’en est-il des conditions d’application de ce même droit, des modalités de contrôle et d’éventuelles sanctions en cas de non-respect?

C’est bien de condamner les violences xénophobes qui se multiplient, mais qu’en est-il des mesures de répression et de sanction à prendre face à ces tristes énergumènes qui n’hésitent pas à tabasser des gens complètement démunis, déboussolés, désespérés?

Les conditions d’accueil doivent être standardisées et répondre à des exigences minima en matière de sécurité, d’hygiène et de confort. La répartition territoriale des nouveaux arrivants doit être plus équitable, plus équilibrée à l’échelle de l’Union. Il faudra se mettre d’accord sur ce que l’on entend par «pays d’origine sûrs». Que penser d’une Europe où chaque pays dit le contraire de l’autre? C’est simplement indigne.

Il faudra bien sûr combattre les origines du mal. Mais alors, parlons de tout  : de l’exploitation économique, à l’échelle mondiale, de certains pays par d’autres; des livraisons d’armes; du financement occulte du terrorisme; des intérêts cachés de certains pays ou groupes de pays.

Évitons ce jeu de ping-pong qui consiste à ce que les communes demandent plus d’argent à leurs États centraux qui demandent plus d’argent à l’Union européenne qui dit que la responsabilité incombe aux États membres qui se rejettent la balle en disant qu’untel fait plus d’efforts qu’un autre.

Dans le style qui est le sien, le président Hollande a constaté à Berlin que nous vivons «une situation exceptionnelle, mais une situation exceptionnelle qui va durer». Qu’on se le dise. Rien ne sera plus comme avant.

Claude Gengler, directeur du Quotidien

3 plusieurs commentaires

  1. Mais finalement, pourquoi l’Europe? Les afghans sont beaucoup plus proches de l’Inde et de l’Asie du sud-est que de l’europe. Pourquoi n’y vont-ils pas? L’afrique est pleine de pays à large majorité musulmane. Ils devraient s’y sentir plus à l’aise qu’en europe où une bonne partie de la population n’aime guère les musulmans, même s’il n’est pas de bon ton de le dire tout haut.
    La seule réponse semble être ces états providence dont les pays européens se meurent et n’ont guère besoin de nouveaux assistés, qui ne feront qu’accélérer la chute de nos vieux pays.
    Cet état providence a été financé, surtout en France, par une dette colossale que seuls les taux à zéro permettent de supporter encore un moment. Mais dès leurs relèvement, la note sera d’autant plus dure à supporter qu’il n’y a déjà plus de marges de manoeuvre. Ces nouveaux immigrés nous aideront-ils à la payer?

  2. @Chris, j’entends bien votre opinion et c’est tout à votre honneur de relever que des gens ‘dans l’anonymat » ou en association tentent bon gré mal gré d’aider ces « opprimés » de leur pays et qui vraisemblablement vont connaître une autre forme d’oppression « le rejet » des populations autochtones des pays d’accueil.

    A mon avis, cette situation a été négligée depuis le départ. Maintenant, ils sont des millions à fuir le désespoir. Croyez moi, leur instinct de survie les poussera davantage. Nos services sociaux sont déjà débordés par les plus démunis locaux et certes l’Etat à son rôle à jouer dans ce nouveau phénomène humain. (je crois que c’est en route au Luxembourg, La Croix rouge a pris ses responsabilités).
    Le domaine sanitaire et social va devoir s’organiser aussi pour prendre le relai, car ce sont des humains et si nous voulons et devons respecter nos valeurs et devoirs, nous ne pouvons pas ne pas accorder assistance à personne en danger (quelques soit ses origines, son statut, sa couleur, sa religion…).
    L’Histoire passé de l’Europe regorge d’exemples pas très glorieux.
    La comparaison avec le phénomène survenu chez les Juifs il y a plus de 50 ans, est similaire en bien des points. Il y a intention d’éradiquer un peuple, par des despotes de leur propre pays. C’est une exode forcée.

    A remonter plus loin: on se croirait à la traversée de la mer Rouge du peuple juif assailli par le pharaon;).
    Je souligne aussi, que la religion musulmane, (citée par vous Chris), ne doit pas nous rendre aussi inhumain que certains qui l’utilisent à des fins de pouvoir, car en tant que personne neutre et ayant connaissance des 3 principales religions (chrétienne, musulmane et juive) je me permets de dire paradoxalement que le religieux doit passer en second plan car ce sont des milliers de vies humaines qui sont en jeu ( dans toutes les religions, la fraternité entre les peuples est l’un des piliers!). L’Europe ne doit pas être un spectateur passif face à la misère humaine.
    Il faut une commission de crise qui planifie la prise en charge de cette population à multirisques. Nous ne devons pas transposer la maltraitance des pays cibles chez nous. Tant de travail a été fait pour préserver la dignité des êtres humains, il est temps de l’appliquer.

    Je salue toutes ces personnes, qui chaque jour, aident ceux qui sont dans le besoin (soient-ils leur voisin, leur collègue, leur salarié, leur parents, ou maintenant un exilé en détresse…

  3. Quant on lit les éditos du Quotidien c’est toujours la même rengaine : pôv’ migrants, pôv’ Grecs, pôv’ musulmans sans mosquées, pôv’ femmes voilées incomprises, pôv’ mendiants persécutés…etc.

    Et systématiquement, on renvoie la balle aux autorités nationales ou européennes : « il faudrait que », « y’a qu’à » (baisser le pont-levis par exemple).

    Mais vous, oui vous, qu’êtes vous prêts à faire personnellement ? Comment comptez-vous vous investir concrètement face – par exemple – à l’afflux de réfugiés ?

    Comptez-vous – comme Christophe Chohin – leur ouvrir votre chambre d’ami, les nourrir, leur apprendre une ou plusieurs langues nationales, les aider à s’y retrouver dans les démarches administratives, les aider à faire leur courses (j’en parle parce que où je réside partiellement en Allemagne, il y a des personnes qui font tout ça et bénévolement) ?

    Tiens une question simple : à combien estimez-vous le nombre « raisonnable » de migrants qui pourraient être accueillis à Esch-s/Alzette, votre fief ?

    Et si vous ne voulez pas vous en mêler, seriez-vous prêt à supporter un nouvel impôt de solidarité pour les migrants (comme celui par exemple instauré pour l’assurance dépendance) ?

    Du concret quoi. Lorsqu’on écoute les médias, la majorité des gens semblent dire pôv’ migrants mais lorsqu’on leur parle de les installer chez eux, c’est plutôt non…qu’ils aillent plutôt dans la commune voisine ou le pays voisin.

    Et vous, donneurs de leçons du Quotidien, qu’êtes vous prêts à faire ?